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DE LA DÉLÉGATION DES

309. Il résulte de l'article 82 ci-dessus que la loi du 5 avril 1884 a eu la sagesse de maintenir au profit des adjoints la prérogative exclusive, lorsqu'ils ne sont ni absents, ni empêchés, à la délégation des pouvoirs du maire. Telle était également la règle écrite dans l'article 14 de la loi du 18 juillet 1837 et les textes antérieurs. Mais cette règle fut souvent méconnue, même dans les matières les plus graves, telles qu'une délégation de direction d'octroi municipal et surtout la délégation des fonctions de l'état civil. Des décisions judiciaires, rendues en sens opposés, sont venues l'attester dans divers litiges, et principalement dans la retentissante affaire dite « des mariages de Montrouge >>. En 1883, trois jugements du tribunal de la Seine * prononçaient en effet, à la requête du ministère public, la nullité de trois mariages célébrés dans cette commune par un conseiller municipal, à qui le maire avait délégué ses fonctions d'officier de l'état civil, bien que les adjoints ne fussent ni absents ni empêchés, et que ce conseiller ne fût lui-même que le 21e au tableau du conseil.

2

En présence de l'émotion causée par ces décisions, de sages mesures furent prescrites par une instruction de la chancellerie du 19 février 1883 et par une circulaire du préfet de la Seine du 12 mars 1883 reproduisant cette instruction. La controverse qui se produisait dans la jurisprudence se traduisit dans la doctrine, et nous avons soutenu3, dans le sens des jugements du tribunal de la Seine, que le maire, investi par la loi de la plénitude de l'autorité municipale dans la commune, n'était pas, en outre, et ne doit pas être, dans les 36,170 communes de France, le libre dispensateur de ses propres pouvoirs, au détriment de ses adjoints, et au profit de tous ses collègues indistinctement du conseil municipal dont il est l'élu. La cour de cassation, par l'arrêt de la chambre civile du 7 août 1883, sur les conclusions conformes de M. le procureur général Barbier 5, s'est prononcée pour un

1 Poitiers, ch. corr., 28 janvier 1882, Maire de Jonzac c. Aubin et Guilpamassé; Trib. civil. La Roche-sur-Yon, 13 mars 1883, Guilbaud c. Faveroul.

Trib. de la Seine, 23 février 1883 (Dalloz, 83, 2, 49). 3.4.5 Dalloz périodique, 1883, 2, 49, et 1884, 1, 5.

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système mixte. Elle a admis, le droit de préférence des adjoints à la délégation des pouvoirs du maire affirmé par nous. Mais elle a rejeté la sanction de nullité comme n'étant pas formellement prescrite par la loi. Cette affaire est la raison d'être de la nouvelle rédaction de l'article 82 de la loi municipale de 1884, successivement remanié au bruit de ces débats. En y prenant une part active, nous n'avons pas seulement étudié les textes antérieurs à 1884 et écrit l'histoire des institutions auxquelles ils correspondent, nous avons expliqué par avance l'article 82 de la loi nouvelle et montré, au point de vue de l'avenir, qu'il n'est pas facile désormais d'éviter la sanction de nullité pour un texte si laborieusement rédigé, par un législateur profondément pénétré de l'importance capitale de toutes les mesures qu'il a prescrites, sans cependant écrire le mot de « nullité » 2.

310. D'après la disposition nouvelle de l'article 82 [no 306], le maire peut désormais déléguer ses pouvoirs, par arrêté, à des conseillers municipaux non investis des fonctions d'adjoints, pourvu que tous les adjoints soient absents ou empêchés.

Dans la législation antérieure l'absence ou l'empêchement des adjoints ne suffisait pas; il fallait que les conseillers municipaux délégués fussent régulièrement appelés à faire fonctions. d'adjoints. Cette condition nous paraît toujours plus logique; máis la loi nouvelle ne l'exige plus. Il résulte donc du texte de l'article 82 que les deux conditions désormais exigées pour la validité de la délégation faite à un conseiller municipal sont : 1° l'absence ou l'empêchement des adjoints; 2° un arrêté de délégation. Si l'une de ces conditions fait défaut, ne faudra-t-il pas dire que le conseiller municipal irrégulièrement délégué est sans qualité, et que

1 Cette première proposition est nettement formulée dans la partie de l'arrêt portant « que le pouvoir de délégation établi par l'article 5 du dé<«<cret du 4 juin 1806, consacré de nouveau et étendu par l'article 14 de la « loi de juillet 1837, est bien soumis, dans son exercice, à certaines règles, « et que le vœu du législateur est que le maire suive l'ordre qui ressort de la <«< combinaison de l'article 14 de la loi du 18 juillet 1837, avec les articles 5 « de la loi du 21 mars 1831 et 4 de la loi du 5 mai 1855 ».

2 Voir nos Etudes de Droit public, pp. 364 à 404, « xì et xiv, Des adjoints, de la suppléance et de la délégation des pouvoirs du maire ».

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RÈGLES NOUVELLES ET SANCTION

l'acte accompli par lui, quelle qu'en soit la nature, est nul? Le législateur de 1884 a-t-il pu, en imposant spécialement l'obligation de prendre un arrêté municipal pour déléguer, vouloir le laisser dépourvu de sanction?

Ce que le législateur de 1884 a voulu, à tort ou à raison, après tant de rédactions successives, dont nous reproduisons le tableau ', c'est l'extension du pouvoir de délégation du maire à tous les conseillers municipaux indistinctement. Mais, en subordonnant l'exercice de ce pouvoir nouveau du maire aux deux conditions ci-dessus, le législateur ne les a-t-il pas formellement prescrites, l'une et l'autre, à titre de conditions de validité des actes du délégué ?

Il convient de remarquer aussi deux autres conditions que la loi nouvelle applique également aux deux catégories de délégués, les adjoints, et à leur défaut les conseillers municipaux : 1° que toute délégation s'exerce sous la surveillance et la responsabilité du maire; 2° que toute délégation subsiste tant qu'elle n'est pas rapportée.

Nous avons dit, en outre, et l'article 82 constate que la délégation ne peut être que partielle, tandis que la suppléance est totale.

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Article 63
du projet voté
le 17 février 1883.

Le maire est seul

Article 82
du projet volé
le 25 octobre 1883.

Le maire est seul

Loi

du 5 avril 1884, article 82.

Le maire est seul

Le maire est seul chargé de l'admi-chargé de l'admi-chargé de l'admi-chargé de l'administration; mais il nistration; mais, nistration; mais il nistration; mais il peut déléguer une il peut, sous sa peut, sous sa sur-peut, sous sa surpartie de ses fonc-surveillance et sa veillance et sa res-veillance et sa restions à un ou plu- responsabilité, de- ponsabilité, délé-ponsabilité, délésieurs de ses ad- léguer une particguer une partie de guer par arrêté joints, et, en l'ab-de ses fonctions à ses fonctions à un une partie de ses sence desadjoints, un ou plusieurs de ou plusieurs de fonctions à un ou à ceux des conseil- ses adjoints, et, ses adjoints, et, en plusieurs de ses lers municipaux en l'absence des l'absence ou en cas adjoints, et, en qui sont appelés adjoints, à ceux d'empêchementdes l'absence ou en a en remplir les des conseillers adjoints, à des cas d'empêchemunicipaux qui membres du con-ment des adjoints, sont appelés à en seil municipal. à des membres du remplir les foncconseil municipal. Ces délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées.

fonctions.

tions.

NOMBRE DES ADJOINTS; ADJOINTS SPÉCIAUX

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311. Le nombre des adjoints varie proportionnellement à la population; il y a un adjoint dans les communes de 2,500 habitants et au-dessous, deux dans les communes de 2,500 à 10,000 habitants, et, dans les communes d'une population supérieure à 10,000 habitants, il y a un adjoint de plus par chaque excédent de 25,000 habitants, sans que le nombre des adjoints puisse dépasser douze, sauf les règles spéciales à la ville de Lyon [n° 279.]

Il y a dans chaque commune un maire et un ou plusieurs adjoints élus parmi les membres du conseil municipal. Le nombre des adjoints est d'un dans les communes de 2,500 habitants et au-dessous, de deux dans celles de 2,501 à 10,000. Dans les communes d'une population supérieure, il y aura un adjoint de plus par chaque excédent de 25,000 habitants, sans que le nombre des adjoints puisse dépasser douze, sauf en ce qui concerne la ville de Lyon, où le nombre des adjoints sera porté à dix-sept. (L. 5 avril 1884, art. 73).

312. L'institution des adjoints spéciaux apporte une dérogation aux règles qui précèdent fixant le droit commun, au point de vue du nombre des adjoints dans chaque commune. Introduite par une loi du 18 floréal an X (8 mai 1802) et successivement maintenue par toutes les lois d'organisation municipale, elle était réglée, en dernier lieu, par la loi du 22 juillet 1870 (art. 1er § 2). L'institution des adjoints spéciaux est actuellement régie par l'article 75 de la loi du 5 avril 1884, qui ne permet de l'établir que « sur << la demande du conseil municipal ». Le projet de loi, déjà cité [no 258], du 27 octobre 1896, propose une mesure de déconcentration consistant à substituer un simple arrêté préfectoral au décret rendu en conseil d'État, exigé jusqu'à ce jour pour la création d'un poste d'adjoint spécial.

De 1830 à 1845, cette mesure a été prise dans 40 communes; d'après les comptes généraux des travaux du conseil d'État, 28 décrets de cette nature ont été rendus de 1852 à 1860, 27 de 1860 à 1866, 30 du 10 août 1872 au 31 décembre 1877, 16 dans la période quinquennale 1878-1882, et 25 dans celle 1883-1887.

Lorsqu'un obstacle quelconque ou l'éloignement rend difficiles, dangereuses ou momentanément impossibles les communications entre le chef-lieu et une fraction de commune, un poste d'adjoint spécial peut être institué, sur la demande du conseil municipal, par un décret rendu en conseil d'Etat.

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Cet adjoint, élu par le conseil, est pris parmi les conseillers et à défaut d'un conseiller résidant dans cette fraction de commune, ou s'il est empêché, parmi les habitants de la fraction. Il remplit les fonctions d'officier de l'état civil, et il peut être chargé de l'exécution des lois et des règlements de police dans cette partie de la commune. Il n'a pas d'autres attributions (L. 5 avril 1884, art 75).

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313. Définition des conseils municipaux; loi du 5 avril 1884, et division du paragraphe en trois parties.

313. Tandis que le maire représente l'association communale dans la sphère de l'action et de l'exécution, le conseil municipal la représente dans la sphère de la délibération. Il est également régi par la loi du 5 avril 1884 qui lui consacre même son titre II (art. 10 à 73), tandis qu'elle n'a traité des maires que dans son titre III [n° 263]. Le conseil municipal est à la commune ce que le conseil général est au département; aussi nous diviserons de la même manière ce paragraphe en trois parties organisation; attributions; et sanctions.

composition et

A.

COMPOSITION ET ORGANISATION DES CONSEILS MUNICIPAUX.

314. Composition des conseils municipaux.

315. Statistique des communes.

316. Suppression par la loi du 5 avril 1882 de la participation des plus imposés à la gestion des affaires communales.

317. Election des conseils municipaux; unité de liste électorale.

318. Élection au scrutin de liste pour toute la commune; exception au cas de création de sections électorales par le conseil général.

319. Conditions d'éligibilité; loi du 5 avril 1884, art. 31.

320. Causes d'incapacité, d'inėligibilité et d'incompatibilité.

321. Durée et renouvellement des conseils municipaux; historique; situation actuelle; loi de 1884, art. 41.

322. Rares élections partielles de conseillers municipaux.

323. Contentieux des élections municipales; renvoi.

324. Sessions ordinaires et extraordinaires des conseils municipaux.

325. Séances et votes.

326. Publicité des séances; communication des délibérations.

327. Démissions volontaires et démissions déclarées des conseillers muni

cipaux.

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