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ou pensions sont liquidés par délibérations du conseil municipal de la commune débitrice; mais il faut remarquer le recours ouvert contre cette délibération du conseil municipal, par l'article 6 de la loi du 5 avril 1851, devant le conseil général du département. Ces mots : « qui statuera en dernier ressort et comme jury d'équité», indiquent bien que le législateur n'a pas entendu transformer le conseil général en tribunal administratif. Ils consacrent deux initiatives fort importantes dans l'histoire des conseils généraux : 1o une première application sur un point isolé du principe d'intervention du conseil général dans les finances communales, développé en 1866 et en 1871; 2° et la création, dès 1851, d'une première délibération définitive des conseils généraux.

Dans le mois, au plus tard, de la constatation de la mort, des blessures ou de la maladie, le conseil municipal de la commune débitrice sera réuni pour procéder à la liquidation des secours ou des pensions (Loi du 5 avril 1851 sur les secours et pensions à accorder aux sapeurs-pompiers municipaux ou gardes nationaux victimes de leur dévouement dans les incendies, à leurs veuves et à leurs enfants, art. 4). Les secours et pensions seront accordés dans la proportion des besoins de celui ou de ceux qui les réclameront et des ressources de la commune, sauf ce qui sera dit aux articles 7 et 8 (art. 5). — La délibération du conseil municipal pourra être attaquée par toute partie intéressée, ainsi que par le maire, au nom de la commune, ou d'office par le préfet. Le recours sera porté devant le conseil général du département qui statuera en dernier ressort et comme jury d'équité, après avoir entendu le rapport du préfet. Jusqu'à la décision définitive du conseil général, la délibération du conseil municipal sera provisoirement exécutée, sauf règlement ultérieur (art. 6). - Les secours et pensions, liquidés comme il est dit ci-dessus, seront portés au budget de la commune comme dépenses obligatoires. Les conseils généraux pourront accorder, sur les fonds du département applicables aux dépenses facultatives d'utilité départementale, une subvention aux communes pour lesquelles le service de ces secours et pensions paraîtrait une charge trop onéreuse (art. 7). Sur la demande du conseil municipal, et par décret du président de la République, il pourra en outre être établi, pour le même objet dans les communes où seront organisés des bataillons, compagnies ou subdivisions de compagnies de sapeurs-pompiers, une caisse communale de secours et pensions en faveur des sapeurs-pompiers victimes de leur dévouement dans les incendies, de leurs veuves et de leurs enfants (art. 8). — Seront versés à cette caisse: 1° les dons et subventions volontaires et le produit des souscriptions provenant des compagnies d'assurances contre l'incendie ou des particuliers; 2o le produit des donations ou legs que la caisse pourra recevoir, avec l'autorisation du gouvernement, comme établissement d'utilité publique (art. 9). Les caisses établies en vertu de l'article précédent 16

T. I.

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CONTRÔLE PAR LES CONSEILS GÉNÉRAUX

seront la propriété exclusive des communes, et non d'aucuns corps ni individus. Elles seront gérées comme les autres fonds des communes, et soumises à toutes les règles de la comptabilité municipale (art. 10). Les secours et pensions accordés en vertu de la présente loi seront incessibles et insaisissables. Les lois sur le cumul ne leur seront pas applicables (art. 11).

199. Dans le même ordre d'idées, il faut placer encore, parmi les lois antérieures à 1871, la disposition de la loi du 2 mai 1855, aux termes de laquelle le tarif de la taxe municipale sur les chiens est arrêté dans chaque commune après avis du conseil général du département; et, parmi les lois postérieures, l'article 7 de la loi du 21 mai 1873 relative aux commissions administratives des établissements de bienfaisance, qui permet aux hospices et hôpitaux de porter du quart au tiers « avec l'assentiment du conseil « général » la portion de leurs revenus qu'ils peuvent employer en distribution de secours à domicile.

Bien d'autres lois postérieures à celle du 10 août 1871, et à celle du 21 mai 1873 que nous venons de citer, ont étendu à d'autres matières ce droit de contrôle, sur les questions d'intérêt communal, soit du conseil général, soit de la commission départementale, comme dans la loi du 20 août 1881 sur les chemins ruraux (art. 4). Telles sont notamment la loi du 11 juin 1880 sur les chemins de fer d'intérêt local et les tramways, en ce qui concerne les chemins de fer communaux et les tramways établis sur les voies du domaine public communal [nos 186 et 187], et la loi du 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite [nos 191 et 192].

200. L'article 43 de la loi du 10 août 1871, étendant ce contrôle des conseils généraux sur les intérêts communaux en dehors des questions exclusivement financières, leur a conféré le droit de fixer les sections électorales appelées à élire un nombre de conseillers municipaux proportionné à leur population (Circ. min. 9 août 1879). Ils ne peuvent établir des bureaux de vote uniquement destinés à faciliter l'accès du scrutin, mesure toujours réservée à la compétence du préfet. L'article 43 a consacré une véritable intervention du conseil général dans l'organi

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sation même de la représentation communale. C'est lui qui est investi par ce texte du droit de décider s'il y a lieu de déroger dans une commune, et dans quelle mesure, au principe que tous les conseillers municipaux sont élus par tous les électeurs de la commune. Ce droit appartenait, avant 1871, aux préfets et avait donné lieu à de nombreux abus; on leur reprochait, non sans raison, d'opérer certains sectionnements, moins au point de vue de la représentation équitable d'intérêts locaux divergents, qu'au point de vue politique, pour faciliter le succès d'une opinion sur l'autre. Il s'est trouvé que l'exercice par les conseils généraux de la même prérogative a donné lieu, après 1871, aux mêmes reproches, non moins fondés dans certains cas. De là certaines lois complémentaires de l'article 43 de la loi de 1871, un grand nombre d'arrêts du conseil d'État relatifs à l'interprétation et à l'application de cet article, et enfin la réglementation complète de ce droit du conseil général de diviser les communes en sections électorales, par les articles 11 et 12 de la loi municipale de 1884 [n° 319].

Chaque année, dans sa session d'août, le conseil général, par un travail d'ensemble comprenant toutes les communes du département, procède à la révision des sections électorales et en dresse le tableau (L. 10 août 1871, art. 43). Lorsque la commune est divisée en plusieurs cantons, le sectionnement devra être opéré de telle sorte qu'une section électorale ne puisse comprendre des portions de territoires appartenant à plusieurs cantons (L. 7 juillet 1874, relative à l'électorat municipal, art. 1 § 3).

201. Le conseil général a pour 5me sorte d'attributions d'être le comité consultatif de l'administration centrale; à ce titre, il ne prend de délibérations ni définitives ni subordonnées : il donne simplement des avis que l'administration peut toujours et parfois doit demander; ou il exprime spontanément des vœux.

La loi du 18 juillet 1866 n'avait apporté aucune modification aux articles 6 et 7 de la loi du 10 mai 1838, relatifs à cette portion des attributions du conseil général. La loi de 1871 a peu modifié la situation antérieure en ce qui concerne les avis des conseils généraux, ainsi que cela résulte de l'article suivant. Il faut remarquer toutefois le dernier paragraphe de l'article 50 et l'antithèse qu'il semble faire avec l'article 77 § 2 [n° 212], l'un

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AVIS ET VOEUX DES CONSEILS GÉNÉRAUX

faisant consulter le conseil général par les ministres, et l'autre la commission départementale par le préfet.

Deux autres observations doivent être ici placées. En premier lieu l'énumération non limitative de l'article 50 comprend surtout des objets d'intérêt communal, de sorte que le droit d'avis des conseils généraux complète dans de nombreux cas le droit de contrôle qui leur est dévolu dans les questions communales et dont nous venons de parler. En second lieu, l'attribution nouvelle confiée aux conseils généraux par l'article 68 de la loi de 1871 présente absolument les mêmes caractères avec un degré d'autorité de plus au profit du conseil général.

Le conseil général donne son avis: 1° sur les changements proposés à la circonscription du territoire du département, des arrondissements, des cantons et des communes, et la désignation des chefs-lieux, sauf le cas où il statue définitivement, conformément à l'article 46 n° 26; 2° sur l'application des dispositions de l'article 90 du Code forestier, relative à la soumission au régime forestier des bois, taillis ou futaies appartenant aux communes, et à la conversion en bois de terrains en pâturages; 3o sur les délibérations des conseils municipaux relatives à l'aménagement, au mode d'exploitation, à l'aliénation et au défrichement des bois communaux ; et généralement sur tous les objets sur lesquels il est appelé à donner son avis en vertu des lois et règlements, et sur lesquels il est consulté par les ministres (L. 10 août 1871, art. 50). Les secours pour travaux concernant les églises et presbytères, les secours généraux à des établissements et institutions de bienfaisance, les subventions aux communes pour acquisitions, construction et réparation de maisons d'école et de salles d'asile, les subventions aux comices et associations agricoles, ne pourront être alloués par le ministre compétent que sur la proposition du conseil gé. néral du département. A cet effet, le conseil général dressera un tableau collectif des propositions en les classant par ordre d'urgence (art. 68).

202. L'article 51 de la loi de 1871 reproduit complètement, dans son premier paragraphe, la disposition de l'article 7 de la loi de 1838, relative au droit des conseils généraux d'exprimer des vœux dans l'intérêt spécial du département. Mais deux dispositions nouvelles, formant les paragraphes 2 et 3 de cet article, lui confèrent, l'une, le droit de charger un ou plusieurs de ses membres de délégations spéciales déterminées (ne conférant aucune autorité personnelle aux délégués) pour recueillir sur les lieux les renseignements qui lui sont nécessaires, et l'autre le droit d'é

TROIS SORTES DE VOEUX

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mettre des vœux sur toutes les questions économiques et d'administration générale. C'est en raison de cette dernière disposition que les conseils généraux ont pu, dès leurs sessions de 1871 et 1872 et depuis, émettre des voeux sur les graves questions de l'obligation générale au service militaire, de sa durée, de la suppression du remplacement, de la gratuité ou de l'obligation de l'enseignement primaire, etc., qui sont autant de questions d'administration générale, et sur les divers systèmes d'impôts, qui sont en outre des questions économiques. Pour se conformer aux données de la science, il faut du reste comprendre sous cette dénomination toutes les questions relatives à la production, à la distribution, à la circulation et à la consommation de la richesse du pays.

Comme par le passé, tous vœux politiques sont interdits au conseil général, c'est-à-dire tous les voeux directs, indirects ou déguisés, qui seraient relatifs à la Constitution et à sa révision, à la répartition des pouvoirs publics, à la direction politique, à la durée, à l'étendue du mandat, à l'approbation des actes du gouvernement et des assemblées; aux questions d'état de siège, d'amnistie, de guerre, de relations extérieures, comme de politique intérieure. Cette interdiction, formellement écrite dans le texte de la loi de 1871, montre qu'elle n'a pas voulu transformer les conseils généraux en assemblées politiques. Toute violation de cette disposition donne lieu à une déclaration de nullité dans les formes prescrites par l'article 33 [n° 204].

Il y a donc trois sortes de vœux: 1° les vœux relatifs aux questions d'intérêt local; 2° les voeux relatifs aux questions économiques et d'administration générale; 3° les vœux politiques. Ces derniers comprennent les vœux politiques en raison de leur objet, en raison des considérations développées à l'appui, et ceux qui constituent des vœux politiques en raison des circonstances dans lesquelles ils sont émis. Les vœux d'intérêt local ont toujours été permis aux conseils généraux; la loi de 1871 met à leur disposition de nouveaux moyens de s'éclairer. Les voeux de la seconde catégorie leur sont permis depuis 1871 seulement. Les voeux politiques leur ont toujours été interdits. Aux conseils mu

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