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403

JOURNAL

HISTORIQUE

ET

LITTÉRAIRE.

15. Juillet 1792.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Parallele des Révolutions, par MarieNicolas-Sylveftre Guillon, prêtre. Seconde édition, revue, corrigée, & confidérablement augmentée. A Paris, chez l'auteur, près de S. Sulpice, n. 33; à Bruxelles, chez Le Charlier; à Liege, chez Lemarié, 1792. 1 vol. in-8vo. de 424 pag.

E faux, dit J. J. Rouffeau, eft fufceptible d'une infinité de combinaifons; la vérité n'a qu'une maniere d'étre. Cet axiome eft incontestable, relativement à l'objet direct & formel du vrai & du faux; mais fi on confidere le faux dans fon efprit pratique, dans les effets qu'il produit & les conféquen

ces qui en découlent relativement à la conftitution politique de ce monde, il est certain que les combinaifons ne font rien moins qu'infinies. Sa marche eft imitative, ennuyeuse, monotone; & on peut dire qu'une des scenes de fa façon a fervi de modele à toutes les autres. L'ouvrage, plein de recherches & d'érudition, que nous annonçons ici, prouve la vérité de cette obfervation, par l'histoire de toutes les révolutions dont, depuis la naiffance du Chriftianifme, l'objet a été de détruire cette Religion fainte. C'est une chose étonnante que l'identité de leur origine, de leurs motifs, de leur marche, de leur progrès & de leur confommation; l'identité des caracteres & des vues dans les hommes qui les ont amenées & dirigées; l'identité des moyens employés, l'identité de leur résultat & des ruines qu'elles ont laiffées.

Le judicieux & très-érudit auteur a compulfé tous les tréfors de l'hiftoire eccléfiaftique & profane pour tracer le tableau de ce parallele. On feroit quelquefois tenté de croire qu'il compofe les paffages amenés en preuve (tant l'application en eft jufte), s'ils n'étoient pas tous cités avec la plus fcrupuleufe jufteffe. La révolution projettée par Julien l'apoftat dans l'empire Romain, celle qui fut exécutée par Luther en Allemagne, par Calvin en France, par Henri VIII & Elizabeth en Angleterre, tous les complots & confpirations contre la Religion catholique ont eu les mêmes fymptômes, fe font annoncés par la même hypocrifie, fe font appuyés 'des mêmes prin

Agnofcamus ingenia diaboli, que

nis rebus

ron.

cipes, & ont fini par les mêmes exploits. Cette répétition n'honore point la politique de l'enfer, fi bornée dans fes reffources, & toujours repliée fur fes anciennes & triviales af tuces; fi pauvre en moyens, qu'elle emprunte même, fuivant la remarque de Tertullien, pour le faire fervir à fes vues, ce qu'elle a vu de beau & d'efficace chez les Chrétiens; dam de divitandis que la divine fageffe, toujours "an- imitantis. cienne & toujours nouvelle, comme s'ex- Tert. de Coprime S. Auguftin, exécute fes ouvrages par des voies admirables, toujours oppofées à ce que les fpéculations humaines auroient fuggéré pour en affurer le fuccès, contraires à toutes nos vues & à nos plus raisonnables conjectures, tournant contre fes ennemis les projets les mieux conçus, puifant dans les tems & les Eft enim in circonftances, dans les caracteres des hommes ea fpiritus intelligentia & des fiecles, dans la nature même de leurs multiplex, erreurs & de leur crimes, des moyens de faire mobilis, oméclater par des merveilles nouvelles fa fouve- virtutem & raine juftice & fa fouveraine puiffance.

nem habens

qui capiat omnes fpiritus. Omnibus enim mobili

bus mobilior eft fapientia. Attingit au

tem ubique. Sap. 7.

Une obfervation bien remarquable de l'auteur, eft celle qui regarde l'hypocrifie des ty. rans avares, qui n'ont entrepris de détruire l'Eglife que pour en prendre la dépouille. Obfervation fi vraie, qu'elle n'a point échappé à un des plus forcenés ennemis de la foi catholique, l'apoftat Fra-Paolo, » Les plus gran- Della ma» des perfécutions, dit ce calviniste en froc, ter. benefifufcitées à l'Eglife, font venues uniquement ciar. P.13. » de ce que les princes, ayant befoin d'argent,

ور

Nouveaux

» voulurent s'emparer de fes biens
Héliodores, fi ce font les biens de l'Eglife qu'il

vous faut, prenez les fans détour & fans prétexte. N'avez-vous pas des fatellites affez pour exécuter fans raifonnement & fans remords vos plus abfurdes caprices? Qu'eft-il befoin d'ajouter le menfonge à la rapine, puisque perfonne ne vous difpute la puiffance de vous fouiller de nouveaux crimes. Si ce n'eft que de l'argent qu'il vous faut pour multiplier vos foldats, vos chiens, vos chevaux, & vos maîtreffes, pillez le fanctuaire, mais laiffez-là la doctrine, les rites, les ufages & la difcipline de l'Eglife; votre ignorante impiété travailleroit vainement à y fubftituer quelque chofe de

mieux.

Rien de plus touchant que l'efpece d'anacéphaleofe qui termine l'ouvrage; tableau formé par des couleurs également vives & fombres, où la Religion contemplant fes ruines repofe fa douleur fur la connoiffance qu'elle a de fon éternelle durée, des fruits précieux de fes fouffrances, de fa destinée conftamment oppofée à celle des empires de la terre, abattus par les mêmes coups qui affermiffent l'indestructible empire de Jefus Chrift.,, Par-tout

autour de nous, des décombres teints de "fang; par-tout les meurtres fuccédant aux » meurtres, des haines, des trahisons incon»nues aux regnes de la tyrannie, les fom"bres défiances flétriffant toutes les ames, les poifons de la calomnie verfés à grands flots; des liftes de profcriptions circulant au grand jour dans la capitale, dans les provinces & jufques chez l'étranger; rien » de facré ; les temples faints livrés à Baal;

» Mathan, du haut des chaires qu'il profane, » Mathan infultant à fes victimes; les vierges » innocentes arrachées à leurs afiles, aban» données aux tourmens honteux de l'indi"gence; les offemens des Saints, confacrés » par la vénération de tant de fiecles, violés, foulés fous les pieds; l'impiété dédaignant le mafque du fophifme, voulant jouir en » public des larmes de la Religion; & Vous, » au nom de qui tout genou fléchit au ciel » & dans les enfers vous même au fein d'une empire qui fe dit chrétien, poursuivi, outragé jufques fous ces voiles myftiques " où fe retranche votre majefté augufte; par"tout la licence la plus effrénée fous le nom » de liberté, le brigandage le plus audacieux

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fous le nom de patriotifme, le régicide s'a"vançant à grands pas fous le nom de juf»tice républicaine; la force publique fans » autorité, l'innocence fans appui, bientôt "Jefus-Chrift fans autels; la France fe cher. "chant en vain dans la France, égarée, in» certaine fur ce qu'elle doit redouter le plus, " ou des hoftilités étrangeres, ou des diffen"tions intestines; & comme fi ce n'étoit pas » affez de tant de maux, une conftitution » qui, femblable à un édifice bâti fur des » volcans, ne pofe que fur des cendres & des " ruines, incapable de fe foutenir autrement

que par les violentes convulfions qui l'ont » établie : telles ont dû être les fuites né» ceffaires de la premiere révolte contre l'au"torité de l'Eglife; tel eft le cercle déplora»ble que notre France eft déformais con.

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