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LE SÉNAT CONSTITUÉ EN COUR DE JUSTICE

tion et de la mise en accusation (art. 6 à 14); le troisième, du jugement (art. 15 à 24); et le quatrième contient des dispositions générales (art. 25 à 32); l'article 33 et dernier édicte une disposition transitoire. Nous ne pouvons reproduire que quelques articles de cette loi du 10 avril 1889.

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Le décret qui constitue le Sénat en Cour de justice, par application de l'art. 12 3 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, fixe le jour et le lieu de sa première réunion. La Cour a toujours le droit de désigner un autre lieu pour la tenue de ses séances (Art. 1). Tous les sénateurs élus antérieurement à ce décret sont tenus de se rendre à la convocation qu'il renferme, à moins qu'ils n'aient à présenter des motifs d'excuse. Ces motifs sont appréciés par le Sénat en Chambre du conseil. Les sénateurs élus postérieurement au décret de convocation ne pourront connaitre des faits incriminés (Art. 2). Le président de la République nomme parmi les membres des cours d'appel ou de la Cour de cassation : 1o un magistrat chargé des fonctions de procureur général; 2° un ou plusieurs magistrats chargés de l'assister comme avocats généraux (Art. 3). — Le secrétaire général de la présidence du Sénat remplit les fonctions de greffier. Il peut être assisté de commis-greffiers assermentés nommés par le président du Sénat. Les actes de la procédure sont signifiés par les huissiers des cours et tribunaux. Les huissiers du Sénat remplissent, pour le service d'ordre intérieur, les fonctions d'huissiers audienciers (Art. 4). — Une commission de neuf sénateurs est chargée de l'instruction et prononce sur la mise en accusation. Elle est nommée au scrutin de liste, en séance publique et sans débats, chaque année, au début de la session ordinaire. Elle choisit son président. Le Sénat élit de la même manière cinq membres suppléants (Art. 7). — Dès que le Sénat a ordonné l'instruction, le président de cette commission y procède. Il est assisté et suppléé au besoin par des membres de la commission désignés par elle. Il est investi des pouvoirs attribués par le Code d'instruction criminelle au juge d'instruction, sous les réserves et avec les modifications indiquées dans la présente loi. Il peut décerner un mandat d'arrêt sans qu'il soit besoin des conclusions du ministère public....(Art.8).— Les débats sout publics.Ils sont présidés par le président du Sénat ou, à son défaut, par l'un des vice-présidents désigné par le Sénat (Art. 15). — Au commencement de chaque audience, il est procédé à l'appel nominal. Les sénateurs qui n'auront pas été présents à toutes les audiences ne pourront pas concourir au jugement. Ne pourront non plus y concourir les sénateurs composant la commission organisée par l'art.7, s'ils sont récusés par la défense (Art. 16). Les dispositions pénales relatives au fait dont l'accusé sera déclaré coupable, combinées, s'il y a lieu, avec l'art. 463 Code pénal, seront appliquées, sans qu'il appartienne au Sénat d'y substituer de moindres peines. Ces dispositions seront rappelées textuellement dans l'arrêt (Art. 23). — L'arrêt définitif sera lu en audience publique par le président; il sera notifié sans délai par le greffier à l'accusé (Art. 24). Les décisions ou arrêts du Sénat ne peuvent être rendus

POUVOIR EXÉCUTIF; PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

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qu'avec le concours de la moitié plus un au moins de la totalité des sénateurs qui ont droit d'y prendre part. Ils ne sont susceptibles d'aucun recours (Art. 25). Les arrêts de la Cour sont motivés. Ils sont rédigés par le président, adoptés par la Cour en chambre du conseil et prononcés en audience publique. Ils font mention des sénateurs qui y ont concouru. Ils sont signés par le président et le greffier (Art. 26). Les sénateurs, membres du gouvernement, ne prennent part ni à la délibération ni au vote sur la culpabilité (Art. 30).

49. Le pouvoir exécutif, suivant la règle de l'unité d'action gouvernementale et administrative, est confié aux mains d'un seul homme. Il porte le titre de Président de la République, et, conformément à l'institution républicaine, il est électif, renouvelable par l'élection et par périodes fixes. L'élection du président a lieu à la majorité absolue des suffrages, par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en assemblée nationale; la durée de son pouvoir est de sept ans; il est indéfiniment rééligible. S'il y a solution de continuité et vacance par décès ou par toute autre cause, dans l'intervalle très court qui doit s'écouler avant une nouvelle et immédiate élection, le conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif (L. c. 25 février, art. 2 et 7;. L. c. 16 juillet, art. 3).

Ces textes ont reçu de fréquentes applications. La première s'est produite le 30 janvier 1879 à l'occasion de la démission du Maréchal de Mac de Mahon, président de la République, et de son remplacement par l'élection de M. Jules Grévy. Cette élec tion a mis fin à la disposition du § 4 de l'article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, qui avait réservé exclusivement, jusqu'au 20 novembre 1880, et personnellement au président de la République dénommé dans ce texte, le droit de provoquer la révision de la Constitution.

50. Nous avons déjà vu quelles sont les attributions constituantes et législatives du président de la République. Il partage avec les Chambres le droit de demander la révision des lois constitutionnelles (L. c. 25 février, art. 8; L. 14 août 1884, art. 2 [n° 40]). Il partage aussi avec elles l'initiative législative, et peut exiger des deux Chambres une nouvelle délibération,

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PROMULGATION, PUBLICATION, ET DATE DES LOIS

sans pouvoir jamais ni faire partie des assemblées, ni participer personnellement au vote et même à la discussion des lois, ni communiquer avec les Chambres autrement que par voie de message porté par un ministre, le tout conformément au principe de la séparation des pouvoirs (L. c. 23 février 1875, art. 3 § 1; L. c. 16 juillet 1875, art. 6 et art. 7 § 2.)

51. L'article 3 § 1 in fine de la loi du 25 février 1875 dispose que le président de la République « promulgue les lois lors<«< qu'elles ont été votées par les deux Chambres; il en surveille «<et en assure l'exécution ». L'article 7 § 1 de la loi du 16 juillet 1875 fixe le délai de la promulgation à un mois de la date de la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée, et à trois jours en cas de déclaration d'urgence par les deux Chambres.

Un décret du 6 avril 1876 a pourvu à l'exécution de ces dispositions, en réglant la formule de promulgation des lois. Il y a lieu de regretter qu'il n'oblige pas à insérer dans le décret de promulgation la date du dernier vote législatif, qui constitutionnellement doit donner sa date à la loi [no 19].

Un décret-loi du gouvernement de la défense nationale du 5 novembre 1870, toujours en vigueur, a modifié la législation antérieure en ce qui concerne la publication des lois. Elle résulte actuellement de leur insertion au Journal officiel, ou au Bulletin des lois pour les actes non insérés au Journal officiel. Ce décret a confondu la promulgation, qui est l'ordre d'exécution de la loi [n° 21] et s'opère par la signature du décret dont nous donnons la formule, et la publication, qui ne peut consister que dans son insertion dans un organe officiel de publicité. Ce sont deux faits absolument distincts.

Les délais prescrits par l'article 7 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 s'appliquent à la promulgation légalement publiée; mais ni la date du décret de promulgation, ni la date de sa publication au Journal officiel ou au Bulletin des lois, ne devraient devenir, ex post facto, la date de la loi. C'est ce qui a lieu cependant. On peut dire que depuis les lois constitu

PROMULGATION, PUBLICATION, ET DATE DES LOIS

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tionnelles de 1875, toutes nos lois sont mal datées. La faute en est, comme nous venons de le dire, au décret du 6 avril 1876. La date d'une loi préexiste à sa promulgation, qui n'est jamais un acte législatif complémentaire comme la sanction des constitutions monarchiques. Il en est ainsi au cas du § 3 de l'article 7 comme dans tous les autres. Ce texte est emprunté à l'article 58 de la Constitution du 4 novembre 1848, et sous cette constitution toutes les lois ont été datées des votes législatifs, dont toutes les dates étaient insérées (celle du dernier vote législatif suffisait) dans l'acte de promulgation qui lui-même n'était pas daté. Il fallait suivre ce précédent judicieux.

Le décret-loi du 5 novembre 1870 est aussi justement critiqué en raison des inconvénients d'un double mode de publication des lois, contraire à l'article 1 du Code civil.

A l'avenir, les lois sont promulguées dans la forme suivante : « LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ONT ADOPTÉ, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI dont la teneur suit: (Texte de la loi). La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat ». (Décret du 6 avril 1876, qui règle la formule de promulgation des lois.)

Décret-loi du 5 novembre 1870. Le Gouvernement de la défense nationale, considérant qu'il importe de prévenir les difficultés que peut faire naitre le mode actuel de promulgation des lois et des décrets, et d'établir d'une manière certaine l'époque où les actes législatifs sont obligatoires, décrète Art. 1. Dorénavant la promulgation des lois et des décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française, lequel, à cet égard, remplacera le Bulletin des lois. Le Bulletin des lois continuera à être publié, et l'insertion qui y sera faite des actes non insérés au Journal officiel en opérera promulgation. - Art. 2. Les lois et les décrets seront obligatoires, à Paris, un jour franc après la promulgation, et partout ailleurs, dans l'étendue de chaque arrondissement, un jour franc après que le Journal officiel qui les contient sera parvenu au cheflieu de cet arrondissement. Le gouvernement, par une disposition spéciale, pourra ordonner l'exécution immédiate d'un décret. Art. 3. Les préfets et sous-préfets prendront les mesures nécessaires pour que les

1 Voir la démonstration approfondie de cette vérité dans nos Études de Droit public, pp. 1 à 17 : « De la formule actuelle de promulgation des «<lois, de la date des lois qui en résulte, et de leur contradiction avec <«<les lois constitutionnelles du 25 février et du 16 juillet 1875. Nous reproduisons, page 4 de ces Études, une lettre constatant que les illustres jurisconsultes J.-B. Duvergier et Valette partageaient notre avis.

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ATTRIBUTIONS GOUVERNEMENTALES DU PRÉSIDENT

actes législatifs soient imprimés et affichés partout où besoin sera. Art. 4. Les tribunaux et les autorités administratives et militaires pourront, selon les circonstances, accueillir l'exception d'ignorance alléguée par les contrevenants, si la contravention a eu lieu dans le délai de trois jours francs après la promulgation.

52. Le président de la République est investi des attributions gouvernementales propres au pouvoir exécutif. Il possède le droit de dissolution de la Chambre des députés, sur l'avis conforme du Sénat; le droit de convoquer extraordinairement les deux Chambres, de les ajourner et de clore leurs sessions; le droit de constituer le Sénat en cour de justice; le droit de commander et de disposer directement des troupes, de nommer à tous les emplois civils et militaires, de présider aux solennités nationales; d'avoir accrédités auprès de sa personne les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères (L. c. 25 février 1875, art. 3), de nommer et de révoquer en conseil des ministres les conseillers d'État en service ordinaire (id., art. 4).

Les lois constitutionnelles placent l'intervention des assemblées législatives à côté de quelques-unes des attributions les plus importantes du pouvoir exécutif. Il négocie et ratifie les traités, mais il doit en donner connaissance aux Chambres, aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent. Les traités de paix, les traités de commerce, les traités qui engagent les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux Chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi (L. c. 16 juillet 1875, art. 8). Le président de la République ne peut déclarer la guerre qu'avec l'assentiment préalable des deux Chambres (id., art. 9). Il a le droit de grâce, mais les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi (L.25 février, art. 3 § 2). Il ne faut pas considérer comme une application normale de cette disposition constitutionnelle la loi du 3 mars 1879, qui, dans un intérêt politique, avait conféré exceptionnellement au gouvernement le droit anormal et sans précédent d'accorder pendant trois mois des grâces produisant les effets de l'amnistie.

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