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LOI ORGANIQUE DU 9 DÉCEMBRE 1884

chaque commune dans sa participation aux élections sénatoriales. C'est ce qu'a fait la loi organique du 9 décembre 1884 dont les articles 1 à 7 remplacent les sept premiers articles déconstitutionnalisés de la loi constitutionnelle du 24 février 1875.

En outre cette loi organique du 9 décembre 1884, appliquant directement elle-même, d'une façon plus complète, la règle de la proportionnalité de la représentation à la population, attribue 10 sénateurs à un département, 8 à un autre, 5 sénateu s à dix départements, 4 sénateurs à douze départements, 3 sénateurs à cinquante-deux, et 2 sénateurs à dix départements. Un seul est attribué au territoire de Belfort, à chacun des trois départements de l'Algérie et à chacune des quatre colonies admises à nommer des membres du parlement.

Le Sénat se compose de 300 membres élus par les départements et les colonies. Les membres actuels, sans distinction entre les sénateurs élus par l'Assemblée nationale ou le Sénat et ceux qui sont élus par les départements et les colonies, conservent leur mandat pendant le temps pour lequel ils ont été nommés (Loi organique du 9 décembre 1884, sur l'organisation du Sénat et l'élection des sénateurs, art. 1). —Le département de la Seine élit 10 sénateurs. Le département du Nord élit 8 sénateurs. Les départements des Côtes-du-Nord, Finistère, Gironde, Ille-et-Vilaine, Loire, Loire-Inférieure, Pas-de-Calais, Rhône, Saône-et-Loire, Seine-Inférieure, élisent chacun 5 sénateurs. L'Aisne, Bouches-du-Rhône, Charente-Inférieure, Dordogne, Haute-Garonne, Isère, Maine-et-Loire, Manche, Morbihan, Puy-de Dôme, Seine-et-Oise, Somme, élisent chacun 4 sénateurs. L'Ain, Allier, Ardèche, Ardennes, Aube, Aude, Aveyron, Calvados, Charente, Cher, Corrèze, Corse, Côte-d'Or, Creuse, Doubs, Drôme, Eure, Eureet-Loir, Gard, Gers, Hérault, Indre, Indre-et-Loire, Jura, Landes, Loiret-Cher, Haute-Loire, Loiret, Lot, Lot-et-Garonne, Marne, Haute-Marne, Mayenne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Nièvre, Oise, Orne, Basses-Pyrénées, Haute-Saône, Sarthe, Savoie, Haute-Savoie, Seine-et-Marne, Deux-Sèvres, Tarn, Var, Vendée, Vienne, Haute-Vienne, Vosges, Yonne, élisent chacun 3 sénateurs. Les Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Ariège, Cantal, Lozère, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Tarn-et-Garonne, Vaucluse, élisent chacun 2 sénateurs. Le territoire de Belfort, les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guade loupe, de la Réunion, et des Indes françaises élisent chacun 1 sénateur (art. 2). Dans les départements où le nombre des sénateurs est augmenté par la présente loi, l'augmentation s'effectuera à mesure des vacances qui se produiront parmi les sénateurs inamovibles. A cet effet, il sera, dans la huitaine de la vacance, procédé en séance publique à un tirage au sort pour déterminer le département qui sera appelé à élire un

SUR L'ÉLECTION DES SÉNATEURS

57 sénateur. Cette élection aura lieu dans le délai de trois mois à partir du tirage au sort; toutefois, si la vacance survient dans les six mois qui précèdent le renouvellement triennal, il n'y sera pourvu qu'au moment de ce renouvellement. Le mandat ainsi conféré expirera en même temps que celui des autres sénateurs appartenant au même département (art. 3'. — Nul ne peut être sénateur s'il n'est Français, âgé de quarante ans au moins, et s'il ne jouit de ses droits civils et politiques. Les membres des familles qui ont régné sur la France sont inéligibles au Sénat (art. 4). Les militaires des armées de terre ou de mer ne peuvent être élus sénateurs. Sont exceptés de cette disposition 1° les maréchaux de France et les amiraux; 2o les officiers généraux maintenus sans limite d'âge dans la première section du cadre de l'état-major général et non pourvus de commandement; 3° les officiers généraux ou assimilés placés dans la deuxième section du cadre de l'état-major général; 4° les militaires des armées de terre et de mer qui appartiennent soit à la réserve de l'armée active soit à l'armée territoriale (art. 5). Les sénateurs sont élus au scrutin de liste quand il y a lieu, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie et composé : 1° des députés; 2o des conseillers généraux; 3° des conseillers d'arrondissement; 4o des délégués élus, parmi les électeurs de la commune, par chaque conseil municipal. Les conseils composés de 10 membres éliront 1 délégué; les conseils composés de 12 membres éliront 2 délégués; les conseils composés de 16 membres éliront 3 délégués; les conseils composés de 21 membres éliront 6 délégués; les conseils composés de 23 membres éliront 9 délégués; les conseils composés de 27 membres éliront 12 délégués; les conseils composés de 30 membres éliront 15 délégués; les conseils composés de 32 membres éliront 18 délégués; les conseils composés de 34 membres éliront 21 délégués; les conseils composés de 36 membres et au-dessus éliront 24 délégués; le conseil municipal de Paris élira 30 délégués. Dans l'Inde française, les membres des conseils locaux sont substitués aux conseillers d'arrondissement. Le conseil municipal de Pondichéry élira 5 délégués. Le conseil municipal de Karikal élira 3 délégués. Toutes les autres communes éliront chacune 2 délégués. Le vote a lieu au chef-lieu de chaque établissement (art. 6). — Les membres du Sénat sont élus pour neuf années. Le Sénat se renouvelle tous les trois ans, conformément à l'ordre des séries de départements et colonies actuellement existantes (art. 7). Sont abrogés: 1° les articles 1 à 7 de la loi du 24 février 1875 sur l'organisation du Sénat; 2° les articles 24 à 25 de la loi du 2 août 1875 sur les élections des sénateurs (art. 9).

43. Nous venons de voir que l'article 7 de la loi organique du 9 décembre 1884 a conservé, en l'appliquant à tous les nouveaux membres du Sénat, d'une part, la durée du mandat des sénateurs à 9 années, et d'autre part la règle du renouvellement du Sénat par tiers, suivant « l'ordre des séries de départements et << de colonies actuellement existantes ». Cette division en trois

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LOIS ORGANIQUES RELATIVES

séries, faite par le Sénat lui-même, comprend actuellement dans chaque série 100 sénateurs. L'ordre de renouvellement des séries a été désigné par la voie du sort en séance publique (procèsverbal de la séance du Sénat du 29 mars 1876).

La série B, formée des 29 départements compris par ordre alphabétique entre la Garonne (Haute-) et l'Oise inclusivement, du département de Constantine en Algérie et de la Martinique est sortie la première; la série C, formée des 28 derniers départements dans l'ordre alphabétique, de l'Orne inclusivement jusqu'à l'Yonne, du département d'Oran et des Indes françaises, est sortie la seconde; et la série A, formée des 30 premiers départements dans l'ordre alphabétique, de l'Ain au Gard inclusivement, du département d'Alger, de la Guadeloupe, et de la Réunion, est sortie la troisième.

Ainsi la règle constitutionnelle adoptée pour le Sénat est celle du renouvellement partiel; d'autre part, le Sénat, contrairement à la règle admise pour la Chambre des députés, ne peut être dissous. La loi organique du 2 août 1875 sur l'élection des sénateurs, dont les articles 1 à 5, 8, 14, 16, 19, 23 à 25 sont modifiés ou abrogés par les articles 8 et 9 de la loi organique du 9 décembre 1884, ne détermine pas seulement tout ce qui concerne l'élection des délégués des conseils municipaux ou électeurs sénatoriaux de la seconde catégorie qui vient d'être désignée, et de leurs suppléants (art. 1 à 11), l'indemnité de déplacement qu'ils peuvent réclamer (art. 17), l'obligation qui leur est imposée, sauf empêchement légitime, de prendre part à tous les scrutins (art. 18), les formes des élections sénatoriales (art. 12 à 16); cette loi contient même les dispositions relatives aux incompatibilités avec les fonctions de sénateur (art. 20) et aux inéligibilités (art. 21), ainsi qu'une disposition transitoire ajoutée à ce sujet par la loi du 9 décembre 1884. L'article de cette dernière loi, comme l'article 3 de la loi du 24 février 1875, exige des sénateurs la qualité de Français, l'âge de quarante ans au moins, et la jouissance des droits civils et politiques. Ce texte ajoute, comme l'a fait la loi constitutionnelle du 14 août 1884 (art. 2) pour la présidence de la République,

A L'ÉLECTION DU SÉNAT

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que les sénateurs ne peuvent être membres de familles ayant régné sur la France.

Depuis cette dernière loi, le Sénat, au lieu de se composer de deux éléments d'origine absolument dissemblable, est homogène, comme la Chambre des députés. L'élection de l'un et de l'autre est l'objet de lois organiques, tandis, au contraire, que la tentative de révision qui échoua en 1882 avait été faite dans un sens opposé pour mettre également dans la constitution les règles relatives à l'élection des deux Chambres. Le Sénat reste soumis à une élection à degrés multiples, bien que la même pour tous; au renouvellement partiel, au lieu du renouvellement intégral; à une condition d'éligibilité au point de vue de l'àge beaucoup plus élevée.

44. Ces trois derniers points constituent autant de différences permanentes entre la Chambre des députés et le Sénat. En ce qui concerne la Chambre des députés, les lois constitutionnelles de 1875 (art. 1 § 2 de celle du 25 février) s'étaient bornées à poser le principe fondamental qu'« elle est nommée par le suffrage universel », assurant ainsi dès le principe l'homogénéité de sa composition. Mais elle laissait à la loi électorale le soin de déter. miner les conditions de son élection, même en ce qui concerne le mode d'élection par scrutin de liste ou scrutin individuel, la durée de son mandat, les conditions de son renouvellement.

Tous ces points sont réglés par la loi organique du 30 novembre 1875 sur l'élection des députés, qui occupe une place considérable dans notre étude d'ensemble sur la législation électorale [nos 862 à 879]. Nous nous bornons à constater ici que l'article 14 de cette loi consacre la règle de l'élection des députés au scrutin individuel par arrondissement, avec fractionnement des arrondissements dont la population dépasse cent mille habitants et leur division en circonscriptions électorales. Cet article 14 fut modifié par une loi du 16 juin 1885, qui substituait le scrutin de liste par département au scrutin individuel par arrondissement. Mais sous l'influence de la campagne boulangiste que ce système favorisait et afin de lui enlever cet élément de succès, la loi du 13 février 1889 a abrogé les articles 1, 2 et 3 de celle du

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

16 juin 1885 et rétabli le principe du vote individuel écrit dans l'article 14 de la loi organique du 30 novembre 1875. Le tableau annexé à la loi du 13 février 1889 sur l'élection des députés fixe à 560 le nombre des députés élus par les départements, à 6 ceux de l'Algérie, et à 10 ceux des colonies; total 576 députés.

Aux termes de l'article 15 de la loi organique du 30 novembre 1875, « les députés sont élus pour quatre ans; la Chambre se << renouvelle intégralement », et l'âge d'éligibilité est fixé par l'article 6 à vingt-cinq ans.

La loi constitutionnelle du 23 février 1875 (art. 5) donne au président de la République le droit, indispensable dans les républiques comme dans les monarchies, de dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat, à charge de faire procéder à de nouvelles élections, dans le délai de deux mois depuis la loi constitutionnelle du 14 août 1884 (art. 1°r). L'exercice de ce droit de dissolution est subordonné à l'avis conforme du Sénat, doté de cette importante prérogative.

45. Une règle capitale, commune aux deux chambres organisées par les lois constitutionnelles de 1875, est qu'elles ne sont pas permanentes; qu'elles ne peuvent siéger qu'ensemble et en session d'une durée minima de cinq mois chaque année; qu'elles sont soumises aux mêmes règles pour leur réunion, leur convocation, leur ajournement et leur clôture par le président de la République (L. c. 16 juillet, art. 1, 2 et 4), sauf les réserves. de l'article 4.

Nous avons vu que les deux chambres ont les mêmes attributions législatives et les mêmes attributions constituantes éventuelles pour former ensemble l'assemblée nationale de révision. Elles forment également l'assemblée nationale chargée de procéder à l'élection du président de la République. Nous avons déjà fait remarquer l'avantage qui, au cas de réunion des deux assemblées en une seule, résulte, pour la Chambre des députés, du nombre plus considérable de ses membres qui en forment près des deux tiers; il n'est pas compensé par les honneurs de la présidence dévolue au Sénat.

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