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On trouve enfuite des réflexions bien fenfées & réellement philofophiques fur divers objets de la Religion. L'auteur les envisage en eux mêmes & dans l'efprit de la chofe, indépendamment de l'autorité des Livres-Saints & de la révélation. Il faut voir comment il parle de la Confeffion, de l'Euchariftie, & d'autres matieres, que les fectaires des derniers fiecles euffent certainement refpectées, s'ils les avoient envifagées en vrais philofophes, plutôt qu'en théologiens litigieux. Il s'arrête enfuite fur les Livres-Saints, confidérés hiftoriquement & tranfmis aux chrétiens par les Juifs., Que penfer, dit-il, de l'autorité des » Ecritures, en ne confidérant ce qu'il y a » de divin que dans la maniere dont elles » font parvenues jufqu'à nous, & dont elles »fe confervent? De quel ordre en effet eft

la puiffance capable d'employer les propres » ennemis du Chrift, les Juifs perfides, comme » des hérauts d'une efpece finguliere & uni» que, deftinés à publier à leurs dépens fon "regne & fa gloire, par le moyen de leurs » livres où font contenues les prophéties & » les figures qui l'annonçoient depuis la créa »tion du monde, & dans lefquelles on le » reconnoît inconteftablement ? Avoit-on vu » confier à des criminels l'arrêt flétriffant de

leur profcription? Par quel reffort a-t-il été » poffible d'intéreffer une nation libre & " éclairée à la confervation de fon opprobre? » Où eft l'exemple d'une poftérité fourniffant elle-même, répandant les témoignages cé "lebres qui dépofent contre fes peres, &

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» s'obftinant feule à ne pas voir fon châti»ment dans fon éternel exil. Un auffi étrange » aveuglement donne à connoître que c'est » un Dieu qui fe venge; & fi par la vengeance " on juge du crime, celui des Juifs paroît » d'une énormité fans exemple, & ne peut » être qu'un déicide. »

Ce qui fuit fur la perpétuité de l'Eglife & fon triomphe dans fes longs & terribles combats, forme un contrafte faillant avec les empires de la terre la politique & la philofophie concourent à rendre les traits de ce tableau vifs & profonds.,, Que penser, non » pas des moyens extraordinaires par lesquels l'Eglife s'eft établie fur toute la terre, mais de la maniere dont nous la voyons encore » fubfifter? Il ne feroit pas étonnant qu'une puiffance quelconque fe foutint en pliant » adroitement, en molliffant à propos,

en

diffimulant, en cédant avec prudence, en »économifant fes droits, en ménageant fes » rivaux, en compofant avec tout le monde, » & s'étayant de toutes parts. Telle eft la

fcience des foibles; tel eft l'art des gou» vernemens périffables. Ainfi peuvent durer » plufieurs fiecles les empires de la terre. A » force de conventions, de variations, de » modifications, de traités de paix & d'al»liance, à force d'entaffer les liens, les chaî» nes les appuis de toute espece, on fait » qu'ils ne tombent pas encore; cependant » ils s'affaiffent, & bientôt ils ne feront que » dans le fouvenir des hommes.

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» Mais être toujours en guerre, & toujours

» invincible, tenir également contre les pie"ges & contre la force ouverte, s'opposer à » toutes les paffions, contredire tous les pré

jugés, foumettre à fon empire les volontés » & les pensées, & ne perdre aucun de fes » droits effenciels : être en butte à l'audace » de mille ennemis, à des ufurpations con» tinuelles, aux afsauts de la chair & du fang, & triompher par la feule réfiftance faire » des loix que ni la faveur, ni le courroux des Céfars n'ont pu altérer : jouir d'une autorité unique & incomparable, contre » laquelle en vain la terre & l'enfer uniroient » leurs efforts de plus, s'élever fur fes pro» pres ruines, furvivre à la rage des tyrans,

regner jusques fur les échafauds & au mi» lieu des bûchers: de plus, fous un Alexan» dre VI, fous un Benoît IX, fous un Jean XII, » fous des chefs deftructeurs, fous des chefs » corrupteurs, fous des chefs ufurpateurs, »se foutenir avec la même dignité : conduire "toujours en paix fes enfans révoltés, & »refter fans tache malgré les fouillures de

fes principaux membres de plus, impofer » un joug égal à tant de peuples divers, qui » different les uns des autres par le carac» tere & les mœurs, par leurs inftitutions » fondamentales, par des intérêts prefque

toujours incompatibles, par les principes » même de la fociété générale, par les cli» mats enfin, par la nature des lieux & des » efprits réunir à un centre commun les extrémités de la terre, contenir dans fon fein l'Univers, & après dix-huit fiecles de com

» bats & de conquêtes n'avoir pas une cicatrice, briller en tout tems comme une jeune » épouse, & fe promettre encore une nou» velle gloire & de nouveaux trophées : fi » tout cela n'eft pas divin, qu'on me dife » donc ce qui peut l'être.

Il n'y a pas moins de vérité & d'énergie. dans le paffage fuivant fur la ville de Rome, devenue la Jerufalem du chriftianifme, le centre de l'Eglife catholique, le fiege & le domaine de fon premier Pontife; & cela par une révolution que toutes les lumieres humaines étoient bien loin de prévoir, que l'état politique, philofophique, & j'ofe dire, géogra phique, eût fait envifager comme abfurde fi quelqu'un s'étoit avifé de l'annoncer qui par-là même étoit digne de Dieu, & dont l'exécution attefte fa fouveraine puiffance, en même tems que la divinité de la Religion en faveur de laquelle elle s'eft réalifée.,, La feule ville de Jérufalem avoit un temple confacré au vrai Dieu; mais l'anathême étoit pro,, noncé contre elle en punition du déicide ,, commis dans fon fein. Le ciel avoit résolu

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fa deftruction totale & la difperfion de fes ,, perfides habitans. Une loi plus parfaite alloit abolir celle de Moife; & à la place d'un ,, peuple ingrat, toutes les nations étoient ap,, pellées à ce nouveau culte. Mais en quel lieu devoit être le centre d'une Religion. dont la connoiffance appartient à tous les hommes ?

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Portez vos regards fur la face du mondes ,, vous n'y verrez qu'une ville devenue, pour

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,, ainfi dire, commune à tous les citoyens de ,, l'univers, tandis que les autres cités trop ifolées lui paroiffoient étrangeres. Rome ne fut pas feulement la capitale d'une contrée particuliere; toutes les nations lui devoient l'obéiffance tous les rois s'avouoient fes vaffaux l'Europe, l'Afie, l'Afrique trembloient devant elle.

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Des titres fi pompeux en annonçoient un ,, plus folide, & l'éclat de cette grande puiffance temporelle n'étoit que le prélude du ,, regne infini dans fa durée, & univerfel dans fon étendue, qu'elle a acquis en devenant la capitale du monde chrétien. Ils entroient donc dans les magnifiques deffeins de la Providence, ces événemens mémorables qui rendirent autrefois Rome fi fameufe. Il falloit que ce peuple de conquérans & de rois eût triomphé de toutes les forces de la terre réunies contre lui feul, afin que l'on fentit combien la puiffance qui l'a domptée étoit fupérieure à tout ce qui n'eft qu'humain. Il falloit qu'une ville depuis fi long-tems illuftrée par les vertus morales de fes héros, ,, par la fageffe de fes philofophes, par l'excellence de fes loix, par les lumieres de tant de favans, en cédant enfin à l'autorité de la foi, fervit de monument éternel au ,, triomphe de celle-ci fur tout ce que la raifon offre de plus grand. Il falloit que la majefté du plus ancien fénat, la majesté du ,, plus vafte empire, la majefté d'un peuple enrichi des dépouilles de l'univers, raffafié de gloire, enivré de plaifirs, en fe foumet

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