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LOI DU 15 JUILLET 1893

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trent dans le cadre de la présente étude du régime légal des diverses délibérations des conseils généraux. Cette loi rend obligatoire l'assistance médicale aux malades privés de ressources. Elle fait du service de l'assistance médicale gratuite un service départemental. Elle impose par suite aux départements une part importante de cette obligation nouvelle, et des dépenses qui en sont la conséquence. Il est donc naturel que cette obligation légale se traduise pour les conseils généraux en une subordination étroite aux prescriptions de la loi, et par suite au droit de l'administration supérieure de faire elle-même ce que le conseil général aurait refusé, négligé de faire, ou fait incomplètement.

La première sorte de délibérations entièrement subordonnées des conseils généraux, en vertu de cette loi du 15 juillet 1893, est relative à la mise en œuvre du principe même de la loi. Les conseils généraux sont chargés (art. 4) de délibérer sur l'organisation du service nouveau de l'assistance médicale gratuite et sur la part de dépenses incombant aux communes et au département. Le texte dit même que ces délibérations sont placées sous le régime de l'article 48 de la loi du 10 août 1871, c'est-à-dire soumises au droit de suspension du gouvernement n°184]. C'est bien autre chose, d'après l'article 5, puisque, à défaut de délibération du conseil général ou en cas de suspension de sa délibération, «< il peut être pourvu à la réglementation du service « par un décret », pourvu qu'il soit rendu en assemblée générale du conseil d'État. Ce sera donc dans ce cas une réglementation d'office du service de l'assistance médicale gratuite dans le département, aux lieu et place de sa réglementation par délibération: du conseil général. Le principe d'obligation qui est la base et la raison d'être de cette loi menait logiquement à ce droit du gouvernement de réglementation d'office, si le conseil général ne remplit pas la mission d'organisation qui lui est dévolue. La loi va même plus loin en donnant au gouvernement le droit de réglementer d'office, même alors que, sans mauvais vouloir ni négligence, la délibération suspendue du conseil général diffère, même sur des points secondaires, de l'organisation voulue par l'administration.

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DÉPENSES OBLIGATOIRES DU SERVICE

Tout français malade, privé de ressources, reçoit gratuitement de la commune, du département ou de l'État, suivant son domicile de secours, l'assistance médicale à domicile ou, s'il y a impossibilité de le soigner utilement à domicile, dans un établissement hospitalier. Les femmes en couches sont assimilées à des malades. Les étrangers malades, privés de ressources, seront assimilés aux français toutes les fois que le gouvernement aura passé un traité d'assistance réciproque avec leur nation d'origine (L. 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite; titre Ier, organisation de l'assistance médicale; art. 1er). La commune, le département ou l'État peuvent toujours exercer leur recours, s'il y a lieu, soit l'un contre l'autre, soit contre toutes personnes, sociétés où corporations tenues à l'assistance médicale envers le malade, notamment contre les membres de la famille de l'assisté désignés par les articles 205, 206, 207 et 212 du Code civil (art. 2). - Toute commune est rattachée pour le traitement de ses malades à un ou plusieurs des hôpitaux les plus voisins. Dans le cas où il y a impossibilité de soigner utilement un malade à domicile, le médecin délivre un certificat d'admission à l'hôpital. Ce certificat doit être contresigné par le président du bureau d'assistance ou son délégué. L'hôpital ne pourra réclamer à qui de droit le remboursement des frais de journée qu'autant qu'il représentera le certificat ci-dessus (art. 3). · Il est organisé dans chaque département, sous l'autorité du préfet et suivant les conditions déterminées par la présente loi, un service d'assistance médicale gratuite pour les malades privés de ressources. Le conseil général délibère dans les conditions prévues par l'article 48 de la loi du 10 août 1871 1° sur l'organisation du service de l'assistance médicale, la détermination et la création des hôpitaux auxquels est rattaché chaque commune ou syndicat de communes; 2° sur la part de la dépense incombant aux communes et aux départements (art. 4). · A défaut de délibération du conseil général sur les objets prévus à l'article précédent, ou en cas de suspension de la délibération en exécution de l'article 49 de la loi du 10 août 1871, il peut être pourvu à la réglementation du service par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique (art. 5).

192. Le titre V de la loi du 15 juillet 1893 (art. 26 à 29), en rendant obligatoires, en vue de l'assistance médicale gratuite, de nouvelles dépenses départementales, en sus de celles auxquelles l'article 61 de la loi du 10 août 1871 [n° 189] et les quatre lois de 1879, 1881, 1885 et 1889 ci-dessus n° 190 avaient conservé ou attribué ce caractère, a par là même créé de nouvelles délibérations entièrement subordonnées des conseils généraux. Ces dépenses sont de deux sortes: 1° la part contributive du département dans les dépenses ordinaires, déclarées obligatoires, du service de l'assistance médicale (art. 26 §§ 1 et 2); 2 les subventions que les départements, outre les frais qui leur incombent

DE L'ASSISTANCE MÉDICALE GRATUITE

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« de par les articles précédents, sont tenus d'accorder aux com<<munes qui auront été obligées de recourir à des centimes addi«tionnels ou à des taxes d'octroi (art. 28 3 1) ». En présence de ces termes de l'article 28 « seront tenus », et de ce rappel des articles précédents « outre des frais qui leur incombent de par a les articles précédents », alors que l'article 26 qualifie d'obligatoires les dépenses ordinaires de l'assistance médicale, il nous paraît impossible de méconnaître le caractère également obligatoire de cette seconde partie des dépenses incombant aux départements du chef de la loi nouvelle. Il est vrai que la circulaire du ministre de l'Intérieur aux préfets, en date du 18 mai 1894, ne s'explique pas sur ce point. Mais il est facile d'observer que cette circulaire, loin de mettre en relief les dispositions de la loi de 1893 qui pourraient paraître un peu dures aux conseils géné raux, s'est attachée au contraire à en atténuer la portée (notamment en ce qui concerne l'article 5 ci-dessus). Du reste, les dispositions de la loi nous paraissent formelles. Or nous avons vu [n° 189] que dépenses départementales obligatoires signifient droit d'inscription d'office au budget départemental et droit d'imposition d'office, c'est-à-dire délibérations entièrement subordonnées.

Les dépenses du service de l'assistance médicale se divisent en dépenses ordinaires et dépenses extraordinaires. Les dépenses ordinaires comprennent: 1° les honoraires des médecins, chirurgiens et sages-femmes du service d'assistance à domicile; 2° les médicaments et appareils; 3o les frais de séjour des malades dans les hôpitaux. Ces dépenses sont obliga toires. Elles sont supportées par les communes, le département et l'État, suivant les règles établies par les articles 27, 28 et 29. Les dépenses extraor dinaires comprennent les frais d'agrandissement et de construction d'hôpitaux. L'État contribuera à ces dépenses par des subventions dans la limite des crédits votés. Chaque année, une somme sera à cet effet inscrite au budget (L. 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite; titre V; dépenses, voies et moyens; art. 26). Les communes dont les ressources speciales de l'assistance médicale et les ressources ordinaires inscrites à leur budget seront insuffisantes pour couvrir les frais de ce service sont autorisées à voter des centimes additionnels aux quatre contributions directes ou des taxes d'octroi pour se procurer le complément des ressources necessaires. Les taxes d'octroi votées en vertu du paragraphe précédent seront soumises à l'approbation de l'autorité compétente, conformément aux dispositions de l'article 137 de la loi du 5 avril 1884. La part que les communes seront obligées de demander aux centimes additionnels ou aux

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RÉFORME DU BUDGET DÉPARTEMENTAL

taxes d'octroi ne pourra être moindre de 20 p. 100 ni supérieure à 90 p. 100 de la dépense à couvrir, conformément au tableau A ci-annexé (art. 27). Les départements, outre les frais qui leur incombent de par les articles précédents, sont tenus d'accorder aux communes qui auront été obligées de recourir à des centimes additionnels ou à des taxes d'octroi, des subventions d'autant plus fortes que leur centime sera plus faible, mais qui ne pourront dépasser 80 p. 100 ni être inférieures à 10 p. 100 du produit de ces centimes additionnels ou taxes d'octroi conformément au tableau A, précité. En cas d'insuffisance des ressources spéciales de l'assistance médicale et des ressources ordinaires de leur budget, ils sont autorisés à voter des centimes additionnels aux quatre contributions directes dans la mesure nécessitée par la présente loi (art. 28). L'État concourt aux dépenses départementales de l'assistance médicale par des subventions aux départements dans une proposition qui variera de 10 à 70 p. 100 du total de ces dépenses couvertes par des centimes additionnels, et qui sera calculée en raison inverse de la valeur du centime départemental par kilomètre carré, conformément au tableau B ci-annexé. L'Etat est en outre chargé : 1o des dépenses occasionnées par le traitement des malades n'ayant aucun domicile de secours ; 2o des frais d'administration relatifs à l'exécution de la présente loi (art. 29).

193. Une évolution, d'une autre nature que celles décrites cidessus [no 188], restait à accomplir dans le budget départemental depuis la loi de 1871. Cette loi avait eu le tort de lais ser le budget départemental dans cette situation de n'être qu'un démembrement du budget de l'État, aussi fâcheuse pour l'État que pour les départements. Les ressources et les dépenses départementales étaient comprises dans le budget de l'État, sous le titre de budget. sur ressources spéciales. La loi de finances du 18 juillet 1892 sur les contributions directes et les taxes assimilées a prononcé, dans son remarquable article 18, la suppression du budget des dépenses sur ressources spéciales, à partir de l'exercice 1893. Depuis la même époque les dépenses départementales sont ordonnancées par les préfets (art. 21), comme elles auraient dû l'être depuis. longtemps. Le trésorieur-payeur général dans chaque département est investi des attributions de comptable départemental, dans les conditions fixées par cette importante loi du 18 juillet 1892 (art. 20, 22 à 27).

Cette suppression du budget sur ressources spéciales a rendu nécessaires des modifications aux articles 61 et 63 de la loi du

BUDGET SUPPLÉMENTAIRE UNIQUE

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10 août 1871. Elles ont été proposées par un projet de loi présenté par le ministre de l'intérieur à la Chambre des députés le 3 novembre 1892 et voté par cette Chambre dans sa séance du 19 décembre 1892. Ce projet de loi a été l'objet au Sénat d'un rapport immédiat et entièrement favorable, mais n'y a pas encore été voté au moment où s'impriment ces lignes. L'article 63 fait deux parts des ressources du département à la clôture de chaque exercice: les fonds qui n'ont pu recevoir l'emploi auquel ils étaient affectés et qui doivent être reportés sur l'exercice en cours (budget de report), et les fonds libres de l'exercice clos, excédents de recettes, plus-values, ressources éventuelles (budget rectificatif, voté à la session d'août comme le budget de l'année suivante). Ce morcellement du budget et des crédits, l'époque tardive du vote et de l'emploi des ressources libres de l'exercice, créent une différence regrettable entre les départements et les communes, bien que la suppression du budget sur ressources spéciales lui ait enlevé toute raison d'être. Le projet de loi voté par la Chambre des députés le 19 décembre 1892 a pour objet: 1° de modifier l'article 63 en appelant le conseil général à voter les ressources disponibles de l'exercice clos dans un budget supplementaire unique; 2o de compléter l'article 61 en ajoutant à sa nomenclature des dépenses obligatoires celles résultant de lois postérieures (art. 61 § 1), et 3° en ajoutant aux §§ 2 et 3 de l'article 61 la faculté pour le gouvernement de prélever le montant de la dépense obligatoire inscrite d'office, soit sur les excédents de recettes, soit sur le crédit de réserve pour dépenses imprévues, et de ne recourir à l'imposition d'office qu'après épuisement de ces deux catégories de ressources. Nous reproduisons en note. ces deux nouveaux articles 61 et 63 de la loi du 10 août 1871 proposés par le projet de loi de 1892, en indiquant en caractè

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Projet de loi tendant à modifier les articles 61 et 63 de la loi du 10 août 1871, sur les conseils généraux, voté par la Chambre des députés, et présenté par M. Loubet, ministre de l'intérieur (annexe au procès-verbal de la séance du Sénat du 20 décembre 1892; no 55).

Rapport fait au nom de la commission des finances par M. Edouard Millaud, sénateur (annexe au procès-verbal de la séance du Sénat du 24 décembre 1892; no 98).

3 Article unique.-Les articles 61 et 63 de la loi du 10 août 1871 sur

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