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DÉLÉGATION SPÉCIALE MUNICIPALE

l'effet du droit de suspension. Il n'est même admis qu'en cas d'urgence, à titre provisoire, et sous la condition qu'il soit exercé par arrêté motivé, et que le préfet en rende immédiatement compte au ministre de l'intérieur. Dans ces conditions, l'exercice du droit de suspension n'est plus qu'une mesure préalable à l'usage du droit de dissolution. Nulle suppléance du conseil n'est admise pendant le mois de suspension. C'est du reste accessoirement au droit de dissolution que l'article 43 [no 353 de la loi de 1884, dans son § 2, maintient, en le limitant dans ces limites étroites, le droit de suspension des conseils municipaux.

353. Six conditions sont imposées à l'exercice du droit de dissoudre un conseil municipal: 1° il doit être exercé par décret ; 2° un décret distinct est nécessaire pour chaque conseil municipal dissous; 3° il doit être rendu en conseil des ministres ; 4° motivé; 5° publié au Journal officiel; et 6° il doit être procédé à la réélection du conseil municipal dans les deux mois à dater de la dissolution.

Un conseil municipal ne peut être dissous que par décret motivé du président de la République, rendu en conseil des ministres, et publié au Journal officiel, et, dans les colonies régies par la présente loi, par arrêté du gouverneur en conseil privé, inséré au Journal officiel de la colonie. S'il y a urgence, il peut être provisoirement suspendu par arrêté motivé du préfet, qui doit en rendre compte immédiatement au ministre de l'intérieur. La durée de la suspension ne peut excéder un mois. Dans les colonies ci-dessus spécifiées, le conseil municipal peut être suspendu par arrêté motivé du gouverneur. La durée de la suspension ne peut exceder un mois. Le gouverneur rend compte immédiatement de sa décision au ministre de la marine et des colonies (L. 5 avril 1884, art. 43).- Toutes les fois que le conseil municipal a été dissous, ou que, par application de l'article précédent, une délégation spéciale a été nommée, il est procédé à la réélection du conseil municipal dans les deux mois, à dater de la dissolution ou de la dernière démission. Les fonctions de la délégation spéciale expirent de plein droit dès que le conseil municipal est reconstitué (art. 45).

354. La nouvelle loi municipale complète ces importantes mesures de décentralisation administrative, en limitant avec sa durée, le nombre et les pouvoirs de la délégation spéciale, nommée par décret, pour accomplir, aux lieu et place du conseil municipal, les seuls « actes de pure administration conservatoire et

SANCTIONS DE DROIT COMMUN

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urgente ». La même mesure, profondément dissemblable de l'institution des anciennes commissions municipales, est prise, en outre, dans les mêmes conditions en cas de démission de tous les membres d'un conseil municipal, et aussi lorsqu'aucun conseil ne peut être constitué.

En cas de dissolution d'un conseil municipal ou de démission de tous ses membres en exercice, et lorsqu'aucun conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions. Dans les huit jours qui suivent la dissolution ou l'acceptation de la démission, cette délégation spéciale est nommée par décret du président de la République, et, dans les colonies, par arrêté du gouverneur. Le nombre des membres qui la composent est fixé à trois dans les communes où la population ne dépasse pas 35,000 habitants. Ce nombre peut être porté jusqu'à sept dans les villes d'une population supérieure. Le décret ou l'arrêté qui l'institue en nomme le président, et, au besoin, le vice-président. Les pouvoirs de cette délégation spéciale sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente. En aucun cas, il ne lui est permis d'engager les finances municipales au delà des ressources disponibles de l'exercice courant. Elle ne peut ni préparer le budget communal, ni recevoir les comptes du maire ou du receveur, ni modifier le personnel ou le régime de l'enseignement public (L. 5 avril 1884, art. 44).

355. Aux mesures spéciales dont nous venons de parler, le droit commun ajoute d'autres sanctions. Telle est, d'une part, l'application du recours pour excès de pouvoir contre les délibérations des conseils municipaux, et, d autre part, la responsabilité personnelle, en vertu de l'article 1382 du Code civil, des membres des conseils municipaux en raison de leurs actes et de leurs paroles dans les délibérations du conseil.

L'immunité, constitutive de l'inviolabilité des membres du parlement, proclamée en 1789, et actuellement assurée : 1o par l'article 13 de la loi constitutionnelle du, 16 juillet 1875 [n° 38], et 2o par la loi sur la liberté de la presse du 28 juillet 1881, dont l'article 41 § 1 reproduit l'article 21 de la loi du 17 mai 1819, ne s'applique qu'« aux discours tenus dans le sein de l'une des deux << Chambres, ainsi qu'aux rapports ou toutes autres pièces impri<<mées par ordre de l'une des deux Chambres ». Ces dispositions ne peuvent être étendues, au delà de leurs termes, aux membres des conseils administratifs élus, conseils généraux, d'arrondissements et communaux (c. ch. crim. 22 janvier 1863).

T. I.

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DES BIENS ET DROITS INDIVIS

La jurisprudence est depuis longtemps fixée dans le sens de la compétence judiciaire pour connaître des actions, correctionnelles ou civiles, formées contres les membres de ces conseils à l'occasion de leurs discours et de leurs délibérations. Mais la cour de cassation, statuant sur un autre point très controversé, a jugé que le registre des délibérations du conseil municipal déposé aux archives de la mairie ne peut, malgré la facilité donnée à tous les habitants ou contribuables d'en demander communication, être assimilé à un écrit exposé dans un lieu public et opérant par lui-même la publication de son contenu (c. ch. civ. 19 janvier 1875, Lam c. Triadou). Le même arrêt décide que la diffamation non rendue publique par l'un des moyens énoncés par les lois sur la presse peut encore constituer une contravention passible des peines de simple police ou un quasi-délit donnant lieu à l'application de l'article 1382 du Code civil. La cour de cassation a jugé également (ch. crim. 4 février 1876, Marc c. Gelade) que le délit résultant de l'insertion d'énonciations injurieuses ou diffamatoires dans une délibération du conseil municipal n'est pas un délit successif, bien qu'il puisse être permanent dans ses conséquences; que ce délit est consommé au moment même où la délibération incriminée a été portée au registre et que c'est à partir de ce moment que court la prescription.

V. DES BIENS ET INTÉRÊTS COMMUNS A PLUSIEURS COMMUNES.

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356. Etapes successives des lois municipales à cet égard; trois sortes de règles distinctes datées de 1837, 1884 et 1890.

357. 1° Biens et droits indivis entre plusieurs communes.

358. 2o Conférences intercommunales.

359. 3° Syndicats de communes.

360. Propositions judicieusement rejetées de 1883-1884; économie de la loi préférable de 1890.

361. Texte du titre VIII ajouté à la loi municipale par celle du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes.

356. La législation communale a prévu depuis longtemps l'hypothèse de biens et intérêts communs à plusieurs communes. Elle a procédé toutefois en cette matière délicate par voie d'évo

ENTRE PLUSIEURS COMMUNES

419 lution successive et lente, marquée par ces trois dates 1837, 1884, 1890. Elles révèlent les hésitations et les scrupules du législateur, justifiés par la pauvreté des résultats obtenus par suite des dernières réformes. Trois hypothèses sont, en effet, actuellement prévues et réglées par la loi municipale: 1o celle de biens et intérêts indivis entre plusieurs communes (L. 1884, titre V, art. 161 à 163, empruntés aux articles 70 à 73 de la loi du 18 juillet 1837); 2o les conférences intercommunales, réglées pour la première fois par les articles 116 et 117 de la loi de 1884; et 30 les syndicats de communes, titre VIII, art. 169 à 180, ajouté par la loi du 22 mars 1890 à la loi du 5 avril 1884.

357. Les articles 161 à 163 de la loi de 1884, relatifs aux biens et intérêts indivis entre plusieurs communes, n'apportent aux articles 70 à 73 de la loi du 18 juillet 1837 que de rares modifications, surtout relatives à l'élection par la commission syndicale, instituée par décret, du syndic président, et aux conséquences des règles différentes appliquées à ces deux époques (1837-1884) au renouvellement des conseils municipaux. Il convient de remarquer que si la commission syndicale est investie de la délibération. et le syndic-président de l'action, l'article 162 § 3 réserve aux conseils municipaux le vote des « ventes, échanges, partages, acquisi<«<tions, transactions », et que le président de la commission ne peut passer les actes qui y sont relatifs qu'avec l'autorisation de ces conseils.

Lorsque plusieurs communes possèdent des biens ou des droits indivis, un décret du président de la République instituera, si l'une d'elles le réclame, une commission syndicale composée de délégués des conseils municipaux des communes intéressées. Chacun des conseils élira dans son sein, au scrutin secret, le nombre de délégués qui aura été déterminé par le décret du président de la République. La .commission syndicale sera présidée par un syndic élu par les délégués et pris parmi eux. Elle sera renouvelée après chaque renouvellement des conseils municipaux. Les délibérations sont soumises à toutes les règles établies pour les délibérations des conseils municipaux (L. 5 avril 1884, titre V, Des biens et droits indivis entre plusieurs communes, art. 161). Les attributions de la commission syndicale et de son président comprennent l'administration des biens et droits indivis et l'exécution des travaux qui s'y rattachent. Ces attributions sont les mêmes que celles des conseils municipaux et des

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CONFÉRENCES INTERCOMMUNALES

maires en pareille matière. Mais les ventes, échanges, partages, acquisitions, transactions demeurent réservés aux conseils municipaux, qui pourront autoriser le président de la commission à passer les actes qui y sout relatifs (art. 162). La répartition des dépenses votées par la commission syndicale est faite entre les communes intéressées par les conseils municipaux. Leurs délibérations seront soumies à l'approbation du préfet. En cas de désaccord entre les conseils municipaux, le préfet prononcera, sur l'avis du conseil général ou, dans l'intervalle des sessions, de la commission départementale. Si les conseils municipaux appartiennent à des départements différents, il sera statué par décret. La part de la dé. pense définitivement assignée à chaque commune sera portée d'office aux budgets respectifs, conformément à l'article 149 de la présente loi (art. 163).

358. La loi municipale du 5 avril 1884 a emprunté à la loi sur les conseils généraux du 10 août 1871 (articles 89 à 91) ses dispositions relatives aux conférences interdépartementales; elle a institué les conférences intercommunales par ses articles 116 à 118, Elle permettait ainsi, même avant la loi sur les syndicats de communes, aux conseils municipaux de deux ou plusieurs communes, de provoquer entre eux «< une entente sur les objets << d'utilité communale compris dans leurs attributions » et de débattre « ces questions d'intêrêt commun dans des conférences << où chaque conseil municipal sera représenté par une com« mission de trois membres ». L'article 116 § 2 dit expressément que les conseils municipaux « peuvent faire des conventions à « l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des << ouvrages ou des institutions d'utilité commune ». Sans doute, l'article 117 § 3 dispose que « les décisions prises ne seront « exécutoires qu'après avoir été ratifiées par tous les conseils << municipaux intéressés »; mais cette disposition, analogue à la réserve de l'article 162 § 3, est la sauvegarde des franchises communales. [Voir aussi no 195 et 196].

Deux ou plusieurs conseillers municipaux peuvent provoquer entre eux, par l'entremise de leurs présidents, et après en avoir averti les préfets, une entente sur les objets d'utilité communale compris dans leurs attributions et qui intéressent à la fois leurs communes respectives. Ils peuvent faire des conventions à l'effet d'entreprendre ou de conserver à frais communs des ouvrages ou des institutions d'utilité commune (L. 5 avril 1884, art. 116). — Les questions d'intérêt commun seront débattues dans des conférences où chaque conseil municipal sera représenté par une commission

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