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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

munes du continent européen, et dont nous parlerons en traitant de l'administration municipale n° 365]. Dans un pays où l'élection populaire est la base de tout pouvoir, le comté n'a aucune représentation élective, pas plus qu'autrefois le comté anglais. Mais, contrairement à l'institution anglaise, le comté américain n'a jamais eu degrands fonctionnaires nommés par le gouvernement. Il n'a jamais eu que des magistrats d'une importance secondaire, nommés par le gouverneur de l'État, pour représenter les intérêts communs des township du comté, et spécialement préparer le budget du comté soumis au vote de la législature.

Cette situation est générale, dans les États du Nord, malgré certaines différences d'organisation d'un État à l'autre, et dans les États du Sud, où l'activité passe plus facilement des représentants du township à ceux du comté.

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255. Définition et caractères distinctifs de la commune.

256. Des créations de communes.

257. Statistique des communes; suppressions et créations de com

munes.

258. Réunions, distractions de communes et translations de chef-lieu.

259. Changements de noms de communes.

260. Délimitation de communes.

261. Caractères de la loi municipale du 5 avril 1884.

262. Titre VIII sur les syndicats de communes ajouté à cette loi par celle du 22 mars 1890; renvoi.

263. Composition de l'administration municipale.

264. Division de la section en sept paragraphes.

255. La loi du 10 juin 1793 (section 1re, art. 2), s'inspirant de la constitution du 3 septembre 1791 (titre 2, art. 8), a défini la commune de la manière suivante: « Une commune est une réu«nion de citoyens unis par des relations locales ».

La commune présente les trois caractères fondamentaux

ADMINISTRATION COMMUNALE

297 déjà signalés dans le département. Elle est à la fois une circonscription administrative, une unité administrative, et une personne civile. Mais elle diffère du département en ce que celui-ci, aussi bien que l'arrondissement, est une création artificielle de la loi, dont l'existence est même relativement récente (1790); tandis que la commune, préexistante à la loi, n'a pas été créée, mais seulement reconnue, consacrée et réglementée par la législation moderne.

Cela tient à cette vérité, démontrée par l'histoire, que'la com. mune n'a rien d'artificiel et a sa raison d'être dans les faits, en ce qu'elle forme une association d'individus naturellement unis, par les intérêts communs qui naissent de leur rapprochement sur un même point du territoire.

Ce fait remarquable domine l'histoire et le régime de l'association communale, dans le passé aux diverses époques de sa transformation, comme dans le présent au XIe siècle, au moment de l'émancipation des communes nées du régime municipal romain et surtout des chartes d'affranchissement; au XVIe siècle, lorsque l'indépendance communale, après sa lutte heureuse contre le pouvoir féodal, subit l'unité politique imposée par le pouvoir royal; en 1789, dans l'institution des municipalités au sein des villes et des campagnes au moyen d'administrations collectives, et depuis 1800, avec l'organisation nouvelle que la commune a reçue de la loi du 28 pluviôse an VIII sur le modèle de l'administration départementale.

256. Une loi seule peut modifier le territoire du département, de l'arrondissement, et même du canton. En ce qui concerne la commune, des distinctions sont nécessaires, suivant la nature des modifications apportées au territoire communal. Si la modification apportée au territoire d'une ou plusieurs communes a pour objet la création d'une commune nouvelle, l'article 5 de la loi municipale du 5 avril 1884 exige une loi. La législation et la jurisprudence ont subi sur ce point de graves vicissitudes et depuis 1789 cinq systèmes ont été successivement appliqués, avec d'étranges retours de jurisprudence.

D'après la constitution du 3 septembre 1791 (titre 2, art. 8 § 2),

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CRÉATIONS DE COMMUNE

il faut une loi. D'après la loi du 18 juillet 1837 (art. 4), une ordonnance royale suffit au cas d'assentiment des conseils municipaux délibérant avec les plus imposés, et, à défaut de ce consentement, pour les communes n'ayant pas 300 habitants sur l'avis affirmatif du conseil général; dans les autres cas, cette loi de 1837 maintenait la nécessité d'une loi. D'après la loi du 24 juillet 1867 (art. 13), un arrêté préfectoral suffisait en cas d'assentiment des conseils municipaux et d'avis conforme du conseil général; un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique était nécessaire en cas de défaut de consentement des conseils municipaux, et une loi en cas d'avis contraire du conseil général; nous donnons ainsi l'interprétation, suivant nous exacte, que ce texte a reçue pendant six ans de trois circulaires du ministère de l'intérieur (3 août 1867, 8 octobre 1871, et 30 mars 1872).

D'après la loi du 10 août 1871 (art. 46 § 26, et 50), le pouvoir conféré aux préfets par la loi du 24 juillet 1867 (art. 13) était dévolu aux conseils généraux. Telle fut du moins la première interprétation, très naturellement donnée à ces textes, par une première circulaire du ministère de l'intérieur du 8 octobre 1871, en harmonie avec celle du 3 août 1867. Mais une seconde interprétation (Circ. min. int. 30 mars 1872) vint dire que l'article 13 de la loi de 1867 subsistait toujours et que les préfets étaient toujours compétents dans les cas sus-indiqués. Enfin une troisième (Circ. min. int. 13 mars 1873; C. d'Ét. avis 17 octobre 1872) porte que, ni les préfets, ni les conseils généraux, n'avaient reçu des lois de 1867 et 1871 le droit de créer dans aucun cas des communes nouvelles, et que l'article 4 de la loi de 1837 n'avait pas cessé d'exister.

Ces revirements de la jurisprudence et de la loi, s'inspirant tour à tour de déconcentration, de décentralisation, et de centralisation, ne sont que la première partie du commentaire de l'article 5 de la loi du 5 avril 1884, ainsi conçu :

Il ne peut être procédé à l'érection d'une commune nouvelle qu'en vertu d'une loi, après avis du conseil général et le conseil d'État entendu.

GRAND NOMBRE DES COMMUNES FRANÇAISES

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257. La seconde partie du commentaire de l'article 5 de la loi de 1884 et de ce retour à l'exigence d'une loi pour toute création de commune nouvelle, se trouve dans la statistique communale de la France et dans son histoire. L'article 7 de la loi du 22 décembre 1789 a participé à l'œuvre de destruction des privilèges de territoires et de villes, comme des privilèges de personnes, accomplie par la grande assemblée. Il porte qu'«< il y aura une << municipalité en chaque ville, bourg, paroisse ou communauté << de campagne ». Le résultat de cette disposition fut la création, suivant les uns, de 44,000 communes1, suivant d'autres de 40,000 ou 41,000, et dans tous les cas d'un nombre beaucoup trop considérable de petites communes3. De 1805 à 1865, 8,000 communes ont été supprimées. A partir de 1865, les créations de communes nouvelles l'emportent sur les réunions. Il n'y a plus, de 1865 à 1872, que 23 suppressions, et de 1872 à 1881, que 4 seulement. Cependant, sur nos 36,170 communes (dénombrement de 1896), il y en a 31,610 qui ont moins de 1,500 habitants; et sur ces 31,610 communes de moins de 1,500 habitants, il y en a 18,054 de moins de 500 habitants. C'est la catégorie de communes la plus nombreuse; elle n'est pas loin de former à elle seule la moitié des communes de France. Il faut remarquer, en outre, que le nombre des communes françaises de 501 à 1,000 habitants s'élève à 9,951 [voir no 3157.

Ainsi, malgré les suppressions accomplies dans notre pays de

1 M. Aucoc, Section de communes, no 34; Boissy d'Anglas, Discours préliminaire de la Constitution de l'an III.

* Daunou, Vivien; MM. Gimel et Hennequin, Journal de la Société de Statistique de Paris, 1889, pp. 74 et 128.

3 Nos Etudes sur la loi municipale du 5 avril 1884, pp. 83 à 112, « suppressions et créations de communes ; statistique des petites communes en France et en Italie; unions de paroisses de l'Angleterre non applicables aux communes de France. »

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TENDANCE CONTINUE A CRÉER

puis 1805, il est vrai de dire que les petites communes y dominent dans cette proportion énorme de 28,005 communes de moins de 1,000 habitants sur 36,170 (statistique des communes de 1896), c'est-à-dire plus des trois quarts des communes de France.

Les petites communes étant trop nombreuses en France, il ne faudrait pas créer de petites communes nouvelles. Ainsi on a raisonné pendant la première partie de ce siècle; on réunissait les petites communes, et on n'en créait point ou peu. Mais, depuis 1865, on n'a presque plus supprimé de petites communes, et on en a créé de nouvelles. De 1838 à 1848, il y a eu 115 créations de communes, ce qui donne une moyenne de 11 par an. De 1869 à 1879, on compte 182 créations, c'est-à-dire une moyenne de 18 par an. Le rapport du ministère de l'intérieur sur le recensement de 1881, pour la période quinquennale écoulée de 1876 à 1881, constate 45 créations de communes contre 4 suppressions seulement; et parmi ces communes de création nouvelle, beaucoup ont moins de 500 et quelques-unes moins de 100 habitants. Les lois de déconcentration de 1867 et de décentralisation de 1871 [n° 256] ont contribué à ces résultats; les conseils généraux et les préfets ont également cédé aux influences poussant aux créations de communes nouvelles. On a espéré que le pouvoir législatif serait mieux placé pour y résister. Dans tous les cas l'article 5 de la loi du 5 avril 1884, en exigeant une loi pour toute création de commune, consacre cette vérité que les créations de communes dépassent la sphère des intérêts locaux, et engagent au premier chef l'intérêt de l'État par la dissémination des ressources, l'augmentation des charges, et la déperdition de forces qui en résultent.

1 Le mot a petites communes », que nous employons pour nous conformer à l'usage, nécessite une explication. Il est pris dans le sens de communes ayant une population peu nombreuse. Il n'implique pas que ces communes aient un territoire de peu d'étendue. Il arrive fréquemment au contraire que la superficie du territoire communal soit en raison inverse de sa population. On comprend sans peine qu'en pays de montagnes, par exemple, de grandes étendues de sommets ou de pentes dénudées ne puissent nourrir qu'un petit nombre d'habitants.

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