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D'ADMINISTRATION PUBLIQUE; VOIES DE RECOURS

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different par leur nature légale, par les voies de recours dont ils sont susceptibles, par la sanction attachée à leurs dispositions, il y a un intérêt d'ordre supérieur et permanent à ne pas les confondre, surtout dans la rédaction des lois. En paraissant employer ces deux termes comme synonymes, ces rédactions défec tueuses sont en contradiction avec la nature des choses et les lois organiques du conseil d'État.

72. En outre de ce que nous avons dit dans les numéros précédents des règles propres à chaque sorte de décrets, nous donnons ici un tableau d'ensemble des voies de recours ouvertes contre les décrets.

Contre tous les décrets il y a deux voies de recours toujours ouvertes le recours par la voie gracieuse au chef de l'État luimême, et le recours par voie de pétition aux Chambres.

:

Une troisième voie, le recours contentieux au conseil d'État, non ouverte contre les décrets généraux rendus par le chef de l'État en vertu de son droit de faire des règlements, est permise, au contraire, contre les décrets spéciaux administratifs, parce qu'ils constituent des actes administratifs proprement dits. Il n'en est ainsi toutefois qu'autant qu'ils portent atteinte à un droit acquis, résultant soit des lois et règlements, soit des engagements pris par l'administration. Il en résulte une règle générale dominant tout le droit administratif, qui interdit ce recours contre ceux de ces décrets qui ne font que froisser un intérêt sans léser un droit [nos 423 à 430]. Nous verrons enfin que les demandes en interprétation des décrets doivent être portées au consel d'État au contentieux [no 438].

Une quatrième voie de recours est également ouverte contre tous les décrets administratifs, généraux ou spéciaux, devant le conseil d'État délibérant au contentieux, mais seulement pour excès de pouvoir et pour incompétence. Nous aurons à signaler de rechef ce principe général, tutélaire de tous les droits, d'après lequel tout acte d'un organe quelconque de l'administration française peut être, de plano et sans frais, déféré au conseil d'État délibérant au contentieux pour excès de pouvoir et pour incom

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COMPLÉMENT DE LA THÉORIE GÉNÉRALE

pétence [nos 431 à 437]. Les décrets gouvernementaux échappent seuls à cette règle pour n'être soumis qu'aux voies de recours d'ordre purement politique et constitutionnel aboutissant à la

responsabilité ministérielle.

Un cinquième mode de recours, d'une nature particulière, est ouvert contre les décrets rendus sur l'avis du conseil d'État, en matière non contentieuse, par l'article 40 du décret du 22 juillet 1806, ainsi conçu:

Lorsqu'une partie se croira lésée dans ses droits de propriété, par l'effet d'une décision de notre conseil d'Etat rendue en matière non contentieuse, elle pourra nous présenter une requête, pour, sur le rapport qui nous en sera fait, être l'affaire renvoyée, s'il y a lieu, soit à une section du conseil d'Etat, soit à une commission.

73. Pour compléter, à l'occasion de sa première et principale application dans les décrets du président de la République, la théorie générale des actes de l'administration active, il nous reste à parler des actes de gestion (actes contractuels ou de procédure). Le chef de l'État n'accomplit pas d'acte de cette nature. Ses actes d'administration ne sont que des règlements ou des actes administratifs proprement dits. Il suffit en effet que les ministres accomplissent ou fassent accomplir les actes de gestion intéressant l'État; il n'est pas besoin de mettre en mouvement à cet effet le premier degré de la hiérarchie administrative. Ce n'est pas le rôle du chef de l'État de faire lui-même des contrats ou des actes de procédure au nom de l'État, comme le préfet pour le département et le maire pour la commune.

Les actes de gestion se distinguent, en effet, des deux autres espèces d'actes d'administration (règlements et actes administratifs proprement dits), en ce qu'ils ne sont pas, comme eux, des actes d'autorité et de commandement. Dans la réalisation des actes de cette troisième et dernière catégorie d'actes d'administration, le ministre, le préfet et le maire ne représentent pas l'État, le département et la commune, en tant que puissance publique, mais seulement comme personne civile.

Aussi les actes de gestion ne sont soumis, ni aux règles propres aux règlements [nos 65 et 66], ni aux règles propres aux actes administratifs proprement dits [nos 68 et 69].

DES ACTES DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE

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Puisqu'il n'est point dans le rôle du président de la République de faire des actes de cette nature, c'est en traitant des degrés inférieurs de la hiérarchie et du contentieux administratif qu'il conviendra d'y revenir.

Il suffisait de mentionner ici les actes de gestion et leur nature légale, pour achever ce tableau des trois sortes d'actes de l'administration française. La première sorte (règlements), accomplis par le président de la République, les préfets, et les maires; la seconde (actes administratifs proprement dits), accomplis par les quatre degrés de la hiérarchie: président, ministres, préfets et maires; et la troisième (actes de gestion) seulement accomplis par les ministres, les préfets, et les maires.

74. Nous ne faisons que mentionner une espèce particulière de décrets qui est actuellement reléguée dans le domaine de l'histoire. Ce sont les décrets rendus au contentieux. Après une première suppression de peu de durée, de 1849 à 1852, ils ont définitivement disparu en 1872. L'existence de cette sorte d'ordonnances ou de décrets se rattachait aux dispositions de toutes les constitutions (an VIII, 1802-1804, 1814, 1815, 1830, 1852, 1870) qui faisaient du second degré de la juridiction administrative contentieuse et du jugement des conflits d'attributions, des applications de la fiction constitutionnelle en vertu de laquelle il y avait, dans ces deux hypothèses, justice retenue par le pouvoir exécutif. La loi du 24 mai 1872, en donnant, comme en 1848, un pouvoir propre au conseil d'État et au Tribunal des conflits, a supprimé par là même cette troisième sorte de décrets.

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76. Départements ministériels; difficultés relatives à leur création.

77. Nombre et répartition actuelle des ministères.

78. Composition de l'administration centrale de chaque ministère; loi du

20 décembre 1882, art. 16.

79. Abandon rationnel de l'institution des sous-secrétaires d'État.

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MINISTRES CONSIDÉRÉS COMME ADMINISTRATEURS.

80. Diverses attributions administratives des ministres.

81. Contre-seing.

82. Attributions d'administration proprement dite et actes des ministres. 83. Droit de contrôle sur les arrêtés réglementaires des préfets.

75. Les ministres remplissent trois rôles différents : 1o ils participent à l'action du gouvernement; 2° ils administrent; et 3. ils jugent.

Les fonctions politiques et gouvernementales des ministres relèvent plus particulièrement du droit constitutionnel; elles sont expliquées ci-dessus, dans l'étude générale que nous avons faite du principe de la séparation des pouvoirs [nos 17, 27 à 32, 53. Nous y avons traité en même temps de la responsabilité ministérielle, qui s'étend au rôle des ministres dans toutes ses applications administratives et constitutionnelles.

Comme administrateurs et comme juges, les ministres appartiennent au droit administratif.

Leurs attributions contentieuses donnent lieu à de sérieuses controverses, qui trouveront leur place naturelle dans le chapitre II, consacré aux juridictions administratives nos 524 à 537).

Leurs attributions d'administration active font seules l'objet du présent paragraphe. Les ministres, considérés comme administrateurs, sont les chefs des grandes divisions de l'administration publique qui portent le nom de départements ministériels. Placés au second degré de la hiérarchie, immédiatement après le chef de l'État, les ministres étendent, comme lui, leur action administrative sur le pays tout entier; mais, tandis que le premier degré de la hiérarchie embrasse tous les services publics, le second est limité à ceux qui composent chaque département ministériel.

76. La répartition des diverses branches de l'administration publique en départements ministériels, dans toutes les constitutions monarchiques, excepté celle de 1791, a toujours été placée dans les attributions du pouvoir exécutif; mais la loi organique des ministères des 27 avril-25 mai 1791, qui n'établissait que six ministères, et les constitutions républicaines de l'an III et de 1848, réservaient le droit de faire cette répartition au pouvoir

DÉPARTEMENTS MINISTÉRIELS

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législatif; celui-ci a d'ailleurs toujours été appelé, même aux autres époques, à voter les crédits nécessaires aux remaniements de départements ministériels intéressant le budget. Dans le silence de la législation en vigueur, ce droit, sauf la ratification budgétaire, appartenait au pouvoir exécutif.

Après les décrets du 14 novembre 1881 qui avaient créé deux nouveaux ministères, la commission du budget avait reconnu la légalité de ces décrets, en exprimant toutefois le vœu qu'à l'avenir aucun ministère ne fût créé sans l'assentiment préalable des Chambres. Une loi du 20 mars 1894, après d'assez longues discussions sur la question de principe, a créé un nouveau ministère dans les termes suivants : « Article unique. L'adminis«tration des colonies est érigée en ministère ». Cette rédaction est d'autant plus digne de remarque qu'elle est intervenue sur une proposition de loi d'initiative parlementaire, et après le rapport d'une commission de la Chambre des députés (novembre 1892) qui proposait un article unique, ainsi conçu : « A l'avenir aucun << ministère ne pourra être créé ou supprimé que par une loi. Il « est créé un ministère des colonies ». La différence des rédactions, tout en créant un très grave précédent au profit du pouvoir législatif, prouve que le législateur de 1894 n'a pas voulu résoudre la question de principe et a réservé les droits du pouvoir exécutif, même au point de vue de la création de nouveaux ministères.

A plus forte raison le pouvoir exécutif reste-t-il maître de modifier la répartition des services publics entre les divers départements ministériels.

77. Depuis 1791, le nombre et la composition des départements ministériels a beaucoup varié suivant les circonstances et les régimes politiques. Il existe actuellement onze ministères: Ministère des Affaires étrangères, de la Justice et des Cultes (avec la présidence du conseil d'État et du Tribunal des conflits), - de l'Intérieur des Finances, des Finances, de la Guerre, de la Marine, de l'Instruction publique et des Beaux-arts, des Travaux publics. de l'Agriculture - du Commerce, de l'Industrie, des

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Postes et Télégraphes,

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