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COURS

DE

DROIT ADMINISTRATIF

ET DE

LÉGISLATION FRANÇAISE DES FINANCES

AVEC INTRODUCTION DE DROIT CONSTITUTIONNEL

ET LES PRINCIPES

DU DROIT PUBLIC FRANÇAIS

INTRODUCTION

SOMMAIRE.

1. Définition et division du droit public; ses rapports avec le droit privé. 2. Droit public externe; droit public interne.

3. Définition et domaine du droit administratif; droit constitutionnel. 4. Division du Cours de droit administratif en trois parties ou titres. 5. Rapport général entre ces deux branches du droit public interne, le droit constitutionnel et le droit administratif.

6. Fixation des principes du droit public par la première; leur application partielle par la seconde renvoi à la deuxième partie du Cours. 7. Autre point de contact: principe de la séparation des pouvoirs. 8. Triple point de vue de l'étude de ce principe; points de vue spéculatif et historique réunis; point de vue du droit positif actuel.

1. Le Droit se divise, d'une manière générale, en deux grandes branches le droit public et le droit privé.

:

Le Droit privé règle les rapports des individus entre eux; il se subdivise en droit civil, droit commercial, droit de procédure, tous compris dans l'oeuvre de la codification des lois françaises accomplie au commencement du XIXe siècle.

Le Droit public, au contraire, sauf la partie comprise dans les

T. I.

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DÉFINITION ET DIVISION DU DROIT PUBLIC

codes pénal et d'instruction criminelle, n'est pas codifié; il a pour objet de régler les rapports de l'État soit avec les autres États, soit avec les individus, citoyens ou non citoyens, habitant le territoire de cet État; il se subdivise ainsi en droit public interne et droit public externe.

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Ces deux grandes branches du droit, le droit public et le droit privé, ont plus d'un rapport entre elles; aussi Bacon a pu dire : << Le droit privé repose sous la sauvegarde du droit public 1», et « le droit public est placé près du droit privé, comme le << gardien chargé d'en empêcher la violation et d'arrêter les in<< justices » ; et Rossi, que « c'est dans le droit public que se << trouvent les têtes de chapitres du droit privé 3 ».

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2. Le droit public externe, celui qui règle les rapports de l'État avec les autres États, forme le droit international public ou droit des gens. Le mot droit public a été souvent employé, par Montesquieu par exemple, pour désigner exclusivement cette première branche du droit public; d'Aguesseau fait au contraire la distinction entre le droit public extérieur et intérieur.

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Le droit public interne, qui règle les rapports de l'État avec les individus, comprend, en outre du droit pénal déjà mentionné, et de tout ce qui est relatif à l'organisation judiciaire, deux autres parties principales: le droit constitutionnel et le droit administratif. C'est dans le même sens que s'exprimait Rossi 6 en disant « Le droit des gens, le droit constitutionnel, et le << droit administratif, sont trois grandes branches du même tout, << le droit public ».

Si l'illustre président au parlement de Bordeaux, au xvII° siècle,

At jus privatum sub tutela juris publici latet (Exemplum tractatus de justitia universali, sive de fontibus juris, in uno titulo per aphorismos Aphorismus III).

Neque tamen jus publicum ad hoc tantum spectat, ut addatur tanquam custos juri privato, ne illud violetur, atque ut cessent injuriæ; sed extenditur etiam ad religionem, et arma, et disciplinam, et ornamenta, et opes, denique ad omnia circa bene esse civitatis (Aphorismus IV).

3 Cours de Droit constitutionnel, t. Ier, p. LVIII.

• Lettres persanes, lettres 95 et 96 (dans les deux leçons de cette dernière lettre); l'Esprit des Lois, liv. X, ch. 1. — Institution au droit public. Cours de Droit constitutionnel, t. Ier, p. LVI.

DU DROIT CONSTITUTIONNEL ET DU DROIT ADMINISTRATIF

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a trop restreint le terme de droit public, pris comme synonyme de droit des gens, Domat, au contraire, s'occupant surtout du droit public interne, l'avait employé, au xvIe siècle, d'une manière trop compréhensive, en mêlant aux véritables éléments du droit public, non seulement les lois pénales et de procédure criminelle, mais aussi les lois commerciales et de procédure civile. Cette confusion s'explique toutefois, dans notre ancienne jurisprudence, par la différence des institutions et l'absence des principes de séparation des pouvoirs et des autorités.

3. Le Droit administratif, qui fait l'objet du présent ouvrage, est donc, comme le Droit constitutionnel, une des branches du droit public interne. Ainsi se trouve déterminée la place qu'il occupe dans la législation, ainsi que dans l'ensemble des sciences. morales et politiques 2.

Il faut en outre le définir, en le considérant en lui-même et dans ses rapports avec le droit constitutionnel.

Le Droit constitutionnel comprend les règles, écrites ou traditionnelles, relatives à la formation et à la transmission des grands pouvoirs de l'État, au gouvernement politique de la société, et à la détermination des principes de droit public qui servent de base à son organisation.

Le Droit administratif est l'ensemble des principes et des règles qui résultent des lois d'intérêt général et de celles qui président au fonctionnement de tous les organes, non judiciaires, du pouvoir exécutif, chargés de leur application.

Ce droit comprend, par conséquent, dans les vastes limites de cette définition : 1° toute l'organisation administrative et financière de la France, composéé d'agents, de conseils et de tribunaux administratifs; 2° la réglementation par les lois adminis

Le Droit public contenant les matières qui se rapportent à l'ordre général d'un Etat, et les règles des fonctions et des devoirs de toutes sortes de professions par rapport à cet ordre; par Domat, avocat du Roi au présidial de Clermont. Ce traité fait antithèse à son premier ouvrage, consacré au droit privé sous ce titre bien connu : Les Lois civiles dans leur ordre naturel.

• Voir aussi nos Études de Droit public; Introduction; Définition et véritable notion du Droit public, p. 1 à xix; 1887.

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tratives, ayant pour objet de les appliquer, d'une partie considérable des principes de droit public qui consacrent les droits et les devoirs des citoyens et individus dans leurs rapports avec l'intérêt général, y compris la dette publique et l'impôt national, départemental et communal; 3° la création ou la reconnaissance des personnes civiles, États, établissements publics, établissements d'utilité publique, et de personnes civiles à capacité plus restreinte en dehors des catégories qui précèdent.

Il résulte de cette définition et du développement dont nous venons de la faire suivre que le domaine du droit administratif, quoique exactement déterminé, est immense. Sans vouloir, par conséquent, dépasser les bornes d'une science si riche dans ses limites naturelles et de sa propre grandeur, nous devons dire cependant qu'il existe entre ces deux branches du droit public interne, le Droit administratif et le Droit constitutionnel, de telles affinités que le Droit administratif doit supposer connues ou doit préalablement exposer les notions fondamentales du Droit constitutionnel.

4. De ce qui précède découlent aussi, et la nécessité de cet exposé préliminaire qui tient à la fois du Droit constitutionnel et du Droit administratif, et la division rationnelle du Droit administratif et du présent ouvrage.

Le Droit administratif, y compris la législation financière de la France, dégagé des éléments de Droit constitutionnel, qui se rattachent au droit administratif, mais ne doivent pas être confondus avec lui, se divise naturellement, comme on vient de le voir [no 3, en trois parties, formant chacune, après cette introduction [et à partir du n° 55], un titre du présent ouvrage.

Le titre premier comprendra l'organisation et les attributions. des Autorités administratives, des Conseils administratifs et des Tribunaux administratifs.

Le second sera consacré à l'étude des lois administratives, qui appliquent et réglementent les principes de droit public, d'ordre politique, d'ordre financier, d'ordre religieux, d'ordre naturel, civil, économique et social.

SES RAPPORTS AVEC LE DROIT CONSTITUTIONNEL

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Dans le troisième et dernier titre, il sera traité de l'État, des Départements et des Communes considérés comme propriétaires, débiteurs et créanciers, ainsi que des nombreuses personnes civiles qui relèvent du droit administratif, soit à titre d'Établissements publics, soit à titre d'Établissements d'utilité publique, soit en dehors de ces diverses catégories d'établissements.

5. Après avoir formulé la définition du Droit administratif, la division synthétique et rationnelle des vastes matières qu'il embrasse, sa séparation d'avec le Droit constitutionnel, dans le domaine du droit public interne, auquel ils appartiennent l'un et l'autre, nous avons à préciser ici les rapports immédiats, théoriques et pratiques, qui, en outre, existent entre eux.

C'est au Droit constitutionnel qu'il appartient de déterminer les principes qui forment la base du droit public d'un pays et qui garantissent aux citoyens et aux individus la jouissance et l'exercice des droits d'ordre politique, d'ordre financier, d'ordre religieux, d'ordre naturel ou civil. Mais ce sont des lois administratives qui, pour une grande part, mettent ces principes en œuvre et fixent leurs conditions d'application.

Aussi le mot heureux, employé pour signaler les rapports du droit public et du droit privé par Rossi [no 1], est-il encore plus absolument vrai, si on l'applique aux liens qui rattachent l'une à l'autre ces deux branches du droit public interne. C'est bien dans le Droit constitutionnel que se trouvent les têtes de chapitres du Droit administratif. L'éminent publiciste le dit lui-même sous une autre forme : « Le droit constitutionnel nous fait connaître « à grands traits l'organisation sociale et politique du pays; le <«< droit administratif nous expose la machine politique dans ses « moindres détails et dans ses nombreuses applications. Il nous << apprend à la faire fonctionner, à en suivre la marche, à en << recueillir les résultats. Le droit constitutionnel et le droit « administratif se tiennent par un rapport assez analogue à celui <«< qui existe entre le droit proprement dit et la loi de procédure ».

1 Cours de Droit constitutionnel, t. Ier, p. LVIII.

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