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Mes chers concitoyens, je les obferve tous.
Un dégoût général des plus faines maximes;
Une invincible horreur des plus limpides eaux;
La fureur de courir aux plus fales ruiffeaux;
Une implacable foif & de fang & de crimes;
Le trouble de l'efprit, le défordre des fens ;
Des yeux en feu, d'effroyables accens,
Un levain corrofif, qui fourdement fermente
Dans vos inteftins déchirés;

Le venin que diftille une bouche écumante

Sur les objets les plus facrés;

Ces transports convulfifs, ces ardeurs meurtrieres,
Qui ne refpectent rien, pafteurs, amis, ni freres;
Par vous les rois, la terre, & les cieux outragés;
De votre mal voilà les caracteres :

Mes chers concitoyens, vous êtes enragés.

Il y a telles defcriptions qu'on rejetteroit comme abfolument romanefques & calomnieufes, fi elles n'étoient conformes à tout ce que les gazettes même démocratiques rapportent des fcenes paffées en certaines villes, mais qu'on placeroit fur les rives de l'Orenoque ou les côtes de la Cafrerie, fi le local n'étoit pas trop bien défigné encore feroit-on tort aux fauvages habitans de ces plages lointaines, que de tels forfaits n'ont jamais fouillées.,, Ce n'eft pas fans un peu d'incrédulité peut-être, » que vous aurez vu, lecteur, dans nos hiftoires de voyages, ces descriptions de fêtes de certains peuples anthropophages, danfant autour de leurs captifs, avant de les rôtir » pour leurs feftins. Mais vous ferez plus hardis à croire, lorfque vous apprendrez com* dans le "ment ces modes barbares ont été perfectionnées par d'ingénieux Européens. On a d'Avig- vu fur ces bords fi noblement conquis*, chez

Comtat

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* Pour

mourir :

mot dont

on fe fer

ces nouveaux François adoptifs, des cercles. de danfeurs, autour de vingt gibets, peig,, nant avec expreffion leurs transports patrio» tiques, à chaque ronde, à chaque mefure, branler en cadence les corps d'aristocrates » expirans, pour éveiller en eux & foutenir jufqu'à la fin le fentiment trop prompt à s'éteindre *. O touchant excès de fenfibilité! forcer les mourans même à pren- qu'ils fe dre part à leurs plaifirs!.... Oui, fans fentißent doute, battre à coups mefurés d'un pied » léger leurs tombes, y danfer à la lueur des c'eft le torches funebres; marier aux rudes frémiffemens des trompettes guerrieres, le luth vit. Le fait badin des Anacréons de vos guinguettes; eft attesté affortir, dans vos chansons terriblement jo- dans les ,, lies, à la rufticité la gentilleffe, aux airs procès,, les plus lafcifs les fons les plus féroces; verbaux enlacer aux poignets vigoureux de vos Her dreffes fur ,, cules nationaux de la Baftille, les bras délicats des Hébés de la Halle; & de l'écharpe de Vénus ne jamais féparer la cocarde de Mars; aux mœurs enfin de la Grece diffo lue, dont vous reffufcitez fi bien tous les charmans travers, unir la fauvage rudeffe des tems de barbarie, voilà, certes des inventions très-neuves, dignes de vous, galans ,, François! Oh! combien de contrastes pi,, quans! que de nouvelles fources de plaifirs nous ouvre la révolution! & quel infenfé ,, pourroit, à ce riant tableau, douter encore de notre bonheur? Telle eft la joie douce ,, & naïve de ces aimables fêtes, qu'ont enfin fubftituées la liberté & la philofophie à ces

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les lieux.

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monotones & lugubres folemnités de la
fainte Sion! "

Courage, heureux mortels, continuez vos fêtes!
Continuez, groffiffez les tempêtes,

Qui grondent fur vos têtes!...

Faites-vous un devoir d'être aveugles & fourds :
Que vos ris indécens infultent à nos larmes :
Etouffez nos fanglots au bruit de vos tambours.
Pour des cœurs citoyens fi nos maux ont des charmes,
Ils font au comble: enfin que vos regards jaloux
Dévorent à loifir un fpectacle fi doux;
Et que, pour chatouiller vos oreilles guerrieres,
De la trifte moitié de vos malheureux freres
Les timides foupirs foient un concert flatteur.

L'impiété, faifant affaut avec la cruauté, a produit des crimes également incroyables. Sans infpiration directe & formelle de l'enfer, les hommes même les plus abominables ne les euffent pas imaginés. Et cette impiété gigantefque, comment l'appellerai-je, aveugles; »lorfque, fans plus appercevoir de Dieu, ni » fur l'autel, ni dans le ciel, vous brisez les Pollue- " portes du fanctuaire; difperfez les vafes facrés; allez jufques dans les faints taberna»cles décharger votre rage fur fon Chrift; les » fouillez du fang de fes miniftres, &, (le » dirai-je ?) de vos prostitutions; outragez fous »fes yeux, dans fes bras, la pudeur, la na"ture.... & rendez croyables aux races à venir les monftrueuses fictions des Titans ?

runt tuber

naculum nominis tui. Pfal. 73.

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Les amis de la tendre & innocente jeuneffe, les hommes convaincus de l'importance. des premieres leçons & des premiers exemples, les vrais philofophes qui voient dans le fort de la génération préfente le fort des géné.

rations futures, qui favent que, felon l'expreffion de Tertullien, l'état du monde entier dé- Juventupend de l'inftitution du premier âge; ne liront tis inftitupas fans une douleur profonde le paffage fui- tio eft tovant. Vous ferai-je encore observer cette ré" » génération des mœurs, qui va parmi vous

en confommer & confacrer la dépravation; » cette éducation conftitutionnelle, qui va » conftituer l'empire du crime, & perpétuer » les excès de la licence & de la cruauté; » qui change en infolente fierté le modefte

maintien de çet âge ignorant & foible, que » la prévoyante nature avoit fait humble & » docile? Quel grotefque, de la voir aujour"d'hui, cette enfance timide, hériffée de "fer, cuiraffée d'impudence, infulter des vieil

lards, menacer des hommes, fecouer toute "efpece de dépendance, & fe croire au ni"veau de tout ce qu'elle avoit respecté juf"qu'alors! Quelle eft aujourd'hui fon école ? » elle n'en connoit plus que les camps & les » clubs; elle n'a d'inftituteurs que des fpa"daffins; d'honorable métier, que celui d'é

gorger des ariftocrates. Et qu'apprend-elle ?

qu'il n'y a d'autre loi, que la fainte infur"rection; d'autre morale, que la divine conf »titution; d'autre culte religieux, que le » patriotisme; d'autres dieux, que ces cada»vres immortels, ces offemens finiftres, qui

chaffent de fon temple la patrone de la » France. Elle apprend à oublier ces doux » & vénérables noms de peres, de freres, de » difciples, de maîtres, de fujets, de monar»ques, pour ne plus voir que des citoyens,

tius mundi

renovatio.

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" & s'échauffer à ce beau mot d'un enthoufiafme factice : elle apprend à bafouer, trai"ner, garotter, étrangler, s'il le faut, fans " foibleffe, fes bienfaiteurs, fes mentors, ou

fes rois.... Mais refpirons: mon imagina"tion eft fatiguée de fe traîner fur ces hor

"reurs. 39

Leçons métaphyfiques à un milord incrédule, fur l'existence & la nature de Dieu ; par dom Aubry, prieur Bénédictin.

Numquid incredulitas illorum fidem Dei evacuabit?

Rom. 3.

A Paris, chez Belin, 1790, petit in-12 de 42 pag.

E petit ouvrage, plein de raifons excellentes qui fe fuccedent & fe groupent d'une maniere rapide, rappelle le nom d'un auteur dont j'ai déjà fait connoître des écrits eftimables dans ce même genre, quoique je n'aie I Fév, pas été en tout de fon avis *. L'on s'attend bien 1783, p. qu'il ne peut y avoir ici des argumens neufs: un fujet auffi ancien, fi long-tems & fi pro15 Mars fondément traité par tout ce qu'il a eu de fa1784, P ges dans le monde, ne laiffe plus guere d'ef426.

159.

pace vuide à la réflexion; mais l'auteur a fu donner à des raifonnemens connus un ton & une application fi bien affortis aux erreurs du jour, qu'on les lit ou les relit encore avec fatisfaction. La feule épigraphe donne une idée avantageufe de fon efprit: elle est aussi

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