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SYNDICATS DE COMMUNES

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spéciale nommée à cet effet et composée de trois membres nommés au scrutin secret. Les préfets et les sous-préfets des départements et arrondissements comprenant les communes intéressées pourront toujours assister à ces conférences. Les décisions qui y seront prises ne seront exécutoires qu'après avoir été ratifiées par tous les conseils municipaux intéressés et sous les réserves énoncées au chapitre 3 du titre IV de la présente loi (art. 117).- Si des questions autres que celles que prévoit l'article 116 étaient mises en discussion, le préfet du département où la conférence a lieu déclarerait la réunion dissoute. Toute délibération prise après cette déclaration donnerait lieu à l'application des dispositions et pénalités énoncées à l'article 34 de la loi du 10 août 1871 (art. 118).

359. La loi du 22 mars 1890 est venuc ajouter à celle du 5 avril 1884 un titre VIII, composé de onze articles (art. 169 à 180), et intitulé des syndicats de communes. Il s'agit d'associations de communes appartenant, sóit au même département, soit à des départements limitrophes, et qui, en conséquence « des délibérations concordantes » de leurs conseils municipaux, en vue d'une oeuvre d'utilité intercommunale, sont créées par décrets rendus en conseil d'État. Elles sont investies de la personnalité civile à titre d'établissements publics. Cette institution n'est pas l'importation des unions de paroisses de l'Angleterre, constituées surtout pour la perception de la taxe des pauvres et l'entretien de la workhouse, heureusement inconnues en France l'une et l'autre. Ce n'est pas non plus le triomphe des tentatives nombreuses faites, depuis la suppression des administrations municipales de canton de la Constitution de l'an III, pour faire du canton, soit une unité administrative intermédiaire entre le département et la commune, soit une personne civile, alors que l'arrondissement lui-même ne possède ni l'un ni l'autre de ces deux caractères [nos 225 et 226].

Cette création d'une personne civile nouvelle dans les syndicats de communes a été provoquée avec une ardeur et accueillie avec un enthousiasme qui, malgré les services que l'institution peut rendre dans certains cas, nous ont paru excessifs 1. Il manque à l'institution nouvelle l'adhésion des communes elles-mêmes, si l'on en juge par le peu d'empressement (dix syndicats seulement

1 Nos Etudes sur la loi municipale du 5 avril 1884, pp. 84 et 101.

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GROUPEMENTS DIVERS DE COMMUNES

formés dans toute la France') qu'elles ont mis à faire usage de ce droit d'association, pendant les six premières années d'application de cette loi du 22 mars 1890 2.

Une observation peut contribuer, indépendamment des dispositions défavorables des populations, à expliquer le peu de succès des syndicats de communes. En dehors des dispositions de la loi municipale, il existe de nombreuses dispositions de lois spéciales, quelques-unes anciennes, qui admettent divers groupements de communes et satis font les intérêts intercommunaux, sans qu'il soit besoin de recourir à l'institution nouvelle.

La loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux (art. 6) a créé depuis longtemps, entre les communes, une association sui generis d'un genre approprié à ce service.

Les lois sur l'enseignement primaire, en attendant que chaque commune puisse avoir ses écoles, ont pourvu, non seulement aux moyens d'assurer aux enfants l'entrée des écoles d'une commune voisine, mais aussi à des associations de communes, au

↑ Nous devons à l'obligeance de M. Mastier, conseiller d'État, directeur des affaires départementales et communales au ministère de l'intérieur, la note suivante en date du 13 octobre 1896:

a

Syndicats de communes formés depuis la loi du 22 mars 1890:

« En 1892, 3 (Seine, Jura, Bouches-du-Rhône);

«En 1893, 1 (Seine-et-Oise);

a En 1894, 2 (Vaucluse, Vosges); «En 1895, 2 (Jura, Haute-Saône);

« En 1896. 2 (Doubs, Meuse). »

La première application ci-dessus visée a été faite par un décret du 26 mars 1892, constituant un syndicat entre les communes de Pantin, Bagnolet, les Lilas et le Pré-Saint-Gervais (Seine), en vue de la création d'un hospice intercommunal destiné à recevoir les vieillards indigents. Anterieurement à la loi du 22 mars 1890, un hospice intercommunal avait été créé en vertu d'un décret du 13 août 1887, à Fontenay-sous-Bois (Seine), par les communes de Fontenay-sous-Bois, Montreuil et Vincennes. « Cet hospice, porte l'article 4 de ce décret, sera administré selon les règles qui régissent les établissements de cette nature sous la réserve de la disposition suivante »; et l'article porte que la commission administrative de l'hospice créé en exécution de l'article 1er du présent décret se composera de dix membres: 1° du maire de Fontenay-sous-Bois, président: 2° d'un délégué de chacun des conseils municipaux des 3 communes; 3° de six membres nommés par le préfet de la Seine. Ces membres seront nommés pour 3 ans et pourront être renommés à l'expiration de leurs fonctions ». Ce décret du 13 août 1887 intervenait, ainsi que cela résulte de son texte et de sa date, sous l'empire de la loi du 5 avril 1884, avant l'adjonction qui lui a été faite par la loi du 22 mars 1890.

AUTORISÉS PAR DES LOIS SPÉCIALES

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point de vue scolaire. Les unions de communes « pour l'établissement et l'entretien d'une école » font l'objet de l'article 11 de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire [no 339]. Nous avons vu qu'il en était de même entre départements pour les écoles normales d'instituteurs communaux depuis la loi du 28 juin 1833, pour les écoles normales d'institutrices communales depuis la loi du 19 juillet 1889, et pour les inspectrices des écoles maternelles en vertu de la loi du 8 août 1885 [nos 190 et 196].

Les lois relatives aux cultes ont fait de même. Les communes peuvent construire et entretenir à frais communs des églises intercommunales. Mais elles ne sont tenues de participer à la dépense que lorsque l'église est construite sur l'emplacement fixé par la délibération de leurs conseils municipaux respectifs (C. d'Ét. 5 janvier 1894, commune de Nochize). En un mot, toute réunion régulière de deux communes en une seule paroisse constitue une association de communes, absolument indépendante de la loi relative aux syndicats de communes.

La loi du 7 août 1851 sur les hospices et hôpitaux, dans ses articles 3, 4 et 5§ 2, relatifs aux malades et incurables indigents de communes qui n'ont pas d'établissements hospitaliers, organise aussi une sorte d'association particulière d'assistance publique entre les communes.

Ainsi il ne serait pas exact de dire qu'avant la loi du 22 mars 1890 le législateur français a négligé de pourvoir à ces graves intérêts intercommunaux. Il ne faut pas oublier non plus la facilité avec laquelle sont créés en France, soit les bureaux de bienfaisance ou d'assistance communaux, soit des établissements d'utilité publique dont la sphère d'action n'est pas limitée au territoire d'une seule commune. Toutes ces circonstances expliquent aussi que les communes, au moins jusqu'à ce jour, n'aient pas eu d'avantage recours à l'institution des syndicats de communes. C'est surtout pour des objets d'enseignement, d'assistance, de voirie, que l'innovation était réclamée, et il se trouve qu'il y était pourvu par des lois spéciales faciles à développer selon l'exigence des temps.

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TENTATIVE DE SYNDICATS OBLIGATOIRES EN 1883

Du reste, depuis la loi de 1890 sur les syndicats de communes, le législateur a continué, comme avant cette loi, a pourvoir à ces besoins intercommunaux dans les lois spéciales qui l'honorent le plus. La loi du 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite (art. 3) en est la preuve [nos 191 et 192].

Les communes peuvent d'ailleurs recourir à l'institution des syndicats pour la création et l'entretien d'écoles primaires supérieures, d'enseignement professionnel, industriel ou agricole, de musées, de bibliothèques, etc.

360. Lors de la discussion de la loi municipale, le texte des articles 116 à 121, votés par la Chambre des députés en 1883, admettait ces associations de communes, à titre obligatoire, sur la demande d'une seule d'entre elles. Nous avons approuvé le Sénat d'avoir rejeté ces dispositions. La loi du 22 mars 1890 s'est montrée plus respectueuse des franchises communales, avec la supériorité d'une réglementation mieux étudiée et plus complète, bien que l'on y rencontre les expressions, défectueuse de « décret simple », et fausse [nos 333 à 335] de « tutelle administrative ».

L'association des communes n'est jamais que facultative pour toutes les communes qui en font partie. Les objets pour lesquels le syndicat de communes est formé, sont déterminés par le décret de constitution. De nouvelles communes peuvent y entrer avec le consentement des autres et l'approbation des délibérations conformes de leurs conseils municipaux par un décret, pour lequel l'intervention du conseil d'État n'est pas nécessaire. Le syndicat a un budget, dont l'élément essentiel est la contribution obligatoire des communes syndiquées. Cette contribution est déterminée par les nécessités du fonctionnement du service de l'association, tel qu'il a été fixé par les délibérations mêmes des conseils municipaux et organisé par le comité intercommunal. Il n'y a ni taxes ni impositions intercommunales ou cantonales. Le syndicat ne peut lever aucun impôt sur les contribuables,

1 Nos Etudes sur la loi municipale, pp. 166 et suivantes.

SYNDICATS FACULTATIFS; CINQ DÉCRETS

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parce qu'il n'est pas, comme la commune, le département ou l'État, l'une des formes de la puissance publique. Le conseil du syndicat, dans les communes associées, n'est que le conseil d'administration d'une association érigée par la loi en établissement public distinct.

361. Les nouveaux articles 169 à 180, ajoutés à la loi du 5 avril 1884, par celle du 12 mars 1890, font intervenir le pouvoir exécutif dans cinq circonstances particulières, pour la constitution, l'extension ou la dissolution des syndicats de communes. Dans ces cas divers, le décret à intervenir du président de la République est soumis à des règles très variables, suivant la gravité de la mesure qui exige son intervention.

1o Le premier décret nécessaire est celui d'institution, autorisant la création du syndicat; il doit être « rendu en conseil d'État, art. 169 § 1)».

2o Au cas d'admission dans le syndicat de nouvelles communes qui le demandent et qui obtiennent l'adhésion des communes syndiquées, les délibérations des conseils municipaux doivent, porte l'article 169 § 2, « être approuvées par décret simple ».

3° L'extension des attributions du syndicat, votée par tous les conseils municipaux, « doit être autorisée par décret rendu << dans les mêmes formes que le décret d'institution (art. 178) ». 4o La dissolution forcée du syndicat peut être prononcée, dispose l'article 179, « par décret sur la demande motivée de la << majorité des conseils municipaux intéressés ».

5 S'il n'y a lieu ni à dissolution volontaire par l'adhésion des conseils municipaux de toutes les communes syndiquées, ni à la dissolution forcée dont nous venons de parler, la dissolution du syndicat, en l'absence de l'adhésion de la majorité des conseils municipaux, et même d'aucun d'eux, peut être prononcée « d'office par un décret rendu sur l'avis conforme du conseil d'État (art. 179 in fine) ».

Dans ces deux cas, le décret de dissolution fixe, sous la réserve des droits des tiers, les conditions de la liquidation du syndicat.

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