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SANCTIONS DES RÈGLES PRÉCÉDENTES

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C. Sanctions des règles précédentes.

348. Sanctions des règles relatives à l'organisation et aux attributions des conseils municipaux.

349. Délibérations nulles de droit.

350. Délibérations annulables.

351. Voie de recours contentieuse ouverte au conseil municipal et aux parties intéressées contre l'arrêté préfectoral.

352. Droit très restreint de suspension des conseils municipaux.

353. Droit de dissolution.

354. Limitation de durée, de nombre et de pouvoirs de la délégation spéciale nommée à défaut de conseil municipal.

355. Sanctions résultant de l'application du droit commun.

348. Indépendamment des règles constitutives du régime légal de chacune des catégories de délibérations des conseils municipaux, telles que l'autorisation nécessaire à quelques-unes et le droit de décision, d'inscription et d'imposition d'office s'imposant à d'autres, il existe un ensemble de règles générales applicable à toutes les délibérations des conseils municipaux. Elles forment, avec le droit de révocation et de suspension des maires et adjoints, et le droit de suspension et de dissolution des conseils municipaux, le droit sanctionnateur des prescriptions relatives à l'organisation et aux attributions des conseils municipaux. Nous avons constaté l'existence d'un droit de même nature en ce qui concerne les conseils généraux. Il est encore plus nécessaire pour nos 36,170 assemblées communales. La loi de 1884, en maintenant la règle, écrite dans les lois antérieures, qu'expédition de toute délibération du conseil municipal doit être adressée par le maire au sous-préfet, a distingué les causes de nullité de droit et celles d'annulabilité.

Expédition de toute délibération est adressée, dans la huitaine, par le maire, au sous-préfet, qui en constate la réception sur un registre et en délivre immédiatement récépissé (L. 5 avril 1884, art. 62).

349. Les causes de nullité de droit, limitativement énumérées par l'article 63, sont au nombre de quatre, dont les deux dernières seules constituent une innovation : 1° l'objet de la délibération étranger aux attributions du conseil; 2o la réunion illégale

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DÉLIBÉRATIONS NULLES DE DROIT

du conseil dans laquelle la délibération aurait été prise; 3 la violation d'une loi; 40 celle d'un règlement d'administration publique. Malgré la nullité de plein droit, la délibération subsiste tant que cette nullité n'a pas été déclarée par le préfet en conseil de préfecture. A toute époque, elle peut être prononcée par le préfet et proposée ou opposée par les parties intéressées. Cette règle, qui est à la fois une garantie pour les parties intéressées et pour l'administration supérieure, ne doit être entendue que sous la réserve des principes généraux du droit en matière de ratification; et aussi de la compétence de l'autorité judiciaire, pour statuer sur la validité des actes d'exécution ayant le caractère de contrats, intervenus avant la déclaration de nullité.

C'est parce que le législateur n'a pas voulu que ces délibérations, entachées d'un vice absolu, pussent à aucun moment être utilement opposées, soit à l'administration, soit aux tiers, que l'article 65 n'a pas fixé de délai dans lequel le préfet dût prononcer la déclaration de nullité. La circulaire du ministre de l'intérieur aux préfets, du 15 mai 1884, propose d'appliquer par analogie le délai de 30 jours écrit dans l'article 66 pour les causes d'annulabilité. Ce passage de la circulaire peut valoir à titre de recommandation d'examen rapide des affaires, que le ministre a le droit d'adresser à ses subordonnés. Mais la loi n'impose à cet égard aucune obligation. Des auteurs veulent l'exiger; nous ne pouvons l'admettre. Nous tenons au contraire pour certain qu'il résulte de l'esprit et de la lettre de la loi, que l'article 66 est absolument inapplicable aux délibérations nulles de droit. L'analogie peut inspirer une règle de conduite administrative dans les cas où elle est possible; mais elle ne peut servir de base à une règle de droit.

L'analogie, d'ailleurs, n'est qu'apparente. Le droit de proposer, opposer et prononcer à toute époque les nullités de droit, crée une antithèse absolue, sous ce rapport, comme sous les autres, entre l'annulabilité et la nullité de plein droit, c'est-à-dire, suivant le langage du droit civil, entre ces nullités absolues et les nullités relatives de la loi municipale. Ce droit de proposer, opposer et prononcer « à toute époque » les nullités de droit, assure à l'État et aux particuliers, aux intérêts publics et aux

DÉLIBÉRATIONS ANNULABLES

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intérêts privés, le respect, par les conseils municipaux, des lois de leur institution.

Sont nulles de plein droit: 1o Les délibérations d'un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions ou prises hors de sa réunion légale; 20 les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique (L. 5 avril 1884, art. 63). La nullité de droit est déclarée par le préfet en conseil de préfecture. Elle peut être prononcée par le préfet, et proposée ou opposée par les parties intéressées, à toute époque (art. 65).

350. L'unique cause d'annulabilité, admise par l'article 64 de la nouvelle loi municipale, est la présence de membres ayant intérêt à la délibération. A ce point de vue, ce texte ne fait que confirmer l'interprétation donnée par le conseil d'État (4 mars 1865, Fabregeat; 11 janvier 1866, Barrioz) à la règle écrite dans l'article 21 de la loi du 5 mai 1855. En limitant à ce cas unique le pouvoir d'annulation du préfet, l'article 64 lui enlève le droit, écrit dans l'article 18 de la loi du 18 juillet 1837, d'annuler les délibérations réglementaires à lui déférées par des parties intéressées pour cause d'inopportunité ou fausse appréciation des faits [no 331 in fine]. A ce point de vue, l'antithèse accentuée par les articles 63 et 64 entre les nullités de droit et l'annulabilité constitue une sérieuse mesure de décentralisation.

Aux termes de l'article 66, l'annulation doit être prononcée par le préfet en conseil de préfecture, non plus à toute époque, mais dans un délai d'un mois, dont le point de départ varie suivant les cas indiqués au texte. Dans ce délai le préfet peut seulement se livrer à l'appréciation des circonstances et statuer.

L'obligation de s'abstenir imposée aux conseillers municipaux, sous cette sanction de l'annulation possible de la délibération, peut réduire le conseil à moins du tiers de ses membres, et fait de l'article 130 un corollaire nécessaire de l'article 64.

Sont annulables les délibérations auxquelles auraient pris part des membres du conseil intéressés, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires, à l'affaire qui en a fait l'objet (L. 5 avril 1884, art. 64). L'annulation est prononcée par le préfet en conseil de préfecture. Elle peut être provoquée d'office par le préfet dans un délai de trente jours à partir du dépôt du procès-verbal de la délibération à la sous-préfecture ou à la pré

: 414 RECOURS CONTENTIEUX CONTRE L'ARRÊTÉ PRÉFECTORAL fecture. Elle peut aussi être demandée par toute personne intéressée et par tout contribuable de la commune. Dans ce dernier cas, la demande en annulation doit être déposée, à peine de déchéance, à la sous-préfecture ou à la préfecture, dans un délai de quinze jours à partir de l'affichage à la porte de la mairie. Il en est donné récépissé. Le préfet statuera dans le délai d'un mois. Passé le délai de quinze jours sans qu'aucune demande ait été produite, le préfet peut déclarer qu'il ne s'oppose pas à la délibération (art. 66). — Lorsque le conseil municipal se trouve réduit à moins du tiers de ses membres, par suite de l'abstention, prescrite par l'article 64, des conseillers municipaux qui sont intéressés à la jouissance des biens et droits revendiqués par une section, le préfet convoque les électeurs de la commune, déduction faite de ceux qui habitent ou sont propriétaires sur le territoire de la section, à l'effet d'élire ceux d'entre eux qui doivent prendre part aux délibérations aux lieu et place des conseillers municipaux obligés de s'abstenir (art. 130).

351. L'article 67 est une disposition commune aux délibérations dont la nullité de droit a été déclarée et à celles dont l'annulation a été prononcée. Les articles précédents donnent des garanties aux intérêts généraux et aux intérêts privés sollicitant l'anéantissement de ces délibérations du conseil municipal. L'article 67 en donne également aux parties intéressées au maintien de ces délibérations et au conseil municipal lui-même. Au lieu du recours en la forme administrative de l'article 23 de la loi du 5 mai 18551, exclusif, d'après la jurisprudence du conseil d'État (27 février 1874, Odon-Périer), de tout recours par la voie contentieuse, il leur ouvre un véritable recours contentieux au fond, au conseil d'État, contre l'arrêté du préfet déclarant la nullité ou prononçant l'annulation. Ce n'est pas un recours pour excès de pouvoir, mais un recours introduit et jugé « dans les formes » du recours pour excès de pouvoir. C'est en ce sens que le rapporteur au Sénat, dans la séance du 8 février 1884, a dit très judicieusement: « c'est une appréciation que le préfet fera « selon sa conscience, et qui, dans tous les cas, pourra toujours « être soumise à l'examen du tribunal administratif supérieur ». La circulaire du ministre de l'intérieur qui a soutenu dans les

Nous rappelons que, dans notre volume d'Etudes sur la loi municipale du 5 avril 1884, nous avons reproduit toutes les dispositions législatives antérieures en regard des articles de la loi nouvelle.

* M. Demòle; Journal officiel du 9 février 1884, page 292.

SUSPENSION ET DISSOLUTION DU CONSEIL MUNICIPAL

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deux Chambres, avec Jules Ferry, la discussion de cette grande loi, dit très exactement : « Le but de cette innovation est de << protéger plus efficacement les attributions du conseil municipal «<et les droits ou les intérêts privés qui pourront être lésés ».

Plusieurs arrêts du conseil d'État ont reconnu ce point de droit (C. d'Ét. 21 novembre 1890, commune de Fagnières; 8 mars 1895, Cayrat, Perruchon et autres). Ces deux arrêts décident en outre que l'article 67 de la loi de 1884, en instituant ce recours au contentieux devant le conseil d'État, a enlevé au ministre de l'intérieur le droit de statuer comme supérieur hiérarchique sur le recours formé devant lui contre l'arrêté préfectoral. Le premier de ces arrêts applique cette règle au cas où l'arrêté préfectoral a annulé une délibération du conseil municipal prise par application des articles 63 et 65. Le second de ces arrêts en fait l'application au cas où l'arrêté préfectoral a refusé, au contraire, de déclarer nulle de droit une délibération du conseil municipal..

Le délai imparti pour l'exercice du recours contentieux au conseil d'État, ouvert par l'article 67, ne peut être que le délai général de trois mois imparti par le décret du 22 juillet 1806. Ces deux arrêts décident que ce délai ne peut être ni suspendu ni prolongé par le recours hiérarchique qui serait indûment formé dans ce cas devant le ministre.

Le conseil municipal et, en dehors du conseil, toute partie intéressée peut se pourvoir contre l'arrêté du préfet devant le conseil d'Etat. Le pourvoi est introduit et jugé dans les formes du recours pour excès de pouvoir (L. 5 avril 1884, art. 67).

352. L'article 13 de la loi du 5 mai 1855, demeuré en vigueur jusqu'à la promulgation de la loi de 1884, donnait au préfet le droit de suspendre pour deux mois les conseils municipaux; et le ministre de l'intérieur pouvait prolonger la durée de la suspension pendant une année. L'article 43 de la nouvelle loi municipale limite, d'une manière absolue, à un mois seulement,

1 M. Waldeck-Rousseau; circulaire aux préfets du 15 mai 1884 (Bulletin officiel du ministère de l'intérieur, 1884, pages 243 à 315; circulaire n° 469; voir aussi circulaire du 30 novembre 1884; même Bulletin, mėme tome, pages 461 à 473). — Jules Ferry, président du conseil.

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