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INSTITUTIONS COMMUNALES ÉTRANGÈRES

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§ VII. INSTITUTIONS COMMUNALES ÉTRANGÈRES

364. Division en quatre groupes, au point de vue de leurs institutions communales, des divers États de l'Europe et les États-Unis d'Amé

rique.

365. 1er groupe; Etats-Unis : le township américain.

366. 2 groupe; Grande-Bretagne; bourgs municipaux et parlementaires. 367. Paroisses et administration locale.

368. Lois sur les conseils de paroisse et de district du 5 mars 1894 pour. l'Angleterre et le pays de Galles, et du 25 août 1894 pour l'Ecosse. 369. 3 groupe; États de l'Europe continentale ayant des communes avec assemblées administratives générales d'habitants ou d'électeurs. 370. Russie.

379 bis. Finlande. 371. Suède.

372. Empire allemand.

373. Alsace-Lorraine.

374. Suisse.

375. Serbie.

376. Monténégro.

377. 4e groupe; États de l'Europe continentale dont toutes les communes ont des conseils municipaux sans assemblées d'habitants. 378. Belgique.

379. Hollande et grand-duché de Luxembourg séparés depuis 1890. 380. Danemarck.

381. Norvège.

382. Autriche-Hongrie.

383. Grèce.

384. Roumanie.

384 bis. Bulgarie.

385. Italie.

386. Espagne.

387. Portugal.

388. Conclusions au point de vue du régime municipal de la France.

364. Comme pour les institutions provinciales étrangères [nos 236 à 254], nous ne pouvons, même en nous bornant à l'Europe et aux États-Unis d'Amérique, que présenter un résumé des institutions communales des pays étrangers. Cependant nous serons obligés, pour les faire comprendre, de donner des explications plus étendues, surtout sur celles qui s'éloignent le plus complètement, en totalité ou en partie, du système français.

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DIVISION EN 4 GROUPES DES ÉTATS ÉTRANGERS

Contrairement à l'ordre d'exposition que nous avons suivi à l'occasion des institutions provinciales, nous commencerons cette étude des communes étrangères par les institutions les plus éloignées de la conception française du régime municipal. Même dans ce chapitre de législation comparée, c'est notre droit national que nous avons pour but principal de faire mieux apprécier, au point de vue de ses mérites et de ses défauts.

Les divers États de l'Europe continentale possèdent tous, sous des formes diverses, l'institution de la commune. Malgré la variété des règles, une division capitale se produit entre ces États. Les uns, soit dans toutes leurs communes, soit dans un grand nombre, n'ont pas de conseil municipal, et, au lieu du régime représentatif appliqué à l'administration des intérêts communaux, les font gérer par l'assemblée générale des habitants, comme en France, avant la Révolution, dans les communautés d'habitants. Les autres États de l'Europe continentale ont, au contraire, comme toute la France depuis 1789, des conseils municipaux dans toutes leurs communes.

C'est en nous plaçant à ces divers points de vue, et sauf à conclure en terminant au point de vue français, que nous allons diviser les États en quatre groupes: 1° les États-Unis d'Amérique; 2o la Grande-Bretagne; 3° les États de l'Europe continentale qui n'ont pas, ou n'ont pas dans toutes les communes, de représentation communale; et 4° les États de l'Europe continentale dont toutes les communes possèdent des institutions municipales représentatives.

Pour désigner ces quatre groupes d'un seul mot résumant chacun des systèmes, nous pouvons dire que nous examinerons successivement, en allant du point le plus éloigné du système français à celui qui s'en rapproche le plus: 1° le township américain, 2o la paroisse anglaise avant et depuis 1894, sans oublier les bourgs anglais, 3° l'assemblée générale des habitants, et 4o le conseil municipal, dans les divers États de l'Europe continentale.

365. - 1er groupe. - Etats-Unis d'Amérique. Les deux écrivains français qui ont le mieux connu la grande république américaine, et en ont le mieux parlé, l'auteur de la Dé

1er GROUPE; ÉTATS-UNIS

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mocratie en Amérique, et l'auteur de l'Histoire politique des EtatsUnis, M. de Tocqueville et M. de Laboulaye, ne sont pas d'accord sur le sens du mot américain township. M. de Tocqueville fait du township la commune d'Amérique. M. Laboulaye dit au contraire que cette traduction n'est pas exacte. « Le township, dit-il, est << une division territoriale comme le canton et peut contenir << plusieurs communes. Dans la Nouvelle-Angleterre il comprend << en général de 5 à 6 milles carrés et de 2,000 à 3,000 habitants ». Quoi qu'il en soit, chaque État de l'Union américaine est luimême composé intérieurement d'un certain nombre de petits états fédérés, indépendants les uns des autres, qui constituent comme autant de petites républiques, et qui portent ce nom de town ou township.

Il résulte de cette organisation que l'administration locale du township, dans lequel on a vu généralement chez nous, d'après de Tocqueville, ce qui correspond à notre commune dans ce pays, est doté d'une indépendance presque entière.

Le township peut vendre, acheter, intenter une action en jus→ tice ou y défendre, s'imposer même, avec une entière liberté. Mais du moment qu'il s'agit de services généraux, le township est soumis aux lois de l'État. Celui-ci peut lui imposer des contributions, ordonner l'ouverture de routes, créer des écoles. Il peut seul faire des règlements de police par voie législative.

Deux autres conséquences au point de vue de l'administration locale de cette institution du township propre à l'Amérique, et qui en fait autant de petits états souverains dont la fédération constitue chacun des États de l'Union, sont des plus remarquables. Elles créent comme un abime entre les institutions locales de la grande république américaine et celles du continent curopéen. C'est, d'une part, l'extrême division des fonctions actives du township, et, d'autre part, l'absence même d'un conseil correspondant à nos conseils municipaux de l'Europe continentale.

Le corps électoral se borne à élire chaque année, et pour l'année seulement, des select-men et des officiers municipaux fort nombreux, 19 ou 20, qui ont chacun une fonction déterminée à remplir. Les uns, élus assesseurs, sont chargés d'établir l'impôt;

T. I.

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LE TOWNSHIP AMÉRICAIN

d'autres, élus collecteurs, sont chargés de le lever; un autre, élu constable, est chargé de la police; les autres sont élus, greffier du township, son caissier, surveillant des pauvres, inspecteurs des routes, commissaires des écoles, commissaires des paroisses, inspecteurs aux incendies, aux récoltes, aux clôtures, aux poids et mesures, etc. C'est la division des fonctions du township poussée à son extrême limite, tandis que la loi française concentre l'action administrative dans l'unique main du maire, qui nomme et dirige seul les agents de la commune.

Chacun de ces fonctionnaires du township américain une fois élu ne relève plus que de la loi. S'il est nécessaire d'accomplir un acte non compris dans les délégations légales faites à ces fonctionnaires, il faut recourir au corps électoral, qui n'a délégué l'ensemble de son pouvoir à aucun conseil chargé de le représenter, et qui reste souverain tout puissant dans le township. Les select-men, investis d'une simple mission d'exécution des lois, ont seulement alors pour mission de le convoquer et de le présider. Seul, il peut tout dans l'ordre de ses intérêts matériels exclusifs. Il n'y a pas plus à comparer l'organisation du township avec les administrations collectives de notre organisation administrative de 1790 et de l'an III, qu'avec nos administrations municipales du XIXe siècle. Le township des États-Unis présente l'extrême division du travail d'administration de l'autorité locale, entre les select-men et les officiers municipaux élus directement chaque année aux mois d'avril et de mai, ne formant point entre eux un conseil délibérant, mais relevant directement, chacun dans l'exercice de leurs fonctions déterminées et appointées, de la loi et du suffrage populaire seul nanti du pouvoir de régler ce qui ne l'est pas par la loi. Aussi dans ce pays n'y at-il pas d'autorité investie du droit de faire des règlements. Cette sorte d'actes de l'administration française, qui occupe une si grande place dans nos institutions administratives, n'existe pas aux États-Unis. La législature de chaque État règle elle-même, par voie législative, les mesures d'intérêt local et municipal. Il en est ainsi même pour les villes ou villages qui, ayant reçu des chartes ou constitutions par une loi, ne peuvent obtenir leur

GROUPE; GRANDE-BRETAGNE

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modification que par une autre loi, même celles constituées en corporation avec conseil de municipalité. Sous ces divers rapports, les lois d'intérêt local sont infiniment plus nombreuses dans la République américaine que dans la République française. Ainsi, dans ce pays où l'élection est la source de tout pouvoir, il n'y a pas d'assemblée locale délibérante dans le township; il n'y a ni maire, ni comité exécutif, bureau ou directoire; pas d'autorité réglementaire; pas la moindre immixtion des fonctionnaires du township dans le domaine des intérêts généraux. Ce système, si profondément dissemblable à tous les points de vue du système français, est demeuré bien autrement simple que celui de l'administration des paroisses anglaises; mais on reconnaîtra sans peine les liens de filiation qui existent entre le système américain et le système anglais.

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Le pays qui possède la puissante Chambre des communes ne compte que 240 bourgs municipaux et parlementaires, de même que la France possédait moins de 300 communes avant 1789 (nous ne parlons que des institutions municipales). Ces bourgs anglais, soit anciens, soit de création récente par chartes de la reine, se prêtent facilement à une comparaison avec nos institutions municipales. Mais il en était autrement, avant 1894, pour tout le reste du territoire de la Grande-Bretagne, c'est-à-dire toutes les campagnes et 360 villes environ sur 600, soumises au régime des paroisses et à toutes les complications que son insuffisance y a fait successivement apporter.

L'administration des bourgs était principalement régie, jusqu'en 1882, par l'acte des cinquième et sixième années du règne de Guillaume IV, chapitre 76, Municipal Corporations Act, de 1835. Une loi du 18 août 1882 codifiant et amendant les actes relatifs aux corporations municipales en Angleterre et dans le pays de Galles a prononcé l'abrogation de l'acte de 1835 et des

1 Annuaire de législation étrangère, publié par la Société de législation comparée, 1882, pages 103 à 243. L'article 1er donne de cet acte le titre abrégé suivant : « Acte de 1882 sur les corporations municipales (Municipal corporations Act) ».

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