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DE NOUVELLES COMMUNES

301 Il y a lieu de regretter le rejet d'un amendement portant « qu'aucune commune nouvelle ne pourrait être créée à moins qu'elle n'eût au moins 2,000 ou 1,500 habitants, et l'insertion dans l'article 3 § 2 d'une disposition de nature à paralyser les garanties cherchées par l'article 5 dans l'intervention du pouvoir législatif. En obligeant l'administration à soumettre à l'enquête, toute demande de modification au territoire communal et de création de commune formée par le tiers des électeurs inscrits, l'article 3 § 2 développe l'agitation qu'il serait sage d'arrêter au point de départ. En effet, depuis la loi du 5 avril 1884 le pouvoir législatif n'a pas cessé de créer de petites communes. Du dénombrement de la population de 1891 à celui de 1896, il n'y a eu que 3 communes supprimées et 29 communes nouvelles créées. Sur neuf communes créées en 1894, six ont une population inférieure à 500 habitants.

258. L'article 3 de la loi du 5 avril 1884, dont nous venons de critiquer une disposition applicable aux créations de communes, et l'article 6 prescrivent les règles relatives aux réunions, distractions de communes, et translations de chefs-lieux. Il faut y joindre l'article 4, relatif au cas où le projet concerne une section de commune, et les articles 7 et 9 qui déterminent les effets légaux des diverses modifications apportées au territoire communal, tant au point de vue du domaine communal que de la représentation communale. A ce dernier point de vue l'article 9, édictant la dissolution de plein droit du conseil municipal, est excessif, lorsque la modification ne porte que sur une bande du territoire communal.

Nous retrouverons les réunions et distractions de communes comme causes créatrices actuelles de sections de communes.

L'article 6 exige que les transferts de chef-lieu, comme les réunions et suppressions de communes, soient prononcés par décrets rendus en conseil d'État, lorsqu'il n'y a pas accord entre le conseil municipal et la commission syndicale élue conformément à l'article 4, ou lorsque le conseil général se prononce contre le projet. Ces dispositions nous paraissent très judicieuses; l'intervention du conseil d'État est une garantie donnée

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MODIFICATIONS DE TERRITOIRE, DE CHEF-LIEU ET

aux parties intéressées. Le projet de loi du 27 octobre 1896 (art 1er) en propose cependant la suppression, pour « permettre <«< d'obtenir une solution plus rapide », en substituant <«< un décret simple au décret en conseil d'État 1»>.

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Toutes les fois qu'il s'agit de transférer le chef-lieu d'une commune, de réunir plusieurs communes en une seule, ou de distraire une section d'une commune, soit pour la réunir à une autre, soit pour l'ériger en commune séparée, le préfet prescrit dans les communes intéressées une enquête sur le projet en lui-même et sur ses conditions. Le préfet devra ordonner cette enquête lorsqu'il aura été saisi d'une demande à cet effet, soit par le conseil municipal de l'une des communes intéressées, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la section en question. Il pourra aussi l'ordonner d'office. Après cette enquête, les conseils municipaux et les conseils d'arrondissement donnent leur avis, et la proposition est soumise au conseil général. (Loi du 5 avril 1884, sur l'organisation municipale, art. 3). -- Si le projet concerne une section de commune, un arrêté du préfet décidera la création d'une commission syndicale pour cette section, ou pour la section du chef-lieu, si les représentants de la première sont en majorité dans le conseil municipal, et déterminera le nombre des membres de cette commission. Ils seront élus par les électeurs domiciliés dans la section. La commission nomme son président. Elle donne son avis sur le projet (art. 4). Les autres modifications à la circonscription territoriale des communes, les suppressions et les réunions de deux ou de plusieurs communes, la désignation des nouveaux chefs-lieux sont réglées de la manière suivante. Si les changements proposés modifient la circonscription du département, d'un arrondissement ou d'un canton, il est statué par une loi, les conseils généraux et le conseil d'État entendus. Dans tous les autres cas, il est statué par un décret rendu en conseil d'État, les conseils généraux entendus. Néanmoins, le conseil général statue définitivement s'il approuve le projet, lorsque les communes ou sections sont situées dans le même canton et que la modification projetée réunit, quant au fond et quant aux conditions de la réalisation, l'adhésion des conseils municipaux et des commissions syndicales intéressés (art. 6). La commune réunie à une autre commune conserve la propriété des biens qui lui appartenaient. Les habitants de cette commune conservent la jouissance de ceux de ces mêmes biens dont les fruits sont perçus en nature. Il en est de même de la section réunie à une autre commune pour les biens qui lui appartenaient exclusivement. Les édifices et autres immeubles servant à un usage public et situés sur le territoire de la commune ou de la section de commune réunie à une autre commune, ou de la section érigée en commune séparée, deviennent la propriété de la commune à laquelle est faite la réunion ou de la nouvelle commune. Les actes qui prononcent des

Projet de loi modifiant la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation communale, présenté par M. Barthou, ministre de l'intérieur (annexe au procèsverbal de la séance de la Chambre des députés du 27 octobre 1896; n° 2060).

DE NOM DES COMMUNES; DÉLIMITATION

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distractions de communes en déterminent expressément toutes les autres conditions. En cas de division, la commune ou la section de commune réunie à une autre commune ou érigée en commune séparée reprend la pleine propriété de tous les biens qu'elle avait apportés (art. 7). — Dans tous les cas de réunion ou de fractionnement de communes, les conseils municipaux sont dissous de plein droit. Il est procédé immédiatement à des élections nouvelles (art. 9).

259. Les lois municipales antérieures n'avaient pas édicté les règles à suivre en ce qui concerne le changement de nom des communes. Il y est désormais pourvu par les articles 2 et 8 de la loi de 1884.

Le changement de nom d'une commune est décidé par décret du prési dent de la République sur la demande du conseil municipal, le conseil général consulté et le conseil d'Etat entendu (L. 5 avril 1884, art. 2). Les dénominations nouvelles qui résultent, soit d'un changement de chef-lieu, soit de la création d'une commune nouvelle, sont fixées par les autorités compétentes pour prendre ces décisions (art. 8).

260. La question de délimitation du territoire des communes limitrophes est soumise à des principes tous autres, que celle plus fréquemment soulevée de la délimitation des sections de communes. Nous verrons que les difficultés de cette dernière sorte se résolvent en une question de propriété de la compétence de l'autorité judiciaire. S'il s'agit au contraire de reconnaître les limites de communes limitrophes, alors même que cette question se produit à l'occasion ou au cours d'un débat de la compétence de l'autorité judiciaire, ce point constitue une question préjudicielle de la compétence de l'autorité administrative. Il en est ainsi en raison des opérations administratives de délimitation, conséquences du caractère de circonscriptions administratives qui appartient aux communes, et non aux sections de communes. Ce principe est consacré par un important arrêt du conseil d'État du 7 août 1883 (communes de Clamart (Seine) et de Meudon (Seineet-Oise). Cet arrêt statue sur d'autres points controversés, relativement à la détermination du juge ordinaire et de droit commun du contentieux administratif au premier degré de juridiction; sur ces autres parties de l'arrêt nous faisons nos réserves [no 520].

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261. Avant 1884 les règles relatives à l'administration municipale se trouvaient éparses: 1° dans les lois d'organisation du 5 mai 1855, du 14 avril 1871, du 7 juillet 1874 sur l'électorat municipal, du 28 mars 1882 sur la nomination des maires et des adjoints, et 2 dans les lois d'attributions du 18 juillet 1837 et du 24 juillet 1867.

Une loi générale organique, remplaçant toutes ces lois municipales diverses, avait été fréquemment promise depuis 1870. Après des vicissitudes diverses, qui ont duré près de dix années, les projets successivement pris et repris ont enfin abouti à la loi sur l'organisation municipale du 3 avril 1884, dont nous expliquons en ce moment le titre 1er intitulé des communes (art. 1 à 9). A la différence des précédentes, cette loi, comme celle du 10 août 1871 pour l'administration départementale, est à la fois une loi d'organisation et une loi d'attributions. Mais de plus que la loi départementale de 1871, elle embrasse l'ensemble de l'administration communale. Son article 168, avec un grand luxe d'énumération, abroge toutes les lois antérieures traitant de l'administration municipale. La loi du 5 avril 1884 a rendu un grand service au pays, en codifiant ainsi, avec des modifications diverses, la plupart des dispositions législatives relatives aux communes.

Un caractère commun aux lois du 5 avril 1884 et du 10 août 1871 est aussi que ni l'une ni l'autre ne s'applique au département de la Seine et à la ville de Paris (L. 1871, art. 94; L. 1884, art. 168 no 28). Notre section IV leur est consacrée [nos 389 à 411].

262. La loi du 5 avril 1884 contenait, lorsqu'elle a été promulguée, sept titres et 168 articles (sans compter une disposition transitoire). Une loi du 22 mars 1890 a ajouté à celle de 1884 un titre VIII (art. 169 à 180), intitulé Des syndicats de communes. Des propositions mal étudiées avaient été rejetées dans le cours de la discussion de la loi de 1884, qui du reste avait consacré deux sortes de dispositions au règlement des intérêts communs à plusieurs communes. Les unes appliquent aux communes l'institution, déjà consacrée pour les départements [no 193 et 1941, des conférences intercommunales (L. 1884, art. 116 à

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118), et les autres forment le titre V (art. 161 à 163) intitulé << des biens et droits indivis entre plusieurs communes ». Du reste le peu d'application, depuis 1890, de l'institution nouvelle des syndicats de communes, semble prouver que les critiques adressées à la loi de 1884, en raison de cette lacune, reposaient en grande partie sur des illusions 1.

263. « Le corps municipal de chaque commune se compose du maire, d'un ou de plusieurs adjoints et du conseil municipal », portait l'article 1er de la loi du 5 mai 1855 sur l'organisation municipale; et toutes les lois municipales depuis le commencement du ixe siècle s'exprimaient de la même manière. L'article 1er de la loi du 5 avril 1884 a interverti l'ordre des éléments dont se compose l'administration municipale en disant : « Le corps mu<<nicipal de chaque commune se compose du conseil municipal, << du maire, et d'un ou plusieurs adjoints ». Il n'en reste pas moins vrai, d'une part, que le maire, restant le président du conseil municipal, conserve la préséance; et que, d'autre part, malgré l'ordre contraire, préféré pour la première fois par la loi du 5 avril 1884, il est toujours plus logique de traiter de l'action administrative, confiée au maire, avant de parler de la délibération administrative confiée au conseil municipal.

Du reste, la loi de 1884, tout en consacrant d'importantes mesures de décentralisation, conserve, comme les lois de 1833, 1837, 1855 et 1867, les bases du système, contraire à celui des administrations collectives de 1790 et de l'an III, introduit par les articles 12, 13, 14 et 15, formant le paragraphe 3 du titre II de la loi du 28 pluviôse de l'an VIII [no 91]. Ils ont séparé, dans la commune, comme dans l'État et le département, l'action, la délibération et la juridiction.

264. Le maire, les adjoints, le conseil municipal feront l'objet des paragraphes 2, 3 et 4 de cette section. Dans un cinquième nous traiterons des intérêts communs à plusieurs communes, des

1 Nos Etudes sur la loi municipale du 3 avril 1884, 3e étude (pp. 83 à 112).

T. I.

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