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ATTRIBUTIONS GOUVERNEMENTALES DU PRÉSIDENT

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Une loi du 3 avril 1878 sur l'état de siège à restreint le droit du pouvoir exécutif en mettant en principe la déclaration et la levée de l'état de siège dans les attributions du pouvoir législatif.

Tous ces actes du président de la République, et tous autres également accomplis par lui en vertu des dispositions des lois constitutionnelles, sont des actes de gouvernement et non des actes d'administration. Ils sont l'exercice direct des attributions gouvernementales dont le président est investi par la Constitution. Il n'est pas sérieusement contestable que les décrets auxquels ces textes donnent lieu sont des décrets gouvernementaux, qui ne doivent être confondus, ni au point de vue de leur nature légale, ni au point de vue des règles auxquelles ils sont soumis, avec les décrets administratifs. Les premiers, en tant qu'actes de gouvernement rendus en exécution directe des dispositions de la Constitution; ne relèvent que du droit constitutionnel. Les autres décrets, rendus pour l'exécution directe des lois autres que les lois constitutionnelles, sont seuls soumis aux règles du droit administratif [nos 64 à 75. Cette distinction est trop absolument conforme aux principes pour qu'elle puisse disparaître. Elle est l'inévitable conséquence de la distinction même du droit constitutionnel et du droit administratif, et ne pourrait disparaître qu'avec elle.

Comment pourrait-on nier, par exemple, que le décret par lequel le président de la République prononce la dissolution de la Chambre des députés, avec l'avis conforme du Sénat, est un acte de gouvernement, par conséquent un décret gouvernemental, et non un acte d'administration? Cet acte a sans doute une gravité particulière, mais c'est une profonde erreur que d'y voir une atteinte au suffrage universel, puisqu'il est un appel à ce suffrage même, pour trancher souverainement les conflits politiques. Son usage gagnerait à être moins rare dans le fonctionnement régulier des lois constitutionnelles et du régime parlementaire, toutes les fois qu'il ne se trouve pas dans le parlement la majorité nécessaire pour servir de base fixe au gouvernement. C'est le moyen légal et rationnel de la demander au pays.

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RESPONSABILITÉ DU PRÉSIDENT ET DES MINISTRES

53. Indépendamment, d'une part, des actes de gouvernement placés en tout ou en partie, comme nous venons de le voir, dans la sphère d'activité de la puissance législative, et, d'autre part, de leur action sur le pouvoir exécutif par le droit de l'élire qui leur est dévolu, les deux Chambres peuvent en outre, en vertu des lois constitutionnelles de 1875, exercer leur influence sur la direction du gouvernement par la responsabilité ministérielle. Nous avons étudié l'institution en elle-même [nos 28 à 31]; il nous suffit ici, pour éviter des redites, de signaler les textes qui la consacrent dans le droit actuel.

Le président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison (L. c. 25 février, art. 6 § 2); dans ce cas seulement il peut être mis en accusation par la Chambre des députés et jugé par le Sénat; en dehors de cette hypothèse, il est constitutionnellement irresponsable de la politique générale et des actes de son gouvernement; c'est la règle des Chartes et des monarchies constitutionnelles de 1814 et de 1830.

Les ministres au contraire «< sont solidairement responsables <<< devant les Chambres de la politique générale du gouvernement «<et individuellement de leurs actes personnels (L. c. 25 février, art. 6 2 1) ». A cette règle fondamentale des lois constitutionnelles de 1875, se rattache celle que « chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre (L. c. 25 février, art. 3 in fine) ». Le principe de la responsabilité ministérielle reçoit sa sanction pénale de l'article 12 § 2 de la loi du 16 juillet 1875. Il est mis en œuvre au point de vue politique par les dispositions de l'article 6 de la mème loi, qui assure aux ministres l'entrée des deux Chambres, le droit d'être entendus quand ils le demandent, et d'y représenter le pouvoir exécutif.

54. La Constitution de 1875, maintenant la situation créée par une décision de l'Assemblée nationale de 1871, disposait, dans l'article 9 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, que « le «siège du pouvoir exécutif et des deux Chambres est à Versailles ». Cet article est abrogé.

La Chambre des députés avait demandé le 22 mars 1879, à la

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majorité de 330 voix contre 161, que le congrès se réunît pour réviser cet article. Le 14 juin, après un débat animé, le Sénat a également voté la proposition de réunir le congrès dans ce but par 149 voix contre 130. En conséquence de ces votes, les deux Chambres réunies en Assemblée nationale de révision de la Constitution, en vertu de l'article 8 de cette même loi constitutionnelle, en ont fait la première application en abrogeant cet article 9 relatif au siège des pouvoirs publics, législatif et exécutif. Cette nouvelle disposition constitutionnelle votée le 19juin 1879 par 526 voix contre 249,et promulguée par décret du 21 juin 1879, est ainsi conçue: « L'article 9 de la loi constitutionnelle du « 25 février 1875 est abrogé ». Il résulte de ce texte que la Constitution ne fixe plus désormais le siège du pouvoir exécutif et des Chambres, et qu'elle laisse la solution à l'action ordinaire des lois, en dehors du domaine réservé au pouvoir constituant.

En conséquence est intervenue la loi du 22 juillet 1879 qui fixe à Paris le siège des pouvoirs publics. Ses dispositions n'ont pas, comme celle qui établissait leur siège à Versailles, le caractère constitutionnel. Nous avons déjà fait remarquer que l'article 3 de cette loi maintient exceptionnellement à Versailles le siège du congrès pour l'élection du président de la République et la révision des lois constitutionnelles.

Il convient de remarquer aussi que les articles 6 à 9 de cette loi sont relatifs à l'exercice du droit de pétition et aux attroupements. Ces dispositions sont parfaitement à leur place dans cette loi qui, en décidant la rentrée à Paris des pouvoirs publics, a voulu et devait assurer leur sécurité.

Le siège du pouvoir exécutif et des deux Chambres est à Paris (Loi du 22 juillet 1879, relative au siège du pouvoir exécutif et des Chambres à Paris, art. 1). — Le palais du Luxembourg et le Palais-Bourbon sont affectés, le premier au service du Sénat, le second à celui de la Chambre des députés. Néanmoins, chacune des deux Chambres demeure maîtresse de désigner dans la ville de Paris le palais qu'elle veut occuper (art. 2). Les divers locaux du palais de Versailles actuellement occupés par le Sénat et la Chambre des députés conservent leur affectation. Dans le cas où, conformément aux articles 7 et 8 de la loi du 25 février 1875, relative à l'organisation des pouvoirs publics, il y aura lieu à la réunion de l'Assemblée nationale, elle siégera à Versailles dans la salle actuelle de la

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Chambre des députés. Dans le cas où, conformément à l'article 9 de la loi du 24 février 1875 sur l'organisation du Sénat et à l'article 12 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics, le Sénat sera appelé à se constituer en cour de justice, il désignera la ville et le local où il entend tenir ses séances (art. 3). Le Sénat et la Chambre des députés siégeront à Paris à partir du 3 novembre prochain (art. 4). — Les présidents du Sénat et de la Chambre des députés sont chargés de veiller à la sûreté intérieure et extérieure de l'assemblée qu'ils président. A cet effet, ils ont le droit de requérir la force armée et toutes les autorités dont ils jugent le concours nécessaire. Les réquisitions peuvent être adressées directement à tous officiers, commandants ou fonctionnaires qui sont tenus d'y obtempérer immédiatement, sous les peines portées par les lois. Les présidents du Sénat et de la Chambre des députés peuvent déléguer leur droit de réquisition aux questeurs ou à l'un d'eux (art. 5). Toute pétition à l'une ou à l'autre des Chambres ne peut être faite et présentée que par écrit. Il est interdit d'en apporter en personne ou à la barre (art. 6). — Toute infraction à l'article précédent, toute provocation par des discours proférés publiquement ou par des écrits ou im primés, affichés ou distribués, à un rassemblement sur la voie publique, ayant pour objet la discussion, la rédaction ou l'apport aux Chambres, ou à l'une d'elles, de pétitions, déclarations ou adresses, que la provocation ait été ou non suivie d'effet, sera punie des peines édictées par le paragraphe 1er de l'article 5 de la loi du 7 juin 1848 (art. 7). — Il n'est en rien dérogé par les précédentes dispositions à la loi du 7 juin 1848 sur les attroupements (art. 8). L'article 463 du Code pénal est applicable aux délits prévus par la présente loi (art. 9).

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TITRE PREMIER.

AGENTS, CONSEILS, ET TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS.

:

55. Division des fonctions administratives action, délibération, juridiction 56. Divers systèmes d'administration pratiqués par la réunion ou la séparation de ces fonctions.

57. Agents, conseils, et tribunaux administratifs.

58. Division du présent titre en deux chapitres sur la base fondamentale de la distinction des fonctions administratives.

55. Administrer un pays est un fait complexe, supposant l'exercice organisé d'un certain nombre de fonctions. Ces fonctions administratives sont au nombre de trois : l'action, la délibération, et la juridiction. Cette distinction résulte de l'analyse exacte de la notion de l'administration, envisagée dans son ensemble et sans dépasser ses véritables limites, telles qu'elles résultent de la place assignée à l'autorité administrative dans la sphère des pouvoirs publics, à titre de branche déterminée de la puissance exécutive [nos 23 et 32).

On ne peut administrer un pays sans agir, c'est-à-dire sans accomplir des actes, qui seront eux-mêmes de diverse nature, et dont certains seront la représentation de l'intérêt général souvent contraire à des intérêts individuels. Pour administrer il faut aussi délibérer, la délibération précédant et éclairant l'action.

En troisième lieu, l'exercice des deux premières fonctions pouvant susciter des contestations entre les droits en présence, il faut statuer sur ces litiges, c'est-à-dire juger. La juridiction administrative, longuement étudiée plus loin [nos 412 à 857], est le complément de la délibération et de l'action administratives.

56. La législation administrative d'un pays a donc pour premier objet de pourvoir à ces trois sortes de fonctions. Elle peut le faire de manières très diverses, soit en confondant ces fonctions daus les mêmes mains, d'un seul personnage ou de plusieurs,

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