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ATTRIBUTIONS POLITIQUES ÉVENTUELLES

nicipaux, au contraire, les vœux de la première sorte sont seuls permis; ceux des deux autres catégories leur sont interdits.

Le conseil général peut adresser directement au ministre compétent, par l'intermédiaire de son président, les réclamations qu'il aurait à présenter dans l'intérêt spécial du département, ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents services publics, en ce qui touche le département. Il peut charger un ou plusieurs de ses membres de recueillir sur les lieux les renseignements qui lui sont nécessaires pour statuer sur les affaires qui sont placées dans ses attributions. Tous vœux politiques lui sont interdits; néanmoins il peut émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d'administration générale (L. 1871, art. 51).

203. 6o En outre des cinq caractères différents que l'ensemble des dispositions de la loi organique du 10 août 1871 a consacrés dans l'institution des conseils généraux, une loi spéciale du 15 février 1872 leur a conféré un sixième caractère.

Ils ne sont plus seulement, d'après cette loi, les représentants de leurs départements respectifs; ils sont éventuellement appelés par elle, dans des circonstances exceptionnelles, à représenter le pays lui-même. Dans l'hypothèse d'un acte de violence faisant disparaître les pouvoirs constitués, cette loi appelle les conseils généraux à les remplacer momentanément, dans les conditions que déterminent ses six articles. Dans cette hypothèse, il est manifeste que les conseils généraux sont transportés dans un domaine qui n'est pas le leur; ils deviennent de véritables corps politiques, pour un moment et dans une éventualité déterminée. Leurs délégués se forment alors en assemblée politique, en raison de l'atteinte portée aux assemblées constituées et aux pou- voirs légaux.

au

Nous avons vu dans notre étude de droit constitutionnel, début de cet ouvrage, l'article 4 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat et la loi organique du 9 décembre 1894, conférer aux membres des conseils administratifs électifs les fonctions d'électeurs sénatoriaux. Ces lois n'ont aucune analogie avec celle qui nous occupe; elles confèrent aux membres des conseils généraux individuellement et isolément un mandat électoral politique; elles ont ainsi donné un caractère politique à toutes les élections locales; mais elles

DES CONSEILS GÉNÉRAUX

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n'ont conféré aux conseils généraux et autres aucune attribution politique même éventuelle. La loi seule du 15 février 1872 est entrée dans cette voie au point de vue des éventualités décrites.

Si l'assemblée nationale ou celles qui lui succéderont viennent à être illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir, les conseils généraux s'assemblent immédiatement, de plein droit, et sans qu'il soit besoin de convocation spéciale, au chef-lieu de chaque département. Ils peuvent s'assembler partout ailleurs dans le département, si le lieu habituel de leurs séances ne leur parait pas offrir de garanties suffisantes pour la liberté de leurs délibérations. Les conseils ne sont valablement constitués que par la présence de la majorité de leurs membres (L. 15 février 1872, relative au rôle éventuel des conseils généraux, art. 1). Jusqu'au jour où l'assemblée, dont il sera parlé à l'article 3, aura fait connaître qu'elle est régulièrement constituée, le conseil général pourvoira d'urgence au maintien de la tranquillité publique et de l'ordre légal (art. 2). — Une assemblée composée de deux délégués élus par chaque conseil général, en comité secret, se réunit dans le lieu où se seront rendus les membres du gouvernement légal et les députés qui auront pu se soustraire à la violence. L'assemblée des délégués n'est valablement constituée qu'autant que la moitié des départements, au moins, s'y trouve représentée (art. 3). — Cette assemblée est chargée de prendre, pour toute la France, les mesures urgentes que nécessite le maintien de l'ordre, et spécialement celles qui ont pour objet de rendre à l'Assemblée nationale la plénitude de son indépendance et l'exercice de ses droits. Elle pourvoit provisoirement à l'administration générale du pays (art. 4). Elle doit se dissoudre aussitôt que l'Assemblée nationale se serait reconstituée par la réunion de la majorité de ses membres sur un point quelconque du territoire. Si cette reconstitution ne peut se réaliser dans le mois qui suit les événements, l'assemblée des délégués doit décréter un appel à la nation pour des élections générales. Ses pouvoirs cessent le jour où la nouvelle Assemblée nationale est constituée (art. 5). Les décisions de l'assemblée des délégués doivent être exécutées, à peine de forfaiture, par tous les fonctionnaires, agents de l'autorité et commandants de la force publique (art. 6).

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C. Sanction des règles précédentes.

204. Sanction des règles relatives à l'organisation et aux attributions des conseils généraux; réunions et délibérations illégales.

205. Application aux délibérations des conseils généraux du recours pour excès de pouvoir.

206. Réglementation du droit de dissolution.

204. En outre des sanctions particulières propres à chaque sorte de délibérations du conseil général et qui sont constitutives

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DROIT D'ANNULATION; RÉUNIONS ET

de leur régime légal tel que nous l'avons analysé (art. 41, 47, 49, 53, 57, 61 de la loi de 1871), il y a des sanctions qui présentent un caractère général et s'appliquent à l'ensemble des dispositions relatives, soit à l'organisation, soit aux attributions des conseils généraux.

Les articles 33 et 34 de la loi du 10 août 1871 ont à la fois ce double caractère général et sanctionnateur. Ils reproduisent, avec quelques différences de rédaction, les dispositions des articles 14 et 15 de la loi de 1833, destinées également à servir de sanction aux règles relatives, soit aux réunions du conseil général, soit aux limites de leur pouvoir. Il faut bien remarquer que ce sont là des dispositions d'ordre public qui dominent l'ensemble des dispositions de la loi du 10 août 1871, de même qu'elles dominaient, dans la législation antérieure, et les règles relatives à l'organisation, et celles relatives aux attributions des conseils généraux, bien que ces règles fussent écrites alors dans deux lois différentes.

La déclaration de nullité au cas de l'article 33 doit être particulière à chaque délibération illégale; et le décret qui la prononce n'est soumis à aucune espèce de délai (D. 26 déc. 1873, 9 juillet 1874, 7 et 21 sept. 1877, etc.).

La violation de l'article 51 de la loi de 1871, qui interdit aux conseils généraux « tous voeux politiques », a donné lieu à de nombreux décrets d'annulation de délibérations de conseils généraux, rendus en exécution de l'article 33 de la loi de 1871 (Décrets des 14 mai 1872, 25 juin 1873, 24 décembre 1873, 26 janvier, 2 juin, 23 juin, 4 août 1874, annulant des délibérations des conseils généraux du Var, Bull. off. 72, p. 235; des Ardennes, 73, p. 326; du Rhône, 74, p. 153; de la Côte-d'Or, 74, p. 154; des Pyrénées-Orientales, 74, pp. 554 et 555; de la Gironde, 74, p. 556; d'Oran, 77, p. 300; du Rhône, 77, pp. 127 et 480, etc.). Nous nous bornons à ajouter encore les décrets des 16 nov. 1880, 8 nov. 1881, et 5 mars 1885 (Var), 29 avril 1880 (Côtes-du-Nord, Finistère, Indre, et autres), 23 sept. 1880 (Drôme et autres), 16 nov. 1880 (Rhône), 4 nov. 1886 (Seineet-Marne, Hérault, Var, et autres), etc.

DÉLIBÉRATIONS ILLÉGALES

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Un décret du 6 février 1875, rendu sur l'avis conforme du conseil d'État (Bull. off. 1875, p. 179), a très juridiquement déclaré nulle et illégale une délibération du conseil général du Rhône invitant le préfet à mandater le complément de subven tions votées aux ouvriers délégués à l'exposition de Vienne, même en ce qui concerne ceux qui, dans leurs rapports, avaient traité de questions politiques et sociales.

Un décret du 2 juillet 1874, rendu encore sur l'avis conforme du conseil d'État (Bull. off. 1874, p. 549), a annulé une délibération du conseil général du Gard, pour violation de cette règle « qu'aucune disposition légale n'autorise ni le conseil gé«néral ni la commission départementale à entrer en relations << avec les municipalités, ni à se concerter avec elles >>.

De nombreux décrets ont annulé des délibérations de conseils généraux pour avoir statué sur des affaires de leur compétence, sans qu'elles aient été préalablement instruites par le préfet. En effet l'article 3 de la loi du 10 août 1871 charge le préfet de l'instruction préalable des affaires intéressant le département (D. 2 janvier 1875 annulant une délibération du conseil général du Cantal en matière de foires et marchés; D. 16 janvier 1875, Isère, en matière de concession de chemins de fer d'intérêt local; Bull. off. 1875, pp. 121 à 125). D'autres ont été annulées comme contraires à la mission confiée au préfet d'assurer l'exécution des décisions (D. 8 janvier 1875, annulant une délibération du conseil général des Vosges revendiquant pour son bureau le droit exclusif de surveiller l'impression du volume de ses délibérations en détenant, jusqu'à ce que l'impression soit terminée, les minutes des procès-verbaux de ses séances, contrairement à l'article 7 de la loi du 28 pluviose de l'an VIII; Bull. off. 1875, p. 118).

Nous citons à la fois, toujours à titre d'exemples, des décrets annulant des délibérations ordonnant l'insertion au procèsverbal de protestations illégales de membres du conseil (D. 7 et 21 sept. 1877), allouant une indemnité à un architecte départemental révoqué (D. 3 nov. 1879), ou à des employés des bureaux de la préfecture révoqués (D. 11 juin 1880),

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RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR

blåmant un discours prononcé par le préfet comme représentant du pouvoir central (D. 28 juillet 1881), demandant l'abrogation et la révision des lois sur l'enseignement primaire (D. 30 juin 1882), regrettant un choix d'agent voyer inspecteur (D. 18 août 1883), blâmant la conduite du préfet dans une démission de maire (D. 30 mars 1885), désapprouvant l'expédition du Tonkin (D. 22 août 1885), protestant contre les laïcisations d'écoles (D. 28 juin 1886); etc.

Enfin un assez grand nombre de décrets, rendus en exécution de l'article 33 de la loi de 1871, ont annulé des délibérations de conseils généraux qui revendiquaient pour eux-mêmes, ou le plus souvent pour leurs commissions départementales, par interprétation jugée fausse de l'article 81 § 2, le droit de faire la répartition ou distribution de crédits ouverts au budget pour secours ou gratifications, ou le droit de décerner des récompenses honorifiques (D. 25 juin 1874, Bull. off. 1874, p. 537).

Tout acte et toute délibération d'un conseil général relatifs à des objets qui ne sont pas légalement compris dans ses attributions sont nuls et de nul effet. La nullité est prononcée par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique (L. 1871, art. 33). - Toute délibération prise hors des réunions du conseil prévues ou autorisées par la loi est nulle et de nul effet. Le préfet, par un arrêté motivé, déclare la réunion illégale, prononce la nullité des actes, prend toutes les mesures nécessaires pour que l'assemblée se sépare immédiatement, et transmet son arrêté au procureur général du ressort pour l'exécution des lois et l'application, s'il y a lieu, des peines déterminées par l'article 258 du Code pénal. En cas de condamnation, les membres condamnés sont déclarés, par le jugement, exclus du conseil, et inéligibles pendant les trois années qui suivront la condamnation (art. 34).

205. Indépendamment de la sanction directe que les articles 33 et 34 donnent aux dispositions de la loi du 18 août 1871, et de celle qui résulte, soit du droit d'annulation par décret des délibérations définitives des conseils généraux contenant violation de la loi ou d'un règlement d'administration publique, écrit dans l'article 17, soit du droit de veto pour les délibérations non définitives écrit dans l'article 49, etc., une autre sanction résulte du droit de recours général pour excès de pouvoir et pour incompétence nos 431 à 437). Toute partie intéressée peut deman

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