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de salut à la famille royale, c'était l'arrivée de Bouillé.

Un détachement de hussards commandé par un officier, stationné à Dun, était accouru au secours du roi; mais tout était barricadé, il n'avait pu entrer dans la ville. Le commandant, M. Deslon, avait pénétré jusqu'auprès du roi : il l'avait informé que M. de Bouillé marchait à son secours et demandait des ordres. <«< Je suis prisonnier, » répondit le roi, « je ne puis plus donner d'ordres. Dites seulement « à M. de Bouillé que je crains bien qu'il ne "soit plus en son pouvoir de me tirer d'ici; « mais j'espère qu'il fera tous ses efforts. » Le fatal départ est ordonné; la famille royale remonte en voiture et prend la route de Paris.

La veille, à neuf heures et demie, Bouillé, avec quelques personnes de confiance, était parti de Stenay, et s'était avancé vers Dun pour recevoir plus rapidement des nouvelles du roi. Arrivé à un quart de lieue de cette ville, où son entrée avait éveillé des il soupçons, s'était arrêté sur le bord de la route, et s'était établi, avec ceux qui l'entouraient, dans un fossé, où il avait passé la nuit dans la plus vive anxiété. Au point du jour il revenait à Stenay, lorsque son fils, le comte de Raigecourt et le jeune officier du détachement de Varennes,

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vinrent lui annoncer les événemens de cette ville. Bouillé envoie aussitôt au régiment royalallemand, qui était à Stenay, l'ordre d'avancer; le régiment se met en marche. Il était neuf heures du matin quand le général arriva aux portes de Varennes : la voiture du roi était partie depuis une heure; le pont était barricadé; mais un tel obstacle eût été renversé par Bouillé, et il était possible encore d'atteindre la voiture du roi, qui marchait lentement, suivant le pas des gardes nationaux. La première pensée de Bouillé fut de courir sur la voiture et d'arracher le roi aux mains des factieux; mais on arrêta son ardeur en lui représentant les dispositions hostiles des habitans qui remplissaient la ville de Varennes. Si Bouillé eût suivi son premier mouvement, il eût franchi les obstacles, il fût arrivé à la voiture du roi, et cette tourbe de factieux qui formait son cortége eût fui épouvantée; elle n'eût pu résister aux mouvemens impétueux d'une troupe déterminée à ne point céder la victoire à des masses de paysans; bientôt le désordre se serait mis dans leurs rangs, et la famille royale eût été libre (1).

(1) Bouillé se décida à la retraite; son séjour en

Tel fut le triste résultat d'un plan d'évasion mal conçu et plus mal exécuté; la forme de la voiture du roi devait évidemment attirer les regards, éveiller les soupçons; un homme d'exécution, accoutumé aux voyages, aurait dû être placé dans la voiture, afin que Louis XVI ne se montrât jamais; enfin, après une si triste imprévoyance et tant de fautes accomplies, il fallait, à Varennes, se résoudre à en appeler à la force, et se faire jour au milieu des hussards disposés à se battre. Dans les temps de trouble, les partis qui sont conseillés par le courage sont presque toujours ceux qu'indiquent les calculs d'une prudence éclairée; et dans de telles conjonctures, le plus triste, mais aussi le plus dangereux de tous les partis, fut sans nul doute celui de retomber sans résistance sous le joug d'une assemblée rebelle; car cette assemblée avait donné une impulsion si vive au mouvement révolution

France n'était plus possible. Après avoir ramené royalallemand à Stenay, il gagna le territoire étranger avec quelques officiers. Déjà la municipalité délibérait sur les moyens de le faire arrêter; il s'échappa de la ville avec quelques officiers. Bouillé ne trouva à Luxembourg que trois mille hommes de recrues ou d'invalides hors d'état de service.

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