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d'avoir été insultés aux portes de la salle; ils ne furent pas même écoutés. « Nous ne sommes

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plus libres ! s'écriaient les membres du côté « droit. » Les orateurs qui demandaient que la religion catholique fût déclarée religion de l'Etat, ne purent aborder la tribune.

<< Il n'est pas au pouvoir de l'assemblée, s'é«< cria Cazalès, de ne pas reconnaître que le << gouvernement de France est monarchique, << et cependant vous l'avez décrété : pourquoi «< ne pas faire pour la religion ce que vous << avez fait pour la monarchie? » Aucune objection n'était possible à un tel raisonnement. La majorité de l'assemblée y répondit par l'ordre du jour.

Peu de temps après, tous les monastères furent supprimés; on n'épargna pas même les institutions de Saint-Vincent-de-Paule; elles eurent le même sort que tant d'établissemens religieux consacrés à la méditation, à l'étude, aux sciences, à l'agriculture. Les sœurs de la charité, dont tous les instans de la vie sont un dévouement au malheur, furent arrachées des asiles consacrés à la douleur. Les cloîtres furent ouverts aux religieux; plusieurs, adoptant la morale de l'assemblée, prirent pour leur évangile la déclaration des droits de l'homme. Les vœux monastiques furent abrogés; il fut

interdit de se vouer au service de Dieu. Un faible traitement fut assigné aux religieux; plus tard il devait être réduit, et le pain devait être refusé à ceux qu'on venait de dépouiller de leurs richesses.

Au milieu des provocations au meurtre, les prêtres étaient livrés à la dérision des peuples; les chants de l'église étaient transportés sur les théâtres; l'apostasie était couverte d'acclamations.

Les libelles, les journaux révolutionnaires qui inondaient la France, développèrent l'esprit d'irréligion dans le peuple des villes. La presse reproduisait sous mille formes diverses des blasphèmes contre Dieu, des imprécations contre les prêtres. Tous ceux qui participaient aux crimes de la révolution cherchaient dans l'athéisme un refuge contre les remords. La plus grossière ignorance invoquait les noms de Rousseau et de Voltaire. Les campagnes se peuplaient à leur tour de fanfarons d'impiété ; et le parti révolutionnaire souriait à la pensée de mettre les richesses du clergé au service de la révolution.

De tels décrets jetèrent l'alarme dans la France entière. Des troubles éclatèrent dans le Midi; une lutte sanglante s'éleva entre les catholiques et les protestans. Toulouse, Castres,

Pau, Perpignan, Montpellier, devinrent le théâtre de scènes sanglantes. Les régimens répandus dans le Languedoc et la Guyenne embrassèrent le parti des protestans. A Montauban, la victoire resta à la population catholique. La cocarde blanche fut arborée dans toute la ville; les catholiques vainqueurs ne se livrèrent à aucun excès contre les protestans. Plusieurs régimens marchèrent sur Montauban, et leurs chefs traitèrent avec les autorités de la ville.

Nîmes devint le théâtre des plus sanglantes rixes. Un soldat de la légion de Guyenne ayant arraché une cocarde blanche à un catholique, excita la fureur de plusieurs compagnies de la garde nationale. Le peuple se mit de leur côté, et poursuivit à coups de pierre les soldats et les protestans réunis. Le maire fit proclamer la loi martiale, et le tumulte cessa. Le maire de Nîmes, le baron de Marguerite, fut dénoncé à l'assemblée nationale; de nouveaux troubles éclatèrent. Les catholiques se mesurèrent contre un régiment, auquel se ralliaient les campagnes protestantes. Dans des luttes de chaque jour la victoire resta aux catholiques jusqu'au 14 juin; mais assaillis sans relâche, ils se retirèrent de maison en maison, et dans chaque maison ils soutinrent un siége. Leur résistance fut terrible; enfin ils parvin

rent à gagner une tour: ce fut là que l'artillerie vint les attaquer; la lutte n'était plus possible, le canon mit fin au combat. Les soldats vainqueurs pénétrèrent dans la tour; et quoiqu'il n'y eût plus de résistance, quatre-vingts catholiques furent massacrés. Des prêtres furent tués au pied des autels; on les égorgeait, et on osait leur reprocher leur fanatisme! Des cris d'indignation, qu'excitèrent tant de crimes, se firent entendre; mais l'assemblée nationale ne s'en émut pas : les catholiques restèrent livrés aux insultes et aux menaces; ils furent interdits de leurs droits civils.

Ainsi, tandis que le roi abaissait sa puissance devant l'assemblée, les factions n'accordaient pas même quelques instans de trève à la royauté; après avoir brisé tous ses soutiens, elles allaient attaquer les faibles et derniers débris de son autorité : l'insurrection était déjà dans l'armée. Les gardes nationales du Vivarais et du Dauphiné formaient entre elles, pour maintenir la constitution, ces fédérations qui devaient bientôt s'étendre dans toutes les provinces, et qui ne devaient être qu'une ligue contre le trône.

Chaque jour de nouveaux crimes couvraient la France, et chaque jour les orateurs de l'assemblée et des clubs affectaient de redire que

la plus belle révolution coûtait à peine quelques gouttes de sang.

Les décrets de l'assemblée n'étaient exécutés que lorsqu'ils flattaient l'ambition ou la cupidité de la multitude. Quarante mille municipalités, organisées depuis la constitution nouvelle, formaient autant de républiques indépendantes les unes des autres. Tous les élémens de l'ancien gouvernement étaient brisés, et le ressort principal qui devait régler tant de mouvemens divers était sans action et sans

vie.

Dans de si tristes conjonctures, quelques membres de l'assemblée proposèrent, comme le seul moyen de rétablir l'ordre, d'investir le roi du pouvoir dictatorial pour un temps limité ; mais une telle proposition devait soulever toutes les passions. Mirabeau se leva pour la combattre, et nul n'osa la soutenir.

L'esprit de révolte et d'anarchie, enhardi par l'impunité, allait toujours croissant. Les mouvemens séditieux, les insurrections, les assassinats désolaient toutes les provinces. A Paris, des troubles se manifestaient sans cesse ; le club des Jacobins, puissant auxiliaire de l'assemblée, soulevait la multitude contre une association royaliste qui s'était formée sous le titre de Salon français, et contre les dépu

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