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DÉLIBÉRATIONS RÉGLEMENTAIRES; RÈGLE GÉNÉRALE elles correspondent aux délibérations définitives des conseils généraux; 2° les délibérations soumises à la nécessité d'une autorisation; 3° les délibérations entièrement subordonnées; 4o les avis, et 5o les vœux.

Nous allons indiquer d'une manière générale, d'après ces cinq espèces d'actes des conseils municipaux, le caractère et l'objet de leurs diverses sortes d'attributions, en renvoyant l'étude particulière des principaux contrats et actions de la commune à la dernière partie de cet ouvrage.

Nous classerons dans une sixième catégorie quelques attributions spéciales des conseils munipaux que la loi de 1884, comme les lois précédentes, a consacrées, séparément des autres, cn raison de leur nature distincte.

331. 1° Délibérations réglementaires. La loi municipale du 18 juillet 1837 (art. 17 et 18) a créé les premiers cas de délibérations définitives ou réglementaires des conseils municipaux. D'après cette loi ces délibérations présentaient un double caractère. D'une part, elles avaient par elles-mêmes force exécutoire, sans approbation de l'autorité supérieure, après un délai de trente jours, si elles n'avaient pas été annulées par le préfet dans cet intervalle, et, d'autre part, elles ne s'appliquaient qu'à de simples jouissances. C'est ce qui a été expliqué par M. Vivien, rapporteur à la Chambre des députés de la loi de 1837 : « Les << règlements, dit-il, ne concernent que le présent; ils ne s'ap« pliquent qu'à de simples jouissances qui ne peuvent ni enga<< ger un long avenir ni compromettre le fonds de la propriété <«< communale ». Il n'y avait alors, d'après la loi de 1837, que quatre cas de délibérations réglementaires.

La loi du 24 juillet 1867 (art. 1, 2, 3 et 6) avait ajouté une catégorie nouvelle de délibérations réglementaires bien plus nombreuse, portant sur des objets beaucoup plus importants, ne s'appliquant plus seulement à de simples jouissances, et qui, d'après la loi de 1837, donnaient lieu à des délibérations proprement dites soumises à la nécessité d'une autorisation. Ces délibérations réglementaires, comme les quatre délibérations

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DÉLIBÉRATIONS RÉGLEMENTAIRES; RÉGIME LÉGAL

réglementaires de l'article 17 de la loi de 1837, étaient, en vertu de l'article 6 de la loi nouvelle, soumises à l'article 18 de la loi de 1837, c'est-à-dire dispensées, pour leur exécution, de l'autorisation de l'administration supérieure à l'expiration du délai de trente jours après leur réception à la sous-préfecture, sauf le droit de suspension pendant un autre délai de trente jours ou même d'annulation pour les causes déterminées par cet article 18 de la loi de 1837. Mais en outre, en raison de la gravité de ces affaires pouvant engager l'avenir et le fond même du droit communal, les articles 1 et 3 de la loi de 1867 exigeaient, comme garantie correspondante à la liberté d'initiative et de décision des conseils municipaux, la condition d'accord du conseil municipal et du maire.

La loi du 5 avril 1884, en disposant dans son article 61 § 1 que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires << de la commune », a transformé l'exception restreinte de 1837 et plus étendue de 1867, en règle générale. Désormais, en vertu de ce texte [no 329], toute délibération du conseil municipal est réglementaire, lorsqu'elle n'est pas soumise par une disposition expresse à un autre régime légal. Aussi la loi de 1884 ne les énumère plus comme celles de 1837 et 1867; ce sont les autres sortes de délibérations des conseils municipaux qui sont devenues des exceptions devant être consacrées par des textes formels et limitatifs.

Le régime légal des délibérations réglementaires ou définitives, sous l'empire de la loi du 5 avril 1884, a pour caractère distinctif, comme dans les lois de 1837 et 1867, qu'elles sont exécutoires par elles-mêmes, sans aucune autorisation de l'administration supérieure. Elles ne deviennent toutefois exécutoires qu'un mois après le dépôt qui doit en être fait à la préfecture ou à la sous-préfecture (art. 62), afin que le préfet puisse vérifier l'absence de causes de nullité de droit (art. 63 et 65) et d'annulabilité (art. 64 et 66) applicables à toutes les délibérations des conseils municipaux ; encore le préfet peut-il abréger ce délai.

Il résulte des textes que nous venons de citer nos 348 à 351] que si le préfet a toujours le droit, que lui conférait l'article 18 de la loi du 18 juillet 1837, « d'annuler d'office pour violation d'une

DÉLIBÉRATIONS SOUMISES A AUTORISATION

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<< disposition de loi ou d'un règlement d'administration publique >> une délibération réglementaire, il n'a plus le droit de l'annuler pour toute autre cause « sur la réclamation de toute partie intéressée » que lui conférait ce même article. Les dispositions de la loi du 5 avril 1884 l'ont remplacé.

Les délibérations qui ne sont pas soumises à l'approbation préfectorale ne deviendront néanmoins exécutoires qu'un mois après le dépôt qui aura été fait à la préfecture ou à la sous-préfecture. Le préfet pourra, par un arrêté, abréger ce délai (L. 1884, art. 68 § 2).

332.2o Délibérations soumises à la nécessité d'une autorisation. Nous avons déjà dit que cette catégorie de délibérations des conseils municipaux formait la règle d'après les lois du 18 juillet 1837 et du 24 juillet 1867, et qu'en vertu de la loi du 5 avril 1884 (art. 61 § 1) elle ne constitue désormais qu'une exception. Cette exception toutefois est très étendue. Il faut maintenant un texte pour qu'une délibération du conseil municipal soit soumise à la nécessité d'une autorisation; mais ces textes sont nombreux et s'appliquent à un grand nombre de délibérations. Il en résulte que la réforme opérée par l'article 61 § 1 est moins considérable qu'elle ne paraît l'être. L'article 68 de la loi du 5 avril contient une longue énumération des affaires donnant lieu à des délibérations de cette nature. En raison du principe posé, cette énumération ne pouvait être limitative; elle a le tort d'affecter les apparences d'une énumération complète, tandis que bien d'autres articles de la même loi contiennent des dispositions de même nature, sans compter celles qui y sont ajoutées par d'autres lois. Il en résulte que les délibérations des conseils municipaux dont nous parlons peuvent être subdivisées en trois groupes: 1° celles, au nombre de treize, prévues par l'article 68 de la loi du 5 avril 1884; 2° celles, au nombre de six, prévues par d'autres articles de la même loi ; et 3° celles résultant d'autres lois et soumises au même régime.

333. Avant de poursuivre cette étude sur l'état actuel de l'institution de l'autorisation administrative, il est nécessaire de nous expliquer d'une manière plus complète et définitive

384 REFUTATION DE LA PRÉTENDUE TUTELLE DES COMMUNES

sur un point déjà sommairement signalé [n° 121]. Malgré d'incessantes protestations, l'expression de «< tutelle administrative des communes » ne cesse d'être employée, même dans les documents officiels et parlementaires, pour qualifier ces rap ports légaux des communes et de l'État. Cette pratique, aussi continue que regrettable, justifie l'égale persistance de nos efforts pour en démontrer la fausseté et le danger. Si cette terminologie, bien qu'inexacte, était inoffensive, nous pourrions nous borner à continuer, comme nous l'avons toujours fait, à éviter son emploi et à signaler l'erreur. Ces termes ne couvrent pas seulement une idée fausse, mais aussi une idée dangereuse. Elle mène à des conséquences administratives et politiques redoutables, auxquelles la puissance des mots sert de véhicule au sein des masses populaires. Les plus fermes adversaires des idées d'autonomie communale leur fournissent, sans le vouloir, un argument de portée singulière, en soutenant que les communes sont en tutelle en France même après le centenaire de 1789 et à l'approche du xxe siècle. Un tel mot est un germe de mort pour toute loi d'administration locale, si libérale qu'elle puisse être, tant qu'elle ne consacre pas l'indépendance absolue de la commune. par rapport à l'État, c'est-à-dire l'existence de 36,170 États dans l'État. Il est donc d'une importance de premier ordre de savoir ce que vaut, au point de vue des principes et de nos lois, cette terminologie « injurieuse » pour les communes et << attentatoire » à la liberté municipale.

Bien des personnes répètent ces expressions « minorité des communes » et surtout << tutelle administrative », seulement en raison de l'avantage que peut présenter un mot bref et usité, pour désigner l'ensemble des règles fixant les rapports des communes et de l'État. C'est payer trop cher un avantage médiocre, lorsqu'il est acquis au détriment des principes, de la vérité juridique et légale, du prestige, de l'avenir, et de la durée des plus sages réformes.

D'autres vont disant puisque certaines délibérations des conseils municipaux ne peuvent être exécutées qu'en vertu d'une autorisation de l'administration supérieure, puisqu'elle peut en annuler d'autres, suspendre et dissoudre un conseil municipal,

VRAI MOTIF DE L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE

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c'est que les communes sont traitées comme les mineurs ou même les interdits du droit civil, et que l'État s'érige vis-à-vis d'elles en tuteur.

Le raisonnement, comme les termes employés, manque de vérité. L'assimilation entre les mineurs et les communes, entre la tutelle du droit civil et l'ensemble des mesures administratives relatives aux communes, même avant leurs successives et considérables atténuations depuis 1830, est fausse de tous points. Les deux institutions sont absolument dissemblables, tant au point de vue de leur raison d'être, que de leur régime légal.

La raison d'être des dispositions du Code civil, relatives à la minorité et à l'interdiction, est l'incapacité naturelle du mineur et de l'interdit à gérer leurs personnes et leurs biens. C'est pourquoi l'un et l'autre reçoit de la loi civile un tuteur, assisté d'un conseil de famille et d'un subrogé tuteur, pour faire ce qu'il est naturellement incapable de faire lui-même.

Au contraire, les prérogatives réservées à l'État en matière d'administration communale, n'ont ni pour base ni pour raison d'être une prétendue incapacité naturelle des communes. Ce n'est pas parce que les conseils municipaux manqueraient d'intelligence, de lumières, de volonté réfléchie, que certaines de leurs délibérations sont soumises à la nécessité d'une autorisation, que d'autres sont entièrement subordonnées, ou peuvent être annulées. C'est parce que, entre les intérêts locaux, d'une part, et, d'autre part, les intérêts généraux du pays, dont l'État a la garde, il existe un lien étroit qui fait obstacle à la prédominance de l'intérêt communal.

Cette vérité a été très bien indiquée dans un passage du rapport présenté à la Chambre des députés dans sa séance du 19 décembre 1882, sur le projet de loi qui devait devenir la loi du 5 décembre 1884. « Le contrôle administratif consiste à maintenir <<< les communes sous la règle inflexible des lois générales; à les <«< empêcher de nuire aux intérêts de la nation ou de compromettre « leur propre avenir. Qui donc, si ce n'est l'État lui-même, con<< naît les lois, se rend compte des intérêts généraux, peut étendre << sa prévoyance au delà du présent, lui qui est immortel 1 Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner les propo

».

T. I.

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