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tous les cœurs, démafquer les faux fages, faire déferter leur camp à ceux que la vanité ou l'imprudence, a enrôlés fous leurs enfeignes; toucher, perfuader, plaire, mériter le fuffrage du public judicieux, impartial & indulgent: voilà ce qu'ambitionne l'auteur de cet ouvrage, qui n'emprunte ici deux titres ou deux caracteres oppofés en apparence, que pour intéreffer doublement la curiofité de fes lecteurs. "

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On trouve d'abord fur l'homme & fa deftination des vues vaftes & profondes, qui ont un air de métaphysique fans ceffer d'être trèsintelligibles, & dont la vérité devient faillante par le fentiment & l'expérience. Après avoir parlé de la vie phyfique de l'homme, & des moyens d'y pourvoir dans l'activité & la fagacité de fon ame, l'auteur parle de la vie raifonnable qui eft l'objet & la fin de la morale. En vain, dit-il, les arts multipliés, variés prefqu'à l'infini pourvoient à nos befoins, à nos commodités même en vain la médecine tâche de nous délivrer des infirmités ordinaires qui affligent la nature ca» duque; en vain l'astronomie, en dirigeant nos courfes d'un pôle à l'autre, nous enhardit à aller chercher ce qui nous manque jufques dans les climats les plus éloignés, & nous rend en quelque forte propriétaires des richeffes des deux mondes ; en vain la jurifprudence, mere des loix, affure & garantit nos acquifitions en tout genre, l'hom» me trouve encore du vuide dans fon cœur, & dès-lors fon efprit fe trouble; fes rapports , même avec la fociété ne font qu'exciter "en lui de nouveaux defirs, de nouvelles in» quiétudes qui engendrent mille erreurs. »

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C'eft alors que par la réflexion, s'élevant "au-deffus des flots tumultueux de la vie frivole, il doit paffer fur le rivage folitaire de » la fageffe, d'où il découvre les abymes aux,, quels il vient d'échapper. Revenu auffi-tôt

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de l'eftime extravagante qu'il faifoit des pom"peufes miferes d'une fcene toujours agitée, il cherche en lui-même quelque chofe de. folide. Ici donc commence l'étude de l'ame. » » S'il vient à bout d'arracher de fon cœur le germe honteux des guerres intestines, la » cupidité, il aura fans doute fait des progrès » dans la connoiffance de lui-même; mais » que d'ennemis lui reftent à vaincre dans le

feul orgueil de l'efprit! Après des combats » qui dureront plufieurs années, il peut enfin » devenir jufte & modefte : c'est être déjà

exempt de grands vices, & fupérieur à la " plupart des philofophes; cependant qu'il eft

encore loin de la cime efcarpée fur laquelle » toutes les vertus ont fixé leur empire! La » morale ne fauroit y atteindre fans un fe» cours extraordinaire, qu'on obtient en fa» crifiant fur l'autel de l'éternelle vérité, & par la profeffion du culte révélé aux mor»tels. "

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Une vie toute fpirituelle & divine doit étre le terme & l'ouvrage de la Religion. A » moins que cette fille du Ciel ne nous prête » fes ailes pour nous aider à fortir de la sphere » du tems & des objets fenfibles, nous fou

pirons après des ombres : notre lumiere n'eft qu'une lueur trompeufe, notre paix un cal» me perfide, nos peines un tourment inų

tile, notre honneur un menfonge, nos plai» firs un poison, notre avenir un cahos. Ainfi donc les arts n'élevent l'homme qu'au-deffus 9 des animaux la fcience diftingue les hom»mes entr'eux : la morale donne l'avantage. fur les favans; mais la Religion éclipfe "tous les fages; elle feule rend femblable à "Dieu.

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Dans l'inquiétude qui pourfuit l'homme dans tous les âges, dans cet élancement invincible vers l'avenir, l'auteur observe un contrafte frappant avec la brute occupée exclufivement du tems préfent; il en tire des conféquences dont la jufteffe ne peut être contef tée. Dès que notre raifon commence à fe ,, développer, nous commençons à dater de l'avenir. Il femble qu'elle nous éclaire feulement vers ce côté-là. On diroit même " que nos prétentions ou ufurpations fur l'avenir croiffent en proportion avec nos lu"mieres. Le barbare, & parmi nous l'enfance, fe propofent un avenir plus court. Suivez l'homme à mesure qu'il avance vers fon terme. L'ambition d'atteindre l'âge viril dé» vore fa jeuneffe: fes précautions pour les vieux jours lui font oublier l'âge mûr des », préparatifs d'obfeques, des difpofitions tef »tamentaires font le refte de fa vie. Efpérer " & craindre, ces feuls mots nous retracent "l'abrégé de fon hiftoire, & rempliffent tout » l'intervalle qu'il y a du berceau à la tombe. Les projets que nous formons fucceffive»ment font comme la chaîne des tems, dont le dernier anneau nous attache à l'éternité,

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Au lieu d'appuyer fur les points qui mar»quent le préfent dans la carriere de nos an

nées, nous fautons d'avenir en avenir juf » qu'à ce que nous arrivions à ce grand jour » qui eft la fin de nos travaux & de nos er» reurs. ""

» En vain la philofophie montée fur des » échaffes, prétend nous barrer le chemin :

en vain mille voix ensemble nous crient que nous nous fatiguons en pure perte, que nos deffeins portent fur un léger nuage, » que nous laiffons échapper de nos mains le

folide bonheur pour courir après une chi» mere, que nous rifquons de tout perdre en » échangeant le préfent pour l'avenir &c. Ce » langage depuis fix mille ans n'a pu arrêter » l'efprit de l'homme. L'oifeau n'a pas reçu » des ailes pour rester à terre. Il faut anéantir la flamme, ou elle s'élevera. »

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Ce penchant rapide & fi doux, qui nous met fans ceffe en mouvement, eft une » preuve infaillible de nos hautes deflinées. Une fubftance créée avec le fentiment lu,,mineux de fon immortalité, peut-elle prifer un inftant fugitif? Entaffez les fiecles: déjà fa penfée les a dévancés tous. Il en eft ainfi de l'espace : l'ame ne fouffre aucune forte de limites. Le lieu qui l'envi» ronne, fût-il un lieu enchanté, ne la fixera " pas plus que le préfent. Née libre, elle " prend l'effor, parcourt l'univers, fe joue » parmi les aftres, fe forge des mondes, les ,, multiplie à fon gré; & plutôt que de fe » captiver dans les bornes même du réel &

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du vrai physique, elle étendra, fuivant fes éternels caprices, la fphere des illufions, & appellera à fon fecours les êtres poffibles. Le préfent, quel qu'il foit, par rapport à l'efpace, à la poffeffion des biens & » au tems, fera toujours infuffifant à l'égard d'un être illimité dans fes penfées, infatiable dans fes defirs, immortel dans fa durée. „ "De fi grands befoins font les titres de fa » grandeur. Voyez au contraire la brute; le préfent l'abforbe, & tout lieu lui devient » indifférent, pourvu qu'elle broute. Vouloir » réduire à cet état un être affamé de l'infini, eft-ce force d'efprit, ou ftupidité, délire & » fureur?

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L'auteur ne peut fe réfoudre à reconnoître des athées de conviction, & a raifon dans le *Catéch. fens que nous avons établi ailleurs *; mais il phil. ch. reconnoit des athées de pratique fur lefquels il 1. n. 4. s'exprime de la forte. » Il y a une foule de gens qui d'un bout de l'année à l'autre » n'ont point de Dieu...: Dieu n'eft ni dans

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le paffé de leur mémoire, ni dans le pré» fent de leurs pensées, ni dans l'avenir de » leur volonté. Ils fe trouvent dans le fein de la Providence, comme des enfans dans le fein de leur mere, fans fonger où ils font, ce qu'ils font, d'où ils font, & ce qu'ils deviendront. Les uns & les autres font extrêmement fouffrir les entrailles qui les portent & les nourriffent, en attendant qu'ils ,, arrivent, ceux-ci à la vie, ceux-là à l'éternité. N'est-ce pas là ce qu'on doit appeller des hommes machinalement athées ?

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