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pouvait seule assurer sa subsistance, et que son éloignement livrerait cette immense cité aux horreurs de la famine. Une telle imposture, présentée sous les formes du respect et de la reconnaissance, répétée dans toutes les harangues et dans tous les journaux, enchaîna Louis XVI à Paris. Une multitude immense se portait sans cesse aux Tuileries, et le roi paraissait touché des acclamations qu'elle faisait entendre. Versailles, cette ville ingrate qui eût dû s'armer tout entière pour défendre le palais de ses rois, Versailles pleurait déjà ses fautes; elle demanda à l'assemblée de ne point être privée de sa présence, et de rester toujours la résidence duroi; mais ses vœux et ses regrets tardifs furent impuissans. Le mouvement révolutionnaire entraînait tout à Paris. Louis XVI, captif aux Tuileries, écrivit à l'assemblée une lettre qu'apporta au président un aide-de-camp de La Fayette; elle était ainsi conçue : « Mes

sieurs, les témoignages d'affection et de fidé<< lité que j'ai reçus des habitans de ma bonne « ville de Paris, et les instances de la com<< mune, me déterminent à y fixer mon séjour << le plus habituel; et dans la confiance où je << suis que vous ne voulez pas vous séparer de moi, je désire que vous nommiez des com<< missaires pour chercher ici le local le plus

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convenable, et je donnerai sans délai les << ordres nécessaires pour le préparer. Ainsi, «< sans ralentir vos utiles travaux, je rendrai plus faciles et plus promptes les communi<< cations qu'une confiance mutuelle rend de plus en plus nécessaires. »>

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Après cette lecture, l'assemblée décida qu'elle irait siéger à Paris. En attendant la construction d'une nouvelle salle, elle tint ses séances à l'archevêché, où, dans l'origine, les électeurs avaient été réunis. Les Tuileries, qui n'avaient pas été habitées depuis plus d'un siècle, devinrent la prison de la famille royale. La garde en fut confiée aux milices parisiennes; La Fayette en était le chef: le roi était en sa puissance.

Les journaux révolutionnaires, et ce tribunal d'inquisition connu sous le nom de comité des recherches, eurent recours à toutes les calomnies pour tromper les provinces et l'Europe sur ces sanglantes journées (1). La garde

(1) Les journaux publièrent que la garde nationale parisienne n'avait été à Versailles que pour empêcher le roi de s'enfuir à Metz, et voici sur quel fondement. Un fermier-général, M. Augeard, avait eu la pensée de conseiller au roi de se rendre dans cette ville forte; mais ce plan d'évasion de la famille royale ne lui avait

nationale de Paris supportait à regret la vue des gardes-du-corps, dont la fidélité venait de se montrer avec tant d'éclat; sa vanité était blessée; elle revendiqua pour elle le service qui leur était confié dans l'intérieur du palais auprès de la personne du roi et de sa famille.

Après tant d'agitation, la capitale resta calme pendant quinze jours. Le 19 octobre l'assemblée vint s'établir à Paris, et dès le lendemain on vit se renouveler des attroupemens aux portes des boulangers. Au milieu de ces mouvemens tumultueux, les factieux avaient réussi à convaincre la multitude qu'elle ne pourrait retrouver l'abondance qu'à force de supplices. Ses fureurs se portèrent d'abord sur de malheureux boulangers; un d'entre eux, appelé François, fut saisi par les brigands et suspendu au fatal réverbère; sa tête sanglante fut présentée au bout d'une pique à tous les boulangers que cette horde trouvait sur son passage.

point été demandé, et il n'avait été communiqué à personne. Des primes furent accordées aux délateurs ; M. Augeard fut mis en prison; un grand nombre de personnes furent arrêtées, une procédure criminelle fut instruite, et l'absolution de M. Augeard en fut le résultat.

Cette fois cependant, La Fayette parvint à saisir les coupables; livrés au Châtelet investi d'une juridiction extraordinaire, ils furent condamnés et exécutés le lendemain de l'assassinat. Une députation des représentans de la commune vint rendre compte de cet événement à l'assemblée, et ce fut dans cette circonstance que La Fayette proposa la loi martiale: vivement combattue par Robespierre, cette loi fut cependant adoptée dans la séance du 24 octobre. Il était statué que les municipalités, dans les cas de sédition, devaient arborer le drapeau rouge, requérir les troupes, et après trois sommations, ordonner l'emploi de la force contre les rassemblemens séditieux.

De plus graves désordres allaient bientôt éclater; l'anarchie était au cœur de la France, et l'assemblée nationale, fidèle à son plan, continua, à Paris comme à Versailles, d'accuser le pouvoir royal de toutes les calamités qui pesaient sur la France. Le garde-des-sceaux fut mandé rendre compte elle par pour de sa conduite. Les ministres du roi, accusés et dénoncés sans cesse, consumaient leur temps à réfuter de misérables impostures; et tandis que leurs rapports à l'assemblée ne témoignaient que trop de la dégradation du pou

voir royal, elle poursuivait son système d'envahissement et de destruction.

Cependant les attentats d'octobre avaient excité dans les provinces la plus vive indignation; des cris de vengeance s'élevaient de toutes les parties du royaume. Déjà la commission du Dauphiné avait convoqué les états; la noblesse de Bretagne s'était réunie à SaintMalo; celle du Languedoc à Toulouse.

Nous rapporterons un arrêté pris par quatrevingt-dix gentilhommes et quatre-vingts membres du parlement.

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« La noblesse du Languedoc profondément << touchée des malheurs de l'état et de l'atten<< tat commis contre la personne sacrée du roi, << doit prendre un parti ferme et prudent, qui puisse ramener la paix, et rendre enfin le «< calme au roile plus vertueux et le plus infor« tuné. La noblesse dément publiquement les opérations faites parses représentans. Elle regarde comme son devoir le plus pressant, d'engager les autres ordres à se rassembler, pour « rendre à la religion son utile influence, aux <«<lois leur force et leur activité, au monar<< que son autorité légitime; osons le dire, « sa liberté. L'assemblée a chargé, en consé«<quence, quatre commissaires de communi«quer le présent arrêté à MM. du clergé et

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