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plus éclatantes réparations, et les misérables. qui avaient mérité le châtiment le plus sévère.

L'armée résista long-temps aux manœuvres de la faction révolutionnaire; les souvenirs de fidélité et de gloire l'attachaient à ses drapeaux. Le soldat avait foi à la royauté; il fût resté fidèle encore, s'il eût été possible aux chefs de maintenir la discipline; mais la discipline n'était plus possible. L'insurrection avait pour appui les municipalités, les gardes nationales et l'assemblée elle-même. La dissolution entière de l'armée devait être le résultat d'une telle situation.

Tels étaient les progrès que l'anarchie avait faits dans l'armée, quand Alexandre de Lameth vint la représenter à la tribune comme un instrument des vengeances du prince, et comme une · propriété royale entretenue aux dépens du peuple pour le tenir dans l'oppression. La direction de l'armée passa presque tout entière dans les attributions de l'assemblée. C'est ainsi que, marchant de plus en plus dans les voies révolutionnaires, l'assemblée répondait aux concessions de la royauté par des usurpations nouvelles.

On promettait aux soldats, avec la licence et le désordre, les places de leurs officiers; aux habitans des campagnes, la suppression des

impôts et le partage des terres; aux ouvriers des villes, l'égalité et le pillage des magasins et des hôtels.

De vaines et longues discussions relatives aux insurrections eurent lieu dans l'assemblée. Une loi fut décrétée, et cette loi devait plutôt les favoriser que les prévenir.

La révolution fomentait partout le désordre et la révolte. « On voit, s'écria M. de La Tour <«< du Pin, ministre des affaires étrangères, on «< voit dans plusieurs régimens les liens de la discipline relâchés ou brisés, les ordonnances «< méconnues, les caisses et les drapeaux enle«< vés, les officiers méprisés et maltraités; et, pour comble d'horreur, des commandans égorgés sous les yeux de leurs soldats. »

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Plusieurs mesures pour réprimer l'insurrection des régimens furent proposées, mais l'assemblée refusa de les adopter. Aucune improbation même ne fut adressée aux régimens qui violaient toutes les lois de la discipline.

Vainement les défenseurs de la monarchie dénonçaient à l'assemblée tant de crimes et tant d'attentats; vainement, représentant l'impuissance des exhortations du gouvernement en face des incendies et des massacres, ils demandaient que les régimens pussent attaquer ces hordes de brigands sans attendre la ré

quisition des officiers municipaux ; leurs voix étaient couvertes par les cris des factions. Lanjuinais trouvait la cause des brigandages dans la rigueur avec laquelle les nobles maintenaient leurs propriétés, et quand l'anarchie était au cœur du royaume, pour la vaincre, l'assemblée en appelait encore à de vaines et puériles exhortations.

Si Cazalès élevait la voix pour invoquer, dans de telles conjonctures, la nécessité du rétablissement de l'autorité royale, Robespierre le combattait en s'écriant que jamais révolution n'avait coûté si peu de sang; il invoquait à son tour la modération et la douceur pour les citoyens qui brûlaient les châ

teaux.

La fin tragique de Favras signala les derniers jours d'une année marquée par tant de calamités et de crimes.

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Favras avait été officier des Suisses de la garde de Monsieur. Né avec un caractère impétueux, de vives passions avaient agité sa vie ; son imagination ardente l'avait plus d'une fois égaré; son esprit était plutôt disposé à se jeter dans de vagues pensées qu'à s'arrêter à des résolutions positives. La haine qu'il portait à la révolution était vive; spirituel, enthousiaste, il cherchait sans cesse des moyens 'de la com

battre le malheur avait redoublé son attachement au roi; dans les journées des 5 et 6 octobre, il avait proposé à M. de Saint-Priest des moyens d'une résistance active.

Les attentats d'octobre firent naître dans son âme la résolution de tout tenter pour arracher la famille royale aux périls qui la menaçaient; il roulait dans sa pensée un plan d'enlèvement du roi. Les démarches de Favras, les discours de ses amis, avaient fixé sur lui les regards d'un pouvoir dominé par toutes les investigations d'une police inquiète.

A la nouvelle de cette arrestation, les cris des révolutionnaires excitèrent une fermentation assez vive. Le comité des recherches employa tous ses soins pour faire croire aux dangers qui menaçaient La Fayette et Bailly: ce comité dénonça, le 29 décembre, à l'assemblée un prétendu attentat commis sur la personne d'un factionnaire de la garde nationale; on avait trouvé dans sa guérite un papier sur lequel ces mots étaient écrits: Va devant, La Fayette te suivra.

Ce factionnaire, à peine blessé, fut envoyé à l'Abbaye, où il se frappa de trois coups de couteau. Il devint évident pour tous que l'assassin et l'assassiné n'étaient qu'une même personne, et que c'était une manœuvre com

binée pour faire croire à un grand complot formé contre M. de La Fayette.

L'autorité royale n'avait point combattu de front la révolution. Quelques-unes des personnes qui entouraient le trône avaient donné le conseil de ramener à la défense de cette cause, en leur accordant d'immenses faveurs, des hommes qui lui avaient porté les plus rudes coups. On pressait Louis XVI d'appeler Mirabeau au ministère; on se flattait aussi d'attirer La Fayette, qui, pour rester le régulateur de la révolution, avait ambitionné le commandement général de toutes les gardes nationales du royaume. Quelques-uns même étaient disposés à donner au roi le conseil de recréer pour La Fayette la charge de connétable, s'il voulait travailler à rétablir l'autorité royale; on aurait désigné un homme dévoué à la monarchie pour le remplacer dans le commandement de la garde parisienne. Pour l'exécution d'un tel plan, il fallait s'assurer des dispositions de la garde soldée, qui était formée de militaires naturellement peu enclins à une alliance avec des bourgeois devenus soldats; on espérait les ramener à défendre le trône qu'ils avaient combattu sous l'uniforme des gardes françaises. Favras avait eu, dans ce dessein, plusieurs entrevues avec quelques

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