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COMPOSITION ET ORGANISATION DES CONSEILS GÉNÉRAUX

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169. Contentieux des élections des conseils généraux : loi du 31 juillet 1875 et projets de modifications.

170. Nombreuses attributions individuelles des conseillers généraux. 171. Du refus de les remplir; loi du 7 juin 1873.

172. Sessions ordinaires et extraordinaires des conseils généraux.

173. Bureau et séances des conseils généraux; leur police.
174. Droit du conseil de faire son règlement intérieur; étendue.
175. Votes et présences nécessaires; loi du 31 mars 1886.

163. Formés par la nomination directe du chef de l'État en vertu de la loi du 28 pluviôse de l'an VIII, sous le Consulat, sous l'Empire et sous la Restauration, les conseils généraux ne sont devenus des assemblées électives que depuis la loi du 22 juin 1833. Ils sont nommés, depuis 1848, par le suffrage universel. L'article 5 de la loi du 10 août 1871 disposait que les élections aux conseils généraux avaient lieu sur les listes électorales municipales. La loi du 5 avril 1884 (art. 14) est revenue à l'unité de liste électorale pour l'élection des députés et celle des membres des conseils locaux.

La loi du 10 août 1871 a conservé (art. 4) la règle, écrite dans les lois antérieures, aux termes de laquelle l'élection au conseil général a lieu par canton, chaque canton élisant un membre du conseil, quelle que soit sa population.

Une première conséquence de cette règle est la grande diversité du nombre des membres des assemblées départementales. Cette variété ne présente aucun inconvénient, les départements variant grandement entre eux, d'étendue, de conformation territoriale, de population, de développement économique et financier. La disposition de la loi du 22 juin 1833 (art. 2), qui fixait un maximum de 30 membres à la composition des conseils généraux n'était ni logique ni juste. Aussi n'est-ce que pour la constatation d'un fait intéressant en lui-même, que nous donnons la répartition des 2899 cantons par départements (y compris le territoire de Belfort qui forme 6 cantons). Voici cette division des 86 départements en cinq catégories comprenant : 1° un seul département ayant moins de 20 cantons (celui des Pyrénées-Orientales qui n'a que dix-sept cantons); 2 12 départements ayant de 20 cantons (Ariège) à 25 cantons; 3° 53 départements ayant de 26 à 39 cantons; 4° 17 dé

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ABSENCE DE REPRÉSENTATION

partements ayant de 40 à 50 cantons; et 5° 3 départements ayant plus de 50 cantons (Seine-Inférieure, 55; Corse, 62; Nord, 67).

164. La règle écrite dans l'article 4 de la loi du 10 août 1871 produit une autre conséquence beaucoup plus grave. Il consacre le rejet absolu, en matière d'élections aux conseils généraux, du principe de la représentation proportionnelle à la population, dont le législateur tient compte dans les élections parlementaires, dans les élections municipales, et même dans les élections aux conseils d'arrondissements.

Il y a cependant une disproportion énorme entre la population des divers cantons. Nous pouvons citer, comme exemple des cantons qui ont la population la plus faible, Barcelonnette (Hautes-Alpes) 853 habitants, Saintes-Maries (Bouches-du-Rhône) 926, Lama (Corse) 1624, Sevez (Basses-Alpes) 1627, Massegros (Lozère) 1898, et de cantons ayant des populations considérables, Marseille-sud intra muros 59,175, Lyon (8e canton) 61,132, Lyon (3e canton) 61,301, Roubaix-est 64,997, Lille sud-ouest 80,712, Marseille nord extra muros 83,257.

Cette disproportion ne se produit pas seulement d'un département à un autre, mais entre cantons du même département. Dans le département de Saône-et-Loire, le canton du Creusot a 31.678 habitants, et la population du canton de Saint-Martin-en-Bresse n'est que de 5,962 habitants. Dans le département du Nord, le canton sud-ouest de Lille a 81,000 habitants, à côté d'autres cantons de 10,000 à 15,000 habitants. Dans le département des Bouches-du-Rhône, le canton de Marseille-nord extra-muros a 83,267 habitants, quatre-vingt-neuf fois plus que celui des SaintesMaries, qui n'en compte que 926.

La même disproportion se produit au point de vue de l'impôt. Dans les Landes, par exemple, à population à peu près égale, l'arrondissement de Dax a 8 cantons avec 945,000 fr. d'impôts; celui de Mont-de-Marsan en a 12 avec 825,000 fr. d'impôts seulement.

En 1871, lors de la discussion de l'article 4, un amendement proposant de donner deux représentants au conseil général aux cantons les plus populeux fut rejeté, sur l'observation du rappor

PROPORTIONNELLE A LA POPULATION

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teur (M. Wadington) qu'il s'agissait de conseils purement administratifs. Les conseils municipaux et d'arrondissement le sont au même titre. On a paru craindre dans les discussions ultérieures ce qu'on appelé la tyrannie des cantons urbains; la tyrannie des cantons ruraux serait-elle plus juste? Il ne faut ni l'une ni l'autre. Toujours est-il que six propositions successives ont été soumises au législateur contre l'article 4 de la loi du 10 août 1871, en 1871 même, 1879, 1880, 1886 (deux dans la même année) et en 1890.

En 1880, une proposition de loi d'initiative parlementaire, soumise à la Chambre des députés, avait proposé d'attribuer 1 conseiller général aux cantons de moins de 15,000 habitants, 2 à ceux de 15,000 à 35,000 habitants, 3 à ceux de 35,000 à 60,000 habitants, et 4 à ceux de 60,000 habitants et au-dessus; le scrutin de liste eût été substitué dans ces trois derniers cas au scrutin individuel, et les conseils généraux auraient compté 680 conseillers en plus, augmentant surtout la représentation des cantons urbains. La Chambre des députés, tout en écartant la proposition primitive, a voté dans sa séance du 24 mai 1880 une proposition de loi ayant pour objet d'attribuer un conseiller général de plus aux cantons dont la population dépasse 20,000 habitants. Cette proposition a été rejetée par le Sénat dans sa séance du 11 novembre 1880.

Nous avons vu [no 42] qu'en 1884 il s'était produit un fait législatif important, au point de vue de la même idée de représentation proportionnelle à la population, dans la nouvelle loi électorale du Sénat du 9 décembre 1884. Aussi le 18 mars 1886 la Chambre des députés fut-elle saisie d'une proposition de loi portant que,<«< dans les cantons d'une population de 25,000 habi<< tants et au-dessus, il y aura deux conseillers généraux, élus au << scrutin de liste ». Ces cantons sont au nombre de 145. Les conseils généraux auraient donc été augmentés de ce chef de 145 conseillers généraux. La même proposition de loi s'appliquait aux conseils d'arrondissement. Quelques jours après, la proposition votée par la Chambre des députés, le 24 mai 1880, fut reprise par ses auteurs, en vue d'obtenir le doublement des conseillers généraux des cantons de plus de 20,000 habitants, au nombre de 261. Bien que

T. I.

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ÉLECTIONS DES CONSEILS GÉNÉRAUX

le doublement ait été réduit par la chambre aux cantons de plus de 25,000 habitants,sans extension aux conseils d'arrondissement, la proposition n'a pas abouti davantage.

Il en a été de même d'une prise en considération nouvelle par la Chambre des députés, le 27 janvier 1890. La question n'en reste pas moins dans les perspectives de l'avenir, bien qu'il soit impossible en cette manière d'établir une proportionnalité absolue de la représentation à la population sans sacrifier une certaine conception de ce que l'on a appelé l'unité cantonale.

165. Les membres du conseil général sont élus pour six ans ; le conseil est renouvelable par moitié tous les trois ans. Ainsi la règle du renouvellement des conseils généraux, et aussi des conseils d'arrondissement, est celle du renouvellement partiel appliquée au Sénat. Nous verrons que la règle appliquée aux conseils municipaux est au contraire celle du renouvellement intégral, comme pour la Chambre des députés.

A cet effet, chaque conseil général est divisé en deux séries, formées par le conseil lui-même dans la session qui a suivi l'élection primitive. Les cantons de chaque arrondissement sont répartis, dans une proportion égale, dans chacune des séries; et le conseil procède ensuite au tirage au sort des séries, pour régler entre elles l'ordre du renouvellement (L. 10 août 1871, art. 21). Si, dans l'intervalle des renouvellements triennaux, il y a lieu de pourvoir à des vacances accidentelles survenues par option (art. 17), décès, démission volontaire (art. 20) ou déclarée (art. 19), perte des droits civils ou politiques, les électeurs doivent être convoqués dans le délai de trois mois, à partir du jour où la vacance est constatée. Toutefois, si le renouvellement légal de la série à laquelle appartient le siège vacant doit avoir lieu avant la prochaine session ordinaire du conseil général, l'élection partielle se fera à la même époque. La commission départementale est chargée de veiller à l'exécution de ces dispositions. Elle adresse ses réquisitions au préfet et, s'il y a lieu, au ministre de l'intérieur.

Chaque canton du département élit un membre du conseil général (L. 1871, art. 4). L'élection se fait au suffrage universel, dans chaque com

GÉNÉRALES, PARTIELLES, ACCIDENTELLES

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Les

mune, sur les listes dressées pour les élections municipales (art. 5). colleges électoraux sont convoqués par le pouvoir exécutif. Il doit y avoir un intervalle de quinze jours francs, au moins, entre la date du décret de convocation et le jour de l'élection, qui sera toujours un dimanche. Le scrutin est ouvert à sept heures du matin et clos le même jour à six heures. Le dépouillement a lieu immédiatement. Lorsqu'un second tour de scrutin est nécessaire, il y est procédé le dimanche suivant (art. 12). Nul n'est élu membre du conseil général au premier tour de scrutin, s'il n'a pas réuni : 1o la majorité absolue des suffrages exprimés; 2o un nombre de suffrages égal au quart de celui des électeurs inscrits. Au second tour de scrutin, l'élection a lieu à la majorité relative, quel que soit le nombre des votants. Si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l'election est acquise au plus âgé (art. 14).

166. Il résulte des textes que nous venons de rapporter et des principes posés, qu'il y a trois sortes d'élections des conseils généraux : 1o l'élection générale du conseil tout entier, qui a eu lieu pour la première application de la loi du 10 août 1871 et ne peut se produire qu'exceptionnellement au cas de dissolution d'un conseil général (art. 35 et 36 [n° 206]); 2° l'élection partielle, qui est la règle puisque nous venons de voir que les conseils généraux sont renouvelables par moitié tous les trois ans ; 3° et les élections accidentelles qui constituent des exceptions que nous venons de voir fréquentes, tandis que l'élection générale est une exception, qui est, en fait, d'une très grande rareté, et que la loi a voulue telle.

167. Aux divers cas d'élections de la troisième catégorie que nous venons d'appeler « accidentelles », énumérés ci-dessus [no 165], s'ajoutent ceux qui résultent des articles 18 et 19 de la loi du 10 août 1871. Ces textes donnent au conseil général la mission, qui antérieurement ne lui appartenait pas, de déclarer démissionnaires ceux de ses membres qui se trouvent dans les deux cas prévus par ces articles. L'article 17 lui confère également, en cas d'élection d'un conseiller général par plusieurs cantons, un pouvoir qui appartenait autrefois au préfet en conseil de préfecture; cet article 17 de la loi de 1871 a été mis en harmonie par la loi du 31 juillet 1875 avec la restitution au contentieux administratif et au contentieux judiciaire des diverses difficultés relatives à l'élection des membres des conseils généraux. Il est

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