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"pheme, de vaincre & de triompher par leur » feule impudence?

» D'où vient que le moindre paradoxe, » avancé d'un certain ton, bat en ruine les légions d'Ifraël que toute nouveauté fubjugue fi facilement une grande partie de la » nation fainte que le premier fouffle de la » tempête ébranle les pierres du temple & » quelquefois les colonnes mêmes du fanc-.

tuaire que le plus petit ennemi semble » un géant formidable, & qu'on ne voit par

tout que des fuyards, qui ne fachant plus »fe rallier autour des chefs à qui Dieu a » confié le fceau de l'infaillibilité & de la vic»toire, errent çà & là fans ordre, fans honneur, fans espoir, jufqu'à ce qu'ils périf » fent déferteurs ou révoltés? »

Ces problêmes trouvent, felon l'auteur, leur folution dans la nature de l'inftruction chrétienne, devenue légere, fuperficielle, vaine & quelquefois ridicule. » A la place de ces dif

cours pompeufement inutiles, qu'on appelle » de beaux fermons, ne feroit-il point nécef» faire aujourd'hui de faire des catéchismes pro» portionnés à la capacité des enfans de qua»rante & de cinquante ans? Avant de fonger à

élever l'édifice des vertus, ne doit-on pas jet»ter bien avant dans les efprits les fondemens

de la foi? Nous avons au milieu de nous des » écoles de philofophes auffi aveugles & auffi »fiers que les anciens aréopagites; c'est enIgnoto » core à un Dieu inconnu qu'ils érigent des Deo Act. » autels dans leur cœur. Ils ont donc befoin 17.

des premieres notions. Il s'agit donc bien Vue implus de les inftruire à fond, que de char. portante » mer leurs oreilles; or, pour cela, c'est en- fur l'inf» core un Paul, & non des beaux-efprits qu'il » leur faut. »

truction

chrétien

ne, 15

Oct. 1782,

P. 249.

L'auteur trace enfuite le portrait d'un de ces prédicateurs à la mode. Il eft fait de main de maitre; La Bruyere en auroit paré fes Ca. Dict. bift. racteres.,, Théophrafte eft occupé à compo- art.SCOUfer une piece d'éloquence, dont le fuccès VILLE.— "doit répondre au mérite qu'il croit avoir, Autres » établir ou affurer fa réputation. En confé Octob. »quence il ne néglige rien. Quelle peine il "fe donne pour préfenter fes idées dans un "beau jour, & s'exprimer avec toute l'élé„gance poffible! Que de tems il emploie à

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chercher le mot propre, à choifir l'épithete "convenable, à trouver une transition ingénieufe! Quelle patience, quand il s'agit ou d'éviter la monotonie, ou de fuppléer un terme qui manque, ou d'en remplacer un » qui ne plaît pas, ou d'en changer d'autres » qui reviennent trop fouvent, ou d'être clair, & en même tems concis! Comme il tourne & retourne fa pensée, afin de la rendre faillante! Comme il lit & relit fans fe laffer le même raifonnement pour fe convaincre de fa jufteffe, la même période pour juger de fa cadence harmonieuse! Comme il fe ,, contemple & s'admire dans les moindres détails de fa nouvelle production dans cette comparaison noble, dans la fineffe de ce tour agréable, dans l'éclat de cet orne ,, ment, dans le bel effet des images, des

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1789, P.

169.

,, figures, & des traits divers qu'il fait fi bien ,, rapprocher!,, (a)

"Eh quoi! faut-il tant d'art pour être naturel? En doit-il tant coûter pour fe faire » entendre, & ne vaut-il pas mieux paroître » fimple & tout uni, que de briller à ce prix ?.... Savez-vous, ô Théophrafte, à quoi il me femble que l'on peut comparer votrę glorieux travail? A la toilette de Life. Voyezla appliquée à peindre fon vifage, à, en effacer les taches les plus légeres, à chercher "tout ce qui peut relever la mignardife de

fes traits. Quel foin, quelle attention pour » arranger les boucles de fa frifure, pour placer fur fa tête une fleur, un diamant ou une plume! Quel goût dans la forme qu'elle » donne à fes rubans, & dans le choix qu'elle » fait des couleurs! Quel tourment lui caufe » le moindre défaut dans fa garniture, un pli » qui fait la grimace, le dérangement d'une » bagatelle! Même fouci, même artifice, » même fard, même étalage, même envie de plaire, & pour y réuffir, même facrifice à la tyrannie de la mode ou de l'opinion: mêmes prétentions ambitieufes, même en» gouement, même frivolité du côté de l'orateur & de la coquette. "

» Voici pourtant une différence remarqua» ble entre ces deux perfonnages, dont le parallele paroit d'ailleurs fi jufte; c'est que

(a) Réflex. fur la dégénération de l'éloquence chrétienne, 1 Octob. 1789, p. 173. Beau difcours d'un miffionnaire, ibid, P. 174. 1 Sept. 1790, p. 4•

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"Life va produire fon chef-d'œuvre dans un » de ces cercles brillans, où le premier mérite eft toujours celui qui amufe davantage, au-lieu que Théophrafte a choisi pour fon » théâtre la maison de Dieu même & la chaire de vérité.... Qu'importe ! Il faut que je l'en» tende, & que je me hâte d'autant plus » qu'il eft annoncé par la renommée, qu'il a publié long-tems d'avance l'heure & le » moment de fa gloire. »

» Malgré la foule immenfe de curieux, de beaux-efprits, & de prétendus connoiffeurs » qui accourent de toutes parts, j'arrive & prends place. Mais quel est mon étonne» ment? En vain oferois-je déclarer combien je fuis mécontent de l'orateur, & pour le » fond du difcours qu'il traite fuperficielle. ment, & pour le plan & les divifions qu'il a mal pris, & parce qu'il n'a ni mouve » mens, ni chaleur, & parce qu'il manque le

but effentiel de fon miniftere : l'affemblée » eft tellement prévenue, que l'on lui paffe "tout, que l'on oublie tout en faveur du beau » ftyle, & qu'il recueille prefqu'universelle»ment les fuffrages d'un des plus mémorables » auditoires de la capitale. Auffi eft-ce tout le fruit de fon merveilleux fermon; & c'eft affez » pour l'apôtre & le martyr de la vanité..... »

Que dis-je ? Et ne dois-je pas me reprocher ici ma fauffe modération, puifqu'il eft » évidemment le profanateur de la parole de » Dieu, un lâche qui rougit de l'Evangile, un vil organe de la philofophie du jour, dont il emprunte le perfide langage? N'en

eût-il pas les fentimens, quoique l'on foit fort en droit de les lui attribuer, parler » comme les ennemis de fa foi, c'eft la tra

hir; & il fe déshonore d'autant plus lui-mê"me, qu'il eft revêtu d'un caractere plus faint " & plus augufte. Ne doit-il pas connoître & » fentir le danger de ces expreffions nouvelles

que l'on voudroit fubftituer aux anciennes » que la Religion a confacrées, & qui fervent » à l'imprimer dans les ames? Que devien

dra le Chriftianisme parmi nous, quand on » ne verra plus que des prédicateurs de la bien» faifance, de la modération, de la raison, » des vertus naturelles, & d'une justice toute » humaine quand l'adorable nom de Jesus» Chrift ne fera plus réputé du haut ftyle, ou » ne fera prefque plus entendu, même dans »fes temples? L'efprit philofophique infpirant » les prophetes, les pontifes même de la » nouvelle loi, introduit par eux jufques dans »le fanctuaire, introduifant, enfeignant, dif

tribuant fes oracles, & dominant fur l'affemblée des fideles à la place de l'Esprit Saint, » n'eft-ce pas là véritablement l'abomination de la défolation dans le Lieu-Saint, prédite par Daniel?.... Je m'arrête, de peur que » ma critique ne dégénere en courroux.,,

Une des matieres qui a été le plus agitée dans ces dernieres années, a été celle de la tolérance. On fait avec quelle intolérance les philofophes en ont parlé : ce n'a été qu'en jettant des flots de bile contre la véritable Religion qui par un droit inné refufe de s'affocier P'erreur, mais qui dans l'ordre focial est exac

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