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du clergé qui cherchaient dans un système nouveau des dignités ou des richesses qu'ambitionnait leur orgueilleuse médiocrité.

Le clergé, avec son antique et imposante hiérarchie, inspirait dès long-temps une haine profonde aux factions que la révolution avait fait surgir. Mirabeau avait révélé ses secrets desseins en s'écriant qu'il fallait décatholiciser la France.

Déjà les maisons religieuses n'existaient plus, la piété fervente n'avait plus d'asile. Dans ce nouveau code de la réforme, l'assemblée, foulant aux pieds les droits de l'église et renversant la juridiction ecclésiastique, prescrivait que les évêques seraient nommés par la voie d'élections; en telle sorte que dans un royaume habité par des sectateurs de religions diverses, il pouvait arriver que des membres des communions dissidentes, des juifs, des turcs même, naturalisés français, fussent appelés à élire des prêtres catholiques.

Il devenait manifeste aux yeux de tous que la faction révolutionnaire voulait, par une usurpation violente, séparer l'église de France du saint-siége, et entraîner le royaume dans un schisme nouveau, à l'exemple de l'Angleterre: c'est ainsi qu'après avoir envahi tous les pouvoirs elle portait une main impie sur la

religion, attendant renverserait ses autels.

que le jour fût venu où elle

La discussion sur la constitution civile du clergé s'ouvrit le 29 mai; l'archevêque d'Aix réclama avec une noble fermeté les droits de la puissance ecclésiastique.

Cette déclaration fut adoptée par tous les évêques et par tous les députés ecclésiastiques restés fidèles à leur devoir; tous refusèrent de prendre part aux délibérations d'une assemblée qui, entraînée dans les voies de l'erreur, osait, par l'organe de l'un de ses membres, l'avocat Camus, établir qu'elle avait le droit de changer la religion; ils ne devinrent point complices de l'acte odieux qui, en consacrant le schisme, devait attirer sur la France de si redoutables calamités.

Les députés ecclésiastiques, en publiant l'exposition des principes sur la constitution civile du clergé, réunirent tout ce qui pouvait en démontrer l'erreur: autorité des pères, décisions des conciles, traditions de l'Eglise et jurisprudence canonique. Les évêques de France signèrent cette déclaration; quatre seulement, entre tous, refusèrent; ce furent : Talleyrand, évêque d'Autun; Loménie de Brienne, archevêque de Sens; Savine, évêque de Viviers, et Jarente, évêque d'Orléans.

La piété du roi était vivement alarmée, et son caractère le livrait aux plus fatales irrésolutions. Dans ses alarmes sur les dangers qui menaçaient l'Eglise de France, il résolut de consulter le saint-père. L'assemblée, instruite de cette démarche, n'en fut que plus ardente à exiger la sanction royale: les plus sanglans outrages furent proférés à la tribune contre les ministres de la religion; et le délire des temps était tel, que le fatal décret du serment, qui devait entraîner la ruine, la déportation et l'exil d'une grande partie du clergé de France, était présenté comme une mesure d'indulgence.

Les anxiétés du roi redoublèrent quand ce nouveau décret lui fut soumis. Les jours s'écoulaient, et la réponse du saint-siége n'arrivait pas enfin, après de longues heures d'irrésolution et de tourment, Louis XVI se détermina à accepter la constitution civile du clergé ; mais il ne s'expliqua point sur le décret du 27 novembre, celui qui exigeait le serment. Dèslors la violence de l'assemblée ne connut plus de bornes le roi avait subi le joug des révolutionnaires; ses actes n'étaient plus libres. Louis XVI se résigna à accepter ce décret, et le repentir d'une sanction arrachée par la violence rendit ses peines plus cruelles encore.

L'assemblée se hâte d'imposer le serment aux membres du clergé qu'elle avait dans son sein. Toutes les haines ont été soulevées contre eux; mais ils restent inaccessibles à la crainte. Dans un long appel, le nom de tous vient retentir plusieurs fois dans l'enceinte, et tous restent immobiles sur leurs bancs: le côté gauche et les tribunes exhalent une rage impuissante. A l'évêque d'Autun, entre tous, il est réservé de donner le scandale du parjure: le premier il a prononcé le serment, et l'évêque parjure a entraîné quelques curés. Grégoire s'avance près de Talleyrand.

Brienne, dont nous avons vu le déplorable ministère, Brienne, qu'une misérable ambition et de plus misérables intrigues avaient conduit au pouvoir, devint seul le complice de Talleyrand. Brienne, odieux au parti révolutionnaire, cherchait vainement dans la faiblesse un refuge à la crainte; il ne reçut que les mépris de ceux qu'il voulait flatter.

Le parti révolutionnaire espéra trouver un appui dans le cardinal de Rohan, dont le nom avait été tristement mêlé à de si aveugles fureurs contre la cour; ses espérances furent vaines : le cardinal de Rohan garda le silence. Plus tard, et de retour dans son diocèse de Strasbourg, il manifesta une vive opposition

aux décrets de l'assemblée, et un dévouement ardent à la monarchie.

Bientôt toutes les manœuvres sont employées par les factieux pour entraîner le clergé : on en appelle à la haine pour inspirer la peur; les pamphlets, les journaux redoublent de fureur. Les bruits les plus sinistres sont répandus; et pour armer les bras des assassins, on imprime à Paris que l'évêque de Nantes a été assassiné après avoir refusé le serment à la nouvelle constitution du clergé.

Tous les moyens sont mis en action; on fait paraître à la barre une députation d'électeurs pour féliciter l'assemblée sur les grandes vertus qu'elle montre à l'Europe étonnée. C'est un acteur célèbre qui est à la tête de la députation. «< Nos lois, dit Larive (1), sont dignes « d'être éternelles; un état constitué comme « la France est doué de l'immortalité sociale; «< vous avez éternisé le trône, la législature, la monarchie, le christianisme. Ce ne sont pas « là vos seuls bienfaits, vos seuls miracles; << vous avez éternisé le crédit public, il était « anéanti; quant aux pasteurs, nous regarde«<rons tout pontife qui sera contraire ou infi

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(1) Cérutti avait composé ce discours.

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