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LOI DU 3 JUILLET 1889

ment: 1° ceux qui auront contrevenu au ban des vendanges ou autres bans autorisés par les règlements (Code pénal, art. 475 1o).

1

285. La loi du 9 juillet 1889 sur le Code rural (Parcours, vaine pature, bans des vendanges, vente des blés en vert; durée du louage des domestiques et ouvriers ruraux) est venue (art. 13) aggraver encore la situation résultant des textes ci-dessus et de la jurisprudence, ea ce qui concerne les bans de vendanges. Elle permet au conseil municipal, avec l'assentiment du conseil général, d'établir le ban des vendanges, même dans les communes où il n'est pas en usage. Nous avons protesté à plusieurs reprises contre cette innovation dans un sens rétrograde, et demandé la substitution à son article 13, avant qu'il ne fût définitivement voté, d'une nouvelle disposition ainsi conçue : « Le ban des vendanges et tous les bans municipaux en usage dans diverses parties de la France sont expressément abolis. L'article 475 no 1 du Code pénal est abrogé ». La commission de la Chambre des députés, bien que partagée, s'était en définitive, prononcée dans le même sens 2, à deux reprises. Le texte voté par le Sénat,

1 Notre communication dans les premiers mois de l'année 1882 à l'Académie des Sciences morales et politiques (Comptes-rendus de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 17, pp. 895 et suiv.; et nos Etudes de droit public, VII, les bans de vendanges et autres, pp. 237 à 256, et VIII, la liberté des récoltes, pp. 257 à 261; 1887).

Le rapport de la commission constate que la commission a été partagée sur la question des bans de récolte; mais « elle a toutefois autorisé son rapporteur à présenter les conclusions suivantes : Pour justifier une atteinte aussi sérieuse au droit de propriété, une dérogation aussi grave aux principes essentiels de la législation, il faudrait, à nos yeux, des considérations d'ordre public, et nous ne sommes ici en présence que d'une coutume démodée, que d'une routine injustifiable. La loi de 1791 n'osait déjà que timidement consacrer le droit des municipalités à publier des bans de vendanges; depuis près d'un siècle, beaucoup d'erreurs et de préjugés ont disparu, l'intelligence et l'instruction se sont développées, et nous n'avons à redouter aucune protestation de l'opinion publique en abolissant formellement les bans de vendanges et autres. En conséquence, l'article 13 du projet votė par la commission (ancien article 12 du projet voté par le Sénat) était ainsi çonçu: « Les bans de vendanges et autres sont supprimés ». (Rapport déposé le 14 juillet 1882 par M. Casimir Périer, député de l'Aube, au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi adopté par le Sénat sur le Code rural, titres 2 et 3, parcours, vaine pâture, ban des vendanges, etc., no 1147).

* Plus tard un deuxième rapport, par M. Chavoix, déposé sur le bureau de la Chambre des députés le 27 juillet 1883 (session de 1883, n° 2220), a

BANS DE VENDANGES ET DE TROUPEAU COMMUN

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et aggravant à la fois le projet primitif du nouveau Code rural, l'ancien Code rural de 1791, et l'article 475 1o du Code pénal, n'en est pas moins devenu l'article 12 de la loi du 9 juillet 1889. Nous reproduisons le tableau de ces quatre rédactions et solutions contraires 1.

286. L'article 7 de la même loi du 9 juillet 1889 se borne à maintenir au profit de tout propriétaire et de tout fermier, dans les pays de vaine pâture, le droit de ne pas confondre leur bétail dans le troupeau commun et de le faire garder séparément, consacré par l'article 12 du code rural des 28 septembre-6 octobre 1791 (titre 1er, section iv). Malheureusement ce texte, qui pouvait aussi réaliser un progrès, par rapport, non à la disposition de 1791, mais à l'interprétation restrictive que la jurisprudence lui a donnée, a également consacré cette atteinte à la liberté agricole. Contrairement en effet à un arrêt de la chambre des requêtes du 8 mai 1838 (S. 1838, 1, 860), la chambre criminelle juge

reproduit ces dispositions sans aucune modification sur le point qui nous occupe.

PROJET DU

GOUVERNEMENT.

1 CODE RURAL DE 1791. Cependant dans Dans les lieux les pays où le ban où le ban des vendes vendanges est danges est en usaen usage, il pourra ge, il peut être être fait à cet supprimé par le égard un règle conseil municipal. ment chaque an- S'il est maintenu, née par le conseil il est réglé chaque général de la com- année par arrêté mune, mais seu- du maire.Les preslement pour les vi- criptions de cet gnes non closes. arrêté ne sont applicables qu'à la vendange des vignes qui ne sont pas closes.

PROJET VOTÉ
PAR LA COMMISSION
DE LA CHAMBRE

DES DÉPUTÉS,
Les bans de ven-1
danges et autres
sont supprimés.

LOI DU 9 JUILLET 1889

ARTICLE 13.

Le ban des vendanges ne pourra être établi ou même maintenu que dans les communes où le conseil municipal l'aura ainsi décidé par délibération soumise au conseil général et approuvée par lui. S'il est établi ou maintenu, il est réglé chaque année par arrêté du maire. Les prescriptions de cet arrêté ne sont pas applicables aux vignobles clos de la manière indiquée par l'article 6.

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que le texte de 1791, reproduit par la loi de 1889 (art. 7), interdit à plusieurs propriétaires de réunir leurs troupeaux en un seul sous la garde d'un même påtre. Une telle restriction au droit de propriété et au principe de liberté des exploitations devrait être écrite dans un texte formel 2. Nous ne le trouvons, ni dans la disposition législative de 1791, ni dans celle de 1889. Elles ne prohibent, ni l'une ni l'autre, le troupeau collectif. Mais le législateur de 1889, en s'appropriant à cet égard les prescriptions de 1791, a formellement déclaré qu'il les entendait comme la jurisprudence 3. Il en résulte, en fait,que, pour éviter le tribunal de simple police, les cultivateurs qui ne veulent pas du troupeau commun doivent envoyer aux champs 2, 3, 4, 5 enfants ou adultes, pour faire la besogne d'un seul, ce que l'enseignement primaire obligatoire. rend plus difficile que jamais.

L'usage du troupeau en commun n'est pas obligatoire. Tout ayant droit peut renoncer à cette communauté et faire garder par troupeau séparé le nombre de têtes de bétail qui lui est attribué par la répartition générale (Loi sur le Code rural (titres II et III) du 9 juillet 1889, art. 7).

287. Les maires, en vertu de leurs attributions de police rurale, ont le droit de réglementer le glanage, le râtelage et le grappillage, là où, en raison des anciens usages, le Code rural de 1791 et le Code pénal les ont maintenus. Ce maintien n'a lieu qu'au profit des seuls indigents, « gens àgés, débiles, petits enfants, << infirmes, sous peine d'être punis comme voleurs (Ordonnance « de 1554) ». Le règlement du maire ne peut porter atteinte au droit absolu du propriétaire de ramasser ou faire ramasser par ses gens les épis épars et les grappes oubliées.

Les glaneurs, les râteleurs et les grappilleurs, dans les lieux où les usages de glaner, de råteler et de grappiller sont reçus, n'entreront dans

1 C. cass. ch. crim. 9 février 1838 (S. 1838, 1.938), 28 juillet 1839 (S. 1839, 1, 809), 2 décembre 1841 (S. 1842, 1, 936), 28 novembre 1879, Bossu (S. 1880, 1, 141).

2 Nos Etudes de droit public, pages 253 à 255.

3 « Notre désir de faire disparaitre tout ce que le maintien du droit a d'inconvénients graves au point de vue de la liberté d'exploitation a cédé devant la nécessité de respecter les conséquences forcées de la société de pâturage organisée entre tous les intéressés (Rapport au Sénat, par M. Malens, du 22 février 1878) ».

NOUVEAU CODE RURAL

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329 les champs, prés et vignes récoltés et ouverts qu'après l'enlèvement entier des fruits. Le glanage, le râtelage et le grappillage sont interdits dans tout enclos rural (L. 28 septembre-6 octobre 1791, titre II, art. 21). - Dans les lieux de parcours ou de vaine pâture, comme dans ceux où ces usages ne sont point établis, les pâtres et les bergers ne pourront mener des troupeaux d'aucune espèce dans les champs moissonnés et ouverts que deux jours après la récolte entière (art. 22). — L'héritage sera réputé clos lorsqu'il sera entouré d'un mur de quatre pieds de hauteur, avec barrières ou portes, ou lorsqu'il sera exactement fermé et entouré de palissades ou de treillages, ou d'une haie vive, ou d'une haie sèche faite avec des pieux ou cordelée avec des branches, ou de toute autre manière de faire des haies dans chaque localité, ou enfin d'un fossé de quatre pieds de large au moins à l'ouverture et de deux pieds de profondeur (titre Ier, sect. iv, art. 6). — Seront punis d'une amende de 1 à 5 francs ceux qui auront glané, râtelé ou grappillé dans les champs non encore entièrement dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil (Code pénal, art. 471 § 10).

288. Les numéros qui précèdent, dans lesquels nous rapprochons des dispositions législatives qu'un siècle sépare, celles de 1791 et de 1889, rendent nécessaires quelques explications historiques sur la réforme entreprise des lois rurales de la France. L'insuffisance du Code rural de 1791 était depuis longtemps reconnue; un nouveau code rural était l'objet des vœux des populations et des préoccupations des pouvoirs publics. Dans le cours des années 1856, 1857 et 1858, trois rapports successifs, sur trois titres distincts d'un projet de code rural, furent soumis à l'empereur, à titre de projet de loi d'un grand intérêt national, par le Sénat impérial, en vertu de l'article 30 de la Constitution de 1852. Ce projet de code rural fut depuis élaboré par le conseil d'État. D'importantes explications furent données par le ministre président du conseil d'État dans la séance du Sénat du 10 février 1866, sur ces travaux présentant de grandes difficultés, intéressant à la fois les matières civiles et les matières administratives. Un décret impérial du 10 juillet 1868 ordonna l'envoi au Corps législatif du livre premier (régime du sol) du projet de code rural délibéré en assemblée générale du conseil d'État. Les événements politiques ont laissé longtemps cet important travail à l'état de projet. Il contenait dix titres relatifs aux chemins ruraux, au parcours et à la vaine pâture, à l'exploita

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LOIS DE 1881-1889 RELATIVES AU CODE RURAL tion rurale, etc. Plusieurs dispositions intéressaient la police rurale; mais le troisième livre devait lui être exclusivement consacré; le second livre de ce projet de code rural traitait du régime des eaux.

Le 13 juillet 1876, le gouvernement a saisi le Sénat de la République des parties du code rural terminées par l'ancien conseil d'État, celles concernant le régime du sol et le régime des eaux. Il en a été détaché divers titres relatifs aux parcours, à la vaine påture et aux bans de vendanges, à la mitoyenneté des clôtures, aux plantations, et aux droits de passage en cas d'enclave, au bail à colonage partiaire. Le Sénat a décidé d'en faire autant de lois distinctes, dont la réunion ultérieure constituerait le Code rural. Antérieurement, dans sa séance du 24 janvier 1880, le Sénat avait été saisi d'un projet de loi spécial sur le régime des eaux, en 186 articles, qui, tout en reproduisant le cadre du titre correspondant du projet primitif de code rural, avait pour objet de l'élargir et d'y introduire des modifications notables (Journal officiel du 14 février 1880, page 1704).

En conséquence du principe de division du projet de loi général sur le code rural, le pouvoir législatif a voté sept lois diverses, qui en sont autant de parties, et dont chacune porte le titre principal de loi relative au Code rural, avec un sous-titre indiquant l'objet spécial de chacune d'elles. Ce sont les lois suivantes: du 20 août 1881, chemins ruraux; du 20 août 1881, chemins et sentiers d'exploitation; du 20 août 1881 portant modification des articles du Code civil relatifs à la mitoyenneté des clôtures, aux plantations et aux droits de passage en cas d'enclave; du 19 février 1889, restriction du privilège du bailleur de fonds rural et attribution des indemnités dues par suite d'assurance; du 4 avril 1889, animaux employés aux exploitations rurales; du 18 juillet 1889, bail à colonat partiaire; du 9 juillet 1889, parcours, vaine pâture, bans de vendanges, etc. no 284 à 286'.

289. Après avoir successivement expliqué les règles relatives: 1° à la nomination des maires et à l'organisation de l'action municipale, et 2° à leurs attributions, nous devons 3o traiter des actes des maires.

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