Page images
PDF
EPUB

de perfonnes ne s'y attendoient pas. M. le marquis de Noailles a reçu par le même courier, fes lettres de rappel. Ce ministre ayant demandé un paffe-port pour partir, la chancellerie d'état a jugé à propos de le refuser jufqu'à ce qu'on fache fi M. de Blumendorff a pu quitter la France fain & fauf. M. de Noailles reftera ici, en attendant comme otage. M. Gabard, fon fecrétaire de légation, s'est engagé pour refter ici auprès de la princeffe Lubormisky, & c'eft M. Maifons qui fera chargé de la garde des archives. On eft furpris en général que la déclaration de guerre ne nomme que le roi de Bohême & de Hongrie, & ne faffe pas mention du corps germanique contre lequel l'affemblée-nationale s'eft tant récriée.

Le 8, un courier apporta l'avis, des avantages que nos troupes aux Pays-Bas ont remportés fur les troupes Françoifes; mais ces avantages ne font pas affez décififs, pour n'avoir plus à fe livrer à des inquiétudes fur l'avenir. Il a été donné en conféquence l'ordre de preffer la marche des régimens venant de la Bohême & de la Moravie. Le régiment de Samuel Guilay eft parti de Bude, celui de l'archiduc Ferdinand de Presbourg. Le rendezvous général des troupes Autrichiennes eft le Brifgaw, parce qu'il faut fonger d'abord à défendre nos propres foyers. On porte à 32 mille hommes les forces qu'on doit y faire passer; mais jufqu'à préfent il n'y a que 15000 en marche. La chancellerie d'état travaille fans relâche à expédier aux différens principes d'Al lemagne les lettres de réquifition pour le paf

fage des troupes. On dit en ce moment que 10000 hommes de troupes Pruffiennes venant de la Silefie, traverferont inceffamment la Bohême, & dirigeront leur marche fur Nachod, Prague & Egra vers les Pays-Bas. Mais il n'y a rien de certain là-deffus. Auffi-tôt que l'on a appris ici la déclaration de guerre, un courier a été expédié pour Pétersbourg; mais on ne fait aujourd'hui jufqu'à quel point l'impératrice de Ruffie pourra fe mêler des affaires de France; de grands intérêts appellant fon attention fur la Pologne, & le but des préparatifs militaires paroiffant principalement dirigé contre la nouvelle conftitution de ce royaume.

Mgr. Caprara, nonce apoftolique près de cette cour, a reçu de Rome la nouvelle que le fouverain Pontife l'avoit déclaré cardinal. Tous les miniftres ainsi que la nobleffe de cette capitale font allés fucceffivement lui faire leurs complimens à cette occafion. Son fucceffeur fera Mgr. Ruffo, Napolitain, actuellement nonce à Florence.

VIENNE (le 17 Mai). Notre cour éprouve depuis plufieurs années les coups les plus fenfibles. Il n'y a que quelques mois que la mort a enlevé l'empereur Léopold II. La famille royale vient de faire une autre perte dans la perfonne de l'impératrice douairiere, morte le 15 de ce mois un peu avant 1 heure de l'aprèsmidi, des fuites d'une inflammation de poitrine. Le 12, S. M. I. reçut le St.-Viatique qui lui fut porté publiquement par le cardinalarchevêque, fuivi du roi, des archiducs Léopold, Charles, Jofeph & Antoine, ainsi que des archiducheffes Marie-Anne & Marie- Amélie,

La reine ne put affifter à cette augufte fonction, une indisposition ne lui permettant pas de quitter le lit. Toute la ville eft dans la confternation, c'eft une perte irréparable pour les jeunes archiducs devenus orphelins dans un âge fi tendre. Le dernier n'a que 4 ans, & les trois qui précedent, 8, 9 & 10. (a)

BERLIN (le 19 Mai). Le roi ayant paffé les régimens de cette garnifon en revue, paroiffoit très-content du bon état de ces troupes. S. M. & le prince royal font enfuite retournés à Potzdam. Il n'eft pas encore décidé si la grande revue aura. lieu. La cour ayant reçu le 4 de ce mois la nouvelle des hoftilités commencées par les François, expédia d'ici immédiatement après, un courier pour la Siléfie, & à divers régimens qui avoient déjà l'ordre de fe tenir prêts pour la marche. L'argent néceffaire leur a été remis à cet effet. Les troupes réparties en Westphalie, avoient déjà des inftructions pour entrer dans le pays de Liege; mais on croit qu'elles ont été changées, ou révoquées. La politique des cours eft fujette à tant d'ofcillations, qu'il eft difficile de la fixer, dans un moment où l'Europe eft agitée par tant d'in

(a) Marie-Louife, infante d'Efpagne, fille de Charles III, roi d'Espagne (alors roi de Naples), étoit née le 24 Novembre 1745. Le 5 Août 1765. elle époufa Léopold, alors grand-duc de Tofcane, & qu'elle a rendu pere de 17 enfans dont 14 font encore en vie. **

Dans le Dict. hift, nouv. édit. art. FRANÇOIS I, p. 168, col. 1. 1. 23, au lieu de ces mots, pour les noces d'une de fes filles avec le prince héréditaire de Parme, il faut, pour les noces de fon fils Léopold avec l'infante Marie-Louife d'EL pagne.

térêts divers. M. de Bifchofswerder est parti d'ici pour Pétersbourg. On affure que de fes: négociations dépendra en grande partie le fort futur de la France & de la Pologne.

7

RATISBONNE (le 17 Mai). Le 6 au foir, nous fûmes les témoins d'un trifte événement : vers les heures, il s'éleva au-deffus du palais du prince de la Tour & Taffis, une épaiffe fumée qui fut fuivie auffi-tôt de flammes qui embraferent tout le toit. Malgré les fecours les plus prompts & les plus nombreux, il n'y eut pas moyen de fauver le bâtiment. On n'eut que le tems d'en retirer les meubles. (a)

Malgré la guerre déjà commencée entre la France & le roi de Hongrie, l'Empire Germanique ne femble pas s'empreffer d'entrer en lice, & de revendiquer par les armes fes droits fur l'Alface. On dit que plufieurs princes fe déclarent pour la neutralité, & tâchent de la faire agréer à la diete de Ratisbonne; on nomme entre autres, le prince de Baden, le duc de Würtemberg, l'électeur Palatin, l'évêque-prince de Würtzbourg & l'évêque de Bamberg, quoique celui ci ait depuis 1790 quelques troupes la folde de l'Autriche. On croit auffi remarquer

(a) Voilà environ un an que S. A. a mis le feu à la boutique de mon imprimeur par un décret qui profcrit ce Journal dans toutes les poftés de l'Empire & des Pays-Bas. Je fuis certainement bien loin de me réjouir de cette efpece de repréfailles, amenées par une caufe feconde quelconque, fubordonnée au premier moteur de toutes les canfes. Mais il arrive quelquefois que de tels événemens ramenent la réflexion fur des torts oubliés, & portent à les réparer & ce pourroit être ici le cas,

que dans plufieurs provinces les peuples ont
de la répugnance à feconder les intentions des
cours qui font inclinees pour la guerre. En
général, quoique les principes des démocrates
François empêchent les nations voisines de
defirer leur arrivée chez eux, on remarque
cependant qu'elles n'ont pas une bien forte
envie de les repouffer, & que cette befogne
reftera probablement aux feuls militaires fol-
dés. Le fouvenir de ce qui s'est fait fous les
rois & les princes, fur-tout dans certaines ré-
gions où le defpotifme a laiffé des traces pro-
fondes, l'idée de ce qui feroit arrivé infailli-
blement fi les événemens n'avoient troublé la
marche des chofes, tout cela met les peuples
dans une espece d'apathie qui les empêche de
rien faire contre l'un ni contre l'autre parti. Situa-
tion qui rappelle celle de l'âne de Phedre & de
La Fontaine, & qui juftifie la conduite de cet
animal, dont la prudence a par fois la mesure
de fes oreilles, comme on voit par cet apologue,

Afellum in prato timidus pafcebat Senex.
Is boftium clamore fubitò territus,
Suadebut Afino fugere, ne poffent capi.
At ille lentus: Quæfo, nùm binas mihi
Clitellas impofiturum victorem putas?
Senex negavit. Ergo quid refert meâ
Cui ferviam, clitellas dùm portem meas?

Phed. Fab.

15. L. 1.

Un Vieillard fur fon Ane, apperçut en paffant La Font.

Un pré plein d'herbe & fleuriffant.

Il y lâche fa bête, & le grifon fe rue

Au travers de l'herbe menue,

Se vautrant, grattant & frottant
Gambadant, chantant & broutant
Et faifant mainte place nette.
L'ennemi vient fur l'entrefaite.

Fab. 8. L. 6.

« PreviousContinue »