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ACTES ET ARRÊTÉS DES MAIRES

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Les actes par lesquels le maire agit, soit comme représentant de l'administration supérieure, soit comme magistrat municipal, sont des actes de la puissance publique : ce sont des actes d'autorité, qui portent le nom d'arrêtés municipaux.

Les actes par lesquels les maires fonctionnent comme représentant la personnalité civile de la commune, et exercent les fonctions que nous avons vues énumérées par l'article 90 de la loi de 1884, sont principalement des actes de gestion. Nous aurons à en parler d'une manière spéciale, en traitant des actes de la vie civile des communes et dans quelques autres parties de cet ouvrage.

Nous devons nous occuper ici des actes d'autorité des maires, ou arrêtés municipaux, auxquels s'appliquent les articles 94 et 95 de la loi du 5 avril 1884, qui reproduisent, à peu de choses près, les dispositions de l'article 11 de la loi du 18 juillet 1837.

Les arrêtés municipaux pris par le maire en conséquence de ces dispositions se divisent en deux classes: en arrêtés individuels et spéciaux, et en arrêtés généraux ou réglementaires, suivant la distinction déjà faite en ce qui concerne les actes du pouvoir exécutif [nos 64 à 73] et les actes des préfets [nos 140, 151, 153].

Le maire prend des arrêtés à l'effet: 1° d'ordonner les mesures locales sur les objets confiés par les lois à sa vigilance et à son autorité; 2° de publier de nouveau les lois et les règlements de police et de rappeler les citoyens à leur observation (L. 5 avril 1884, art. 94). Les arrêtés pris par le maire sont immédiatement adressés au sous-préfet ou, dans l'arrondissement du chef-lieu du département, au préfet. Le préfet peut les annuler ou en suspendre l'exécution. Ceux de ces arrêtés qui portent règlement permanent ne sont exécutoires qu'un mois après la remise de l'ampliation constatée par les récépissés délivrés par le sous-préfet ou le préfet. Néanmoins, en cas d'urgence, le préfet peut en autoriser l'exécution immédiate (art. 95).

290. Les arrêtés municipaux de la première classe, arrêtés individuels et spéciaux, se subdivisent eux-mêmes en deux catégories. Les uns portent des nominations ou révocations des employés municipaux [nos 281 à 283], et les autres contiennent des autorisations, injonctions ou prohibitions diverses; ils constituent des actes administratifs proprement dits, qualification dont nous avons fait connaître toute la portée [nos 68 et 69].

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ACTES ADMINISTRATIFS PROPREMENT DITS

Les arrêtés municipaux de cette catégorie ne deviennent obligatoires que par la notification qui en est faite aux parties intéressées. Comme constituant des actes administratifs proprement dits, ils sont susceptibles, lorsqu'ils lèsent des droits acquis, de recours au conseil d'État par la voie contentieuse, indépendamment du recours par la voie gracieuse devant les supérieurs hiérarchiques du maire. Le recours au conseil d'État est ouvert de plano toutes les fois que l'acte est attaqué pour excès de pouvoir ou incompétence [nos 431 à 437].

Ces arrêtés, fort divers et très nombreux, pris par les maires sur les objets confiés à leur vigilance et leur autorité, peuvent concerner notamment la police municipale, la police rurale et la voirie municipale. Une des sources les plus fécondes d'arrêtés individuels et spéciaux des maires est la matière de l'alignement, dont les règles appartiennent à la voirie municipale. Tous ces arrêtés des maires peuvent, en vertu de l'article 95 ci-dessus, et indépendamment de tout caractère contentieux, être annulés par l'autorité préfectorale, seule compétente à cet égard, lorsqu'ils ne violent aucun droit; il en était de même d'après l'article 11 de la loi du 18 juillet 1837. Ce droit d'annulation est tellement absolu et indéfini que le conseil d'État a pu reconnaitre (arrêt du 11 août 1859) qu'il peut toujours être exercé, même nonobstant une approbation antérieure du préfet.

291. La seconde classe d'arrêtés municipaux se compose des arrêtés généraux ou réglementaires, par lesquels le maire exerce l'autorité réglementaire dont il est investi en matière de police municipale, de police rurale et de voirie municipale.

Le maire réglemente pour la commune, troisième unité administrative, comme le préfet pour le département, et le pouvoir exécutif pour toute la France. Mais il y a cette différence, que l'autorité réglementaire du maire est limitée par la loi, par les règlements généraux du pouvoir exécutif et par les règlements départementaux du préfet, tandis que celle du préfet n'est bornée que par la loi et les règlements généraux, et que le pouvoir exécutif, au sommet de la hiérarchie administrative, ne connaît

REGLEMENTS PERMANENTS ET TEMPORAIRES

333 d'autre limite que la loi dans l'exercice de son autorité réglementaire. En outre, de même que les règlements préfectoraux sont soumis au contrôle ministériel, les arrêtés réglementaires du maire sont soumis à l'approbation du préfet, qui peut les annuler; nous pensons, avec une circulaire du ministre de l'intérieur du 1er juillet 1840, que le préfet ne peut y faire aucun changement même partiel, et, contrairement à cette circulaire, que le préfet, avant l'article 99 de la loi du 5 avril 1884, n'avait pas le droit de prendre par lui-même un arrêté de police municipale en cas de refus du maire [n° 304).

Ces arrêtés réglementaires se subdivisent eux-mêmes, ainsi que cela résulte de l'article 95, en deux catégories.

292. Les arrêtés portant règlement permanent ne sont exécutoires qu'un mois après avoir été remis au sous-préfet, à moins que le préfet ne les ait, avant l'expiration de ce délai, revêtus de son approbation expresse. C'est ce qui résultait déjà de l'article 11 de la loi de 1837. Nous avons toujours soutenu, contrairement à la jurisprudence de la cour de cassation (14 mars 1850; 15 novembre 1860; 12 mars 1868, Hardy), mais conformément à la circulaire ministérielle du 1er juillet 1840, que le délai d'un mois n'avait été établi qu'afin de donner au préfet le temps de faire un mûr examen, et que, par suite, il pouvait, dès son examen achevé, renoncer à ce délai et rendre le règlement municipal immédiatement exécutoire en l'approuvant. Le dernier paragraphe de l'article 95 de la loi du 5 avril 1884 lui a été ajouté, afin de faire triompher cette solution par une disposition échappant désormais à toute controverse. Nous avons adhéré au contraire sur un autre point à la jurisprudence de la cour de cassation, en ce que, conformément aux principes ci-dessus exposés, elle décide (25 novembre 1859) que le droit des préfets d'annuler les arrêtés municipaux ou d'en suspendre l'exécution existe même à l'égard des règlements permanents, et encore bien que ces règlements aient été déjà revêtus de l'approbation préfectorale.

Les arrêtés portant règlement temporaire sont pris en vue de circonstances transitoires dont la cessation abrogera virtuelle

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ment le règlement, tels que les arrêtés qui fixent la taxe du pain en vertu de la loi ci-dessus appréciée de 1791 (C. cass. ch. crim. 21 et 29 novembre 1867, S. 68, 1, 276); ceux-ci sont exécutoires immédiatement, c'est-à-dire le lendemain du jour de leur publication, avant toute approbation préfectorale expresse ou tacite, sauf l'annulation que le préfet pourra ultérieurement prononcer, en respectant les faits accomplis dans l'intervalle.

293. A côté des arrêtés municipaux réglementaires, se placent ceux, participant de leur nature, par lesquels, aux termes de l'article 94 § 2 de la loi de 1884. le maire, sans pouvoir modifier les actes d'une autorité supérieure à la sienne, « public de nouveau << les lois et règlements de police et rappelle les citoyens à leur << observation ». Ce texte comprend les anciens règlements antérieurs à 1789, aussi bien que ceux postérieurs à cette époque ou au Code pénal de 1810, sans que leur force obligatoire, quelle que soit la période à laquelle ils appartiennent, dépende d'une publication nouvelle faite par les soins du maire. Cette solution, contestée dans la doctrine, résulte de l'article 484 du Code pénal législativement interprété par l'avis du conseil d'État du 8 février 1812, ci-dessous rapporté.

D'un très important arrêt de la cour de cassation (ch. crim. du 1er décembre 1866, rendu sur l'application de l'ordonnance de police pour la ville de Paris du 6 novembre 1778, enjoignant aux aubergistes et logeurs de ne souffrir dans leurs hôtels, maisons et chambres, aucunes gens sans aveu, femmes ni filles de débauche, sous peine de 200 francs d'amende, il résulte que les lois et règlements de police statuant sur des matières confiées par la loi des 16-24 août 1790 à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, et antérieurs à cette loi, n'ont plus aujourd'hui pour sanction que des peines de simple police (art. 471 n° 15, C. p.). Par suite, le tribunal de simple police, à l'exclusion du tribunal de police correctionnelle, est seul compétent pour connaître de la poursuite. Les articles 91 et 97 de la loi du 5 avril 1884 n'ont apporté aucune modification à cet état de choses.

PUBLICATION, NOTIFICATION, TRANSCRIPTION

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Considérant que l'article 484 du Code pénal de 1810, en ne chargeant les cours et tribunaux de continuer d'observer les lois et règlements particuliers non renouvelés par ce Code que dans les matières qui n'ont pas été réglées par ce Code même, fait clairement entendre que l'on doit tenir pour abrogées toutes les anciennes lois, tous les anciens règlements, qui portent sur des matières que le Code a réglées, quand même ces lois et règlements prévoiraient des cas qui se rattachent à ces matières, mais sur lesquels ce Code est resté muet; qu'à la vérité, on ne peut pas regarder comme réglées par le Code pénal de 1810, dans le sens attaché à ce mot réglées par l'article 484, les matières relativement auxquelles ce Code ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées, et ne formant pas un système complet de législation; et que c'est par cette raison que subsistent encore, quoique non renouvelées par le Code pénal de 1810, toutes celles des dispositions des lois et règlements antérieurs à ce Code, qui sont relatives à la police rurale... et autres objets semblables que ce Code ne traite que dans quelques-unes de leurs branches (C. d'Ét. avis du 8 février 1812).

294. La loi du 5 avril 1884 a subordonné le caractère exécutoire des arrêtés du maire à leur publication par voie d'affiches << toutes les fois qu'ils contiennent des dispositions générales »>, et, dans tous les autres cas, par voie de notification individuelle. L'inscription des actes du maire sur le registre de la mairie était recommandée par les instructions ministérielles, mais n'était pas prescrite par les lois antérieures. L'article 96 § 4 de la loi de 1884 a comblé cette lacune. La circulaire ministérielle du 15 mai 1884 dit que cette prescription a pour but « de mieux assurer la con<<servation >> des arrêtés municipaux; il convient d'ajouter qu'elle facilite aussi l'exercice des voies de recours. Bien que le texte de l'article 96 § 4 se borne à dire que ces actes seront «< inscrits »>, il s'agit de leur transcription intégrale. Elle est nécessaire pour l'application de l'article 58 de la loi.

L'extrême importance des attributions des maires, et spécialement de leurs attributions de police, pourrait facilement donner un caractère abusif et tyrannique à des prérogatives consacrées par la loi comme autant de mesures tutélaires, si le contrôle des administrés eux-mêmes, de la presse, de l'opinion publique, ne se joignaient à la surveillance de l'administration supérieure et à la sanction électorale. L'article 96 § 3 et l'article 58 ont pour objet de permettre l'exercice de ce contrôle populaire. Néanmoins

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