Page images
PDF
EPUB

436

LES 240 BOURGS MUNICIPAUX ET

nombreuses lois qui s'y rattachaient. Comme son titre l'indique, cette loi nouvelle constitue surtout une œuvre de codification. Elle est divisée en treize parties et compte 260 articles, suivis de neuf cédules ou annexes. Mais elle n'apporte à la législation antérieure, relative à l'administration des villes et bourgs, que des amendements d'une importance secondaire. Cette loi ne s'étend ni à l'Écosse ni à l'Irlande, qui restent sous l'empire de leurs anciennes lois. Elle ne s'applique qu'à l'Angleterre proprement dite et au pays de Galles, et, même dans ces parties de la Grande-Bretagne, la loi de 1882 laisse en dehors de sa sphère d'application toute la population rurale des comtés. Elle maintient ainsi la distinction profonde ci-dessus signalée, dans la législation locale de la Grande-Bretagne, entre les institutions. municipales des bourgs, et celles des paroisses dont nous parlerons aux numéros suivants.

Les bourgs anglais ont un maire, un conseil municipal, et des aldermen dont le nombre varie de 4 à 16, élus par le conseil municipal et dans son sein pour 6 ans, et renouvelables par moitié tous les 3 ans. C'est parmi eux 'que le maire est éga- ̈ lement élu par le conseil municipal, pour une année seulement.

Le pouvoir exécutif, dans le bourg municipal anglais, n'appartient ni au maire, ni aux aldermen. Sans doute le maire est le président du conseil, et du collège électoral; il est magistrat de paix pendant l'année de sa charge et l'année suivante. Néanmoins il est plutôt le représentant honorifique que l'administrateur du bourg, et par là il diffère beaucoup du maire français que nous avons vu investi de si vastes et si importantes attributions. Les aldermen n'ont pas non plus les attributions d'un comité exécutif. Ce sont eux cependant qui ont le droit de nomination, non à tous, mais à quelques-uns des emplois municipaux, notamment aux principaux emplois de police et de justice, bien que les aldermen ne soient pas chargés de la police.

L'action administrative dans le bourg anglais appartient en réalité au conseil municipal lui-même. Malgré l'existence du maire et des aldermen, il réunit la délibération et l'action, exercée par ses commissions ou comités. C'est ainsi que la « commis

PARLEMENTAIRES DE LA GRANDE-BRETAGNE

437

sion de police » exerce les attributions de police du maire français et fait les règlements. Ils ne sont pas soumis, comme en France, au droit de contrôle du gouvernement; mais celui-ci peut les déférer à la haute cour de Londres.

La personnalité civile des bourgs anglais est générale et bien déterminée. Ils ont des biens qu'ils peuvent, comme la commune française, louer, vendre, échanger, hypothéquer; et l'accomplissement de ces divers actes, comme de ceux d'acquisition, constitue l'une des principales attributions des conseils municipaux des bourgs. Ces conseils, même en ce qui concerne ces actes de gestion et d'aliénation du domaine communal, ne sont pas indépendants du pouvoir central; son autorisation est exigée pour les plus graves de ces actes, tels que la vente et l'hypothèque des biens du bourg. Nous trouvons ainsi l'autorisation administrative en matière communale, dans la législation des bourgs anglais.

Il y a aussi quelque chose d'analogue à ce que nous avons appelé les délibérations entièrement subordonnées de nos conseils municipaux, car la haute cour de Londres peut ordonner au conseil municipal d'accomplir certains actes. Elle est chargée aussi, comme l'administration supérieure en France, en exécution de la loi, d'empêcher les abus de pouvoir des conseils municipaux. Leurs attributions ont du reste été quelque peu réduites par la création des commissions locales, dont nous avons déjà parlé au point de vue des comtés [n° 253, comme le bureau sanitaire et le comité scolaire.

Ainsi, malgré de grandes différences, il y a de nombreux points de rapprochement entre l'administration des bourgs anglais et la commune de France. Mais la différence capitale entre les deux législations consiste en ce que nous avons 36,170 communes, et qu'il y a moins de 300 bourgs municipaux et parlementaires dans la Grande-Bretagne.

367. Dans la paroisse anglaise, c'est-à-dire dans le système appliqué à toutes les autres parties du territoire de la GrandeBretagne, avant la loi du 5 mars 1894 à laquelle nous consacre

438

PAROISSES ANGLAISES; VESTRY;

rons le numéro suivant, il n'y avait, en réalité, ni conseil municipal, ni maire, ni aldermen, ni la commune elle-même et ce qui la constitue en France et dans toute l'Europe continentale. Comme aux États-Unis, bien que dans des conditions différentes et beaucoup moins simples, il s'agit encore d'institutions locales non comparables, au point de vue municipal, à celles de la France et du reste de l'Europe. On n'y voit ni cette circonscription administrative, bien fixe, bien déterminée, à laquelle, chez nous, aboutissent tous les services locaux; ni cette unité administrative fortement constituée et que l'on a pu appeler en France la base de l'édifice social; ni cette antique personnalité civile de la commune qui a traversé les siècles et en a fait la plus riche de France avec l'État; ni son domaine; ni son budget. Sans doute il y a de très fortes recettes et dépenses locales, mais réparties entre les mains de multiples commissions locales qui ne correspondent ni à la paroisse, ni à son assemblée, le vestry, de plus en plus réduite dans ses attributions et dans son importance comme l'administration du comté [no 253]. La personnalité civile de la paroisse anglaise est certaine; elle possède son église et perçoit des taxes; mais cette personnalité est restreinte comme son objet même et sa mission. Il y a aussi les paroisses civiles à côté des paroisses ecclésiastiques très puissantes dans le passé, un long et brillant passé, maintenant évanoui.

Les paroisses anglaises sont des circonscriptions à la fois ecclésiastiques et administratives, entre lesquelles sont réparties (depuis l'acte de 1857 qui a rattaché aux paroisses voisines les localités extraparoissiales), toutes les parties des territoires des comtés où il n'y a pas de bourgs municipaux. Nous venons de dire que dans la paroisse anglaise il y a le vestry ou assemblée générale des contribuables inscrits à la taxe des pauvres, qui nomme directement, comme les électeurs du township des États-Unis, les fonctionnaires de la paroisse. Chacun d'eux accomplit sa fonction séparée, pour l'administration de l'église, du cimetière, des routes, des pauvres; ils ne se réunissent pas en conseil; et chacun d'eux ne relève que du vestry. Les vestrymen délibèrent, mais on est arrivé, indirectement et par la force

UNIONS; TAXE DES PAUVRES; WORKHOUSE

439

des choses, à appliquer par fraction le régime représentatif aux affaires locales, par la création de nombreuses commissions locales, bureaux ou comités, entre lesquels se divisent certaines attributions de nos conseils municipaux et d'autres qui appartiennent en France à l'administration centrale. Il y a le comité sanitaire, le comité routier, les comités scolaires, ceux des aliénés, etc. Les uns et les autres correspondent à des circonscriptions territoriales autres que la paroisse, ce qui contribue à faire de cette partie de l'administration locale de l'Angleterre une sorte de chaos. C'est aussi ce qui explique comment le gouvernement de la Grande-Bretagne a pu mettre la main, ainsi que nous le dirons dans un instant, sur une partie de l'administration locale.

Une des institutions ayant le plus contribué à réduire la paroisse anglaise au domaine restreint des affaires religieuses est la création de l'un des nombreux comités dont nous venons de signaler l'existence, le « bureau des gardiens ou tuteurs des pauvres », et d'une institution que nous avons eu déjà l'occasion de nommer [no 359] les unions de paroisses. L'union de paroisses est surtout une paroisse agrandie, comprenant de 30,000 à 40,000 habitants, moins grande que notre arrondissement, mais plus grande que notre canton. Elle est constituée pour la perception de la taxe des pauvres et la construction et l'entretien de la workhouse, deux institutions heureusement inconnues en France, issues de l'assistance publique obligatoire, contraire aux lois naturelles de la liberté de l'homme et de sa responsabilité. La Workkouse est la maison de travail et de refuge, tenant à la fois de l'hospice, de l'atelier, et de la prison. C'est là qu'est donnée l'assistance dite intérieure, subordonnée à un travail et à une règle disciplinaire. Elle est un moyen de diminuer les inscriptions innombrables à la taxe des pauvres, révélées par les enquêtes parlementaires. L'assistance extérieure, en dehors de ces maisons, n'est accordée qu'à titre exceptionnel et n'est jamais un droit.

C'est en 1834 qu'ont été créées les unions, et que la direction de l'assistance publique a été enlevée au vestry. Mais quelle que soit la grande place occupée dans la législation financière de

440

BUREAU DU GOUVERNEMENT LOCAL

l'Angleterre par la taxe des pauvres, et l'extrême influence qu'elle a exercée sur le mode de répartition des taxes locales, il n'y a pas concentration des services locaux entre les mains des bureaux des gardiens ou tuteurs des pauvres, qui sont les représentants élus des unions de paroisses. Même en ce qui concerne directement la taxe des pauvres et l'administration de la workhouse, leurs attributions ont été réduites au profit du bureau du gouvernement local par l'acte de 1871 sur le bureau du gouvernement local; il a fait disparaître le Gilbert act de Georges III, de 1782, qui avait institué les tuteurs des pauvres.

C'est par l'extension successive des pouvoirs du bureau du gouvernement local, que s'est produite l'intervention déjà signalée du pouvoir central dans l'administration des intérêts locaux. Il a été réorganisé par la loi du 15 août 1871. Le président du conseil, le garde du Sceau privé, et les cinq principaux secrétaires d'État, en sont membres de droit. Le président du bureau du gouvernement local fait partie du ministère britannique. Or, c'est sous la direction de ce bureau qu'ont été successivement placés, non seulement le service de l'assistance publique et de la taxe des pauvres, mais aussi les services de l'état civil, de la vaccination, de la salubrité, de l'hygiène, de la voirie, etc.

Ce qui forme en France l'administration municipale se trouve, dans la Grande-Bretagne, réparti entre le bureau du gouvernement local, les bureaux des gardiens des pauvres qui en relèvent, le ministère de l'intérieur, qui possède ce que nous appelons la police municipale, les commissions locales, le vestry, les vestrymen, et l'administration du comté.

368. La loi anglaise du 5 mars 1894, pour régler à nouveau le gouvernement local en Angleterre et dans le pays de Galles, est aussi désignée, soit sous le nom de Local government act 1894, soit sous celui d'acte sur les conseils de paroisse (Parish concils uct). Elle comprend 89 articles divisés en cinq parties et suivis

↑ Annuaire de législation étrangère de 1894, publié par la Société de législation comparée, pages 31 à 150. Voir aussi sur cette loi Bulletin de la Société de législation comparée, mars 1895, pp. 221 à 292.

[ocr errors]
« PreviousContinue »