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de Majesté sait allier tant de noblesse,

gran

deur, de bienfaisance, et une sensibilité si

<< touchante. » La reine leur en donna à l'instant même une preuve; car après leur avoir répondu avec une grâce infinie, elle ajouta : << Voilà un de ceux à qui je dois le plaisir de << vous entendre. En disant ces mots, elle leur montra M. Durepaire, qui se trouvait par hasard auprès d'elle.

Le 13 juillet, veille de la grande solennité, les fédérés des provinces défilèrent devant le roi; la reine avait ses enfans placés auprès d'elle tout Paris accourut pour voir ce spectacle.

Le 14 juillet, dès les premières heures du jour, tout est en mouvement. Le temps est sombre, les nuages obscurcissent le soleil : tous les fédérés, députés des provinces et de l'armée, rangés sous leurs bannières, partent de la place de la Bastille et se rendent aux Tuileries. Les députés du Béarn, en traversant la rue de la Ferronnerie où fut assassiné Henri IV, rendent à la mémoire de ce grand roi un hommage qui s'exprime plus encore par les larmes que par les acclamations.

Chaque députation portait une bannière où était inscrit le nom du département.

L'assemblée nationale était immédiatement

précédée par le bataillon des élèves militaires, composé d'enfans de douze à treize ans, et suivi par celui des vétérans, formé de sexagé

naires.

Le cortége des fédérés a défilé pendant trois heures, et la pluie tombait par torrens. Un des premiers bataillons arrivés au Champ-de-Mars a déposé ses armes en faisceaux; et comme s'il voulait défier l'orage, il forme une danse. A mesure que les bataillons arrivent, tous l'imitent. Les averses se succédaient vingt mille fédérés, formés en cercles, dansaient en poussant des cris de joie et bravant les ondées. Soixante mille hommes présentent les groupes les plus animés, où l'on remarque les jeux particuliers de leurs villes et de leurs provinces.

Cependant un autel est élevé au Champ-deMars des inscriptions sont gravées sur ses colonnes; mais ce ne seront point des pensées religieuses qui viendront consacrer ce jour à jamais mémorable. Le prêtre que la révolution a choisi pour célébrer sa fête, s'avance vers l'autel c'est l'évêque d'Autun, c'est celui - là même qui bientôt doit abjurer le caractère sacré dont il est revêtu.

Deux cents prêtres, qui, aux graves ornemens de l'église, ont uni la ceinture tricolore, se pressent autour de Talleyrand : près de lui

TOME II.

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est l'abbé Louis, prêtre ambitieux, qui sert la révolution, non par entraînement, mais par calcul. On en remarque plusieurs encore dont les noms deviendront l'éternelle honte de ces temps, et l'éternelle douleur de l'Eglise. Celui qui, plus tard, doit devenir le prêtre de la raison, Gobel, est sur les marches de l'autel du Champ-de-Mars.

Trois cent mille hommes, femmes ou enfans, sont venus se placer autour du Champ-deMars. Une voûte immense de parapluies aux couleurs rouges et vertes s'élève au-dessus des glacis. Sur les bords de la Seine, les quais sont couverts d'une foule de spectateurs. Un pont a été jeté en face du Champ-de-Mars; le cortége l'a traversé, chacun a pris sa place. Le roi est assis sur un fauteuil semé de fleurs de lis d'or; le siége du président de l'assemblée est semblable, et presque placé sur la même ligne ; les députés viennent ensuite. Un balcon élevé derrière le roi porte la reine, la famille royale et la cour. Des applaudissemens se sont fait entendre lors du passage des gardes-ducorps, du régiment de royal-allemand et de ces mêmes hussards qui inspirèrent, il y a moins d'un an, aux habitans de Paris tant de terreur et tant de haine.

Bientôt le bruit du canon annonce à la France

il

y

que le roi a prêté le serment, et ce serment restera fidèle, alors même que tant de ceux qui le prêtent avec lui seront devenus parjures.

Les fédérés des provinces défilent devant la famille royale. Tout à coup le ciel s'est éclairci; le soleil a reparu. Un seul cri se fait entendre, c'est le cri de vive le roi! L'assemblée s'étonne de telles acclamations; d'Orléans et les siens ont pâli. La révolution a fait un appel à la France, et le cri de vive le roi! est sorti des entrailles du pays. Désormais les factions ne peuvent retenir la victoire qu'en étouffant le vœu de la nation : s'il était possible de la réunir tout entière, le même cri se ferait entendre. Mais les factions trahiront la France en invoquant son nom. La France veut la royauté; ce sentiment national a éclaté, tous l'ont reconnu; mais en face d'un pouvoir que la faiblesse a ébranlé, les factions vont chercher leur appui dans une lâche hypocrisie; elles vont faire un appel à toutes les haines, elles auront pour auxiliaires toutes les peurs, elles armeront toutes les vanités, la victoire leur res

tera.

La Fayette a paru au festin de la Muette, où on lui a prodigué, comme au Champ-deMars, et les hommages, et les embrassemens,

et tous ces témoignages d'idolâtrie dont Necker avait été accablé il y avait à peine un an.

Des bals avaient été formés sur l'emplacement de la Bastille; et tandis que sur les ruines de cette forteresse on avait écrit ces mots : Ici l'on danse, l'inquisition s'établissait au nom de la liberté, et des bastilles nouvelles allaient couvrir la France.

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