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ADMINISTRATIVE DE 1852 ET 1861

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Mais tandis que ces dernières lois abrogent formellement et nominativement les lois antérieures sur les conseils généraux et municipaux, elles se bornent à comprendre implicitement les décrets de 1852 et 1861 relatifs aux fonctions préfectorales, dans la formule ordinaire et générale abrogeant « les dispositions de lois ou de règlements contraires à la présente loi ». Cependant, si ce que nous venons de dire est absolument vrai de l'article 92 de la loi du 10 août 1871, celle du 5 avril 1884 ajoute à cette formule générale du n° 28 et dernier de son article 168, la mention spéciale, dans ses nos 12 et 14, de l'abrogation expresse de quelques numéros des décrets du 25 mars 1852 et 13 avril 1861 [Voir ci-dessous nos 144 et 147].

Il faut remarquer en outre que ce sont surtout les quarante premiers numéros du tableau A relatifs à des affaires départementales, qui, déjà modifiés par la loi de 1866, sont atteints par les dispositions de la loi du 10 août 1871. Cette loi et les lois municipales de 1867 et 1884 ont seulement modifié quelques dispositions, soit du tableau A, soit des tableaux suivants, relatives à certaines affaires communales. Enfin, pour l'ensemble des affaires d'intérêt général énumérées, soit dans le tableau A luimême, soit surtout dans les tableaux B, C et D, les lois ultétérieures n'ont apporté que fort peu de modifications à ces textes, bien faits pour donner une idée de l'ensemble des fonctions préfectorales et de la multiplicité des affaires administratives.

Il convient enfin d'observer que ces lois départementale et municipale de 1871 et de 1884 ont elles-mêmes ajouté de nouvelles mesures de déconcentration au profit des préfets, à celles des décrets de 1852 et 1861.

143. Entre ces deux décrets il existe une profonde différence. Celui du 25 mars 1852, émané d'un gouvernement dictatorial réunissant dans ses mains les pouvoirs législatif et exécutif, a force de loi, pour toutes celles de ses dispositions d'ordre législatif, modifiant ou abrogeant des textes de loi. Le décret du 14 avril 1861, rendu en période constitutionnelle, n'émanant que du pouvoir exécutif, n'a pu modifier que des ordonnances, ar

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AFFAIRES DÉPARTEMENTALES, COMMUNALES,

rêtés, décrets, règlements ou décisions ministérielles sans avoir la puissance nécessaire pour abroger les lois antérieures. Cette règle résulte du principe de la séparation des pouvoirs. Les pouvoirs publics ont eux-mêmes reconnu cette différence, à l'occasion de l'abrogation de l'article 7 du décret même du 25 mars 1852 relatif à l'administration de la ville de Paris. La cour de cassation a fait implicitement l'application de la même règle, par arrêt du 2 août 1861 (chambre criminelle), jugeant que le certificat d'indigence, destiné à suppléer à la consignation de l'amende exigée par les articles 419 et 420 du Code d'instruction criminelle, est nul, même depuis l'article 6 1° lettre B du décret du 13 avril 1861, s'il n'est revêtu que du visa ou même de l'approbation du préfet exigée par l'article 420 du Code d'instruction criminelle [n° 229).

144. L'article 1er du décret du 25 mars 1852 est spécialement relatif aux affaires départementales et communales, selon qu'elles concernent plus spécialement l'intérêt général ou l'intérêt local; dans la première hypothèse, la solution continue à appartenir au chef de l'État ou au ministère de l'intérieur; dans la seconde, le décret décentralise, ce qui signifie, suivant le sens de cet acte législatif, qu'il donne au préfet le droit de solution.

Cette répartition des affaires est contenue dans un tableau A annexé à cet article 1er; la première partie de ce tableau énumère les matières déconcentrées, et la seconde celles qui ne le sont pas, le droit du préfet devenant la règle, et la nécessité de recourir à l'administration centrale l'exception. L'article 1er du décret du 13 avril 1861 est venu, à la suite de doutes et de difficultés qui s'étaient produits, augmenter les attributions des préfets, en élargissant le premier élément de ce tableau, inséré au Bulletin des lois en conséquence de ce second décret. Nous le signalons, sous le bénéfice de l'observation déjà présentée [no 142] pour celles de ces dispositions abrogées par des lois postérieures et spécialement les nos 42, 48, 50, 51, 56 et 59 expressément abrogés par l'article 168 n° 14 de la loi du 5 avril 1884. Nous aurons soin aussi de déterminer, dans la dernière partie de cet

ET AUTRES AFFAIRES, DÉCONCENTRÉES

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ouvrage, les règles relatives à l'accomplissement de chacun des actes de la vie civile des départements, des communes et des établissements publics.

145. L'article 2 du décret de 1852 confère au préfet le droit de statuer seul, sans l'autorisation des ministres de l'agriculture et du commerce, sur divers objets qui concernent les subsistances, les encouragements à l'agriculture, la police industrielle, commerciale et sanitaire. Le tableau B, qui contient l'énumération de ces objets, a été augmenté par l'article 2 du décret du 13 avril 1861. Il a été suivi de deux décrets des 1er et 13 août 1864 qui l'ont modifié. Tous ces textes doivent être combinés avec la loi sur les conseils généraux.

L'article 3 du décret de 1852 confère au préfet l'autorisation toute nouvelle de statuer sur certaines affaires placées dans les attributions du ministre des finances et énumérées dans le tableau C. Le préfet statue sans l'autorisation de ce ministre, mais sur l'avis ou la proposition des chefs de service, et seulement en conseil de préfecture. L'article 3 du décret du 13 avril 1861 est également venu augmenter l'énumération de ces affaires donnée par le tableau C.

L'article 4 du décret du 25 mars 1852 confère au préfet le droit de statuer, sur l'avis et la proposition des ingénieurs en chef, mais sans l'autorisation du ministre des travaux publics, en se conformant aux règlements et aux instructions ministérielles, sur certaines questions concernant les cours d'eau et les travaux publics énumérées dans le tableau D. L'article 2 du décret du 1861 a étendu également la nomenclature de ce tableau.

146. L'article 4 du décret du 13 avril 1861, entrant dans une voie que n'avait pas abordée celui de 1852, confère au préfet le soin de statuer sur deux classes d'affaires qui relèvent du ministère de l'instruction publique et du ministère des cultes: 1o la répartition de la moitié du fonds de secours alloué au budget pour les écoles, les presbytères et les salles d'asile; 2o l'autorisation donnée aux établissements religieux de placer en rentes sur l'État

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AFFAIRES RELIGIEUSES NON DÉCONCENTRÉES

les sommes sans emploi provenant de remboursement de capitaux. Sauf cette dernière disposition, d'une importance très secondaire, le décret de 1861, comme celui de 1852, s'est bien gardé, dans l'intérêt des familles, de l'État et de la religion ellemême, d'opérer, en ce qui touche les affaires religieuses et la police des cultes, une décentralisation qu'aucun gouvernement jusqu'à ce jour n'a jamais voulu tenter.

Cette absence de décentralisation des affaires relatives aux cultes et aux établissements religieux, résultant du silence volon- . taire et souverainement sage des décrets de 1852 et 1861, sera plusieurs fois rappelée dans le cours de cet ouvrage. Nous l'avons déjà signalée comme une des règles capitales de la matière; elle s'applique tant aux établissements religieux qui tiennent, comme les fabriques et les consistoires, à l'organisation des cultes reconnus par l'État et sont des établissements publics, qu'aux congrégations religieuses, auxquelles l'autorisation gouvernementale donne l'existence légale, tout en les laissant en dehors de cette organisation, à titre de simples établissements d'utilité publique.

Toutefois une exception à cette règle de la matière a été introduite, en ce qui concerne les fabriques seulement, par un décret du 15 février 1862. Ce décret permet aux préfets d'autoriser, sur l'avis préalable des évêques, l'acceptation des dons et legs faits aux fabriques, lorsque ces libéralités n'excèdent pas la valeur de 1,000 francs, ne donnent lieu à aucune réclamation, et ne sont grevées d'autres charges que l'acquit de fondations pieuses dans les églises paroissiales ou de dispositions charitables au profit des pauvres, des hospices ou des bureaux de bienfaisance. En dehors de cette exception, restreinte dans ses termes et limitée en outre par le droit général de réformation appartenant au ministre, la non-déconcentration est demeurée le principe en matière religieuse.

Le conseil d'État (avis du 27 décembre 1855), s'inspirant exactement de l'esprit de la loi, a décidé que, dans les questions mixtes ou connexes se rattachant à la fois aux affaires religieuses non décentralisées et aux affaires communales décentralisées, la centralisation l'emporte, et le gouvernement seul est investi du

AFFAIRES CONNEXES NON DÉCONCENTRÉES

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droit de statuer. Le rapport du ministre de l'intérieur, qui a provoqué le décret du 13 avril 1861, maintient cette règle de la manière la plus formelle : « C'est une raison de gouvernement << qui exige que la décision des affaires connexes soit réservée au << pouvoir central. Quand un legs est fait en même temps à une <«< commune ou à une institution de charité et à un établissement << religieux, de graves intérêts sont souvent engagés à côté de << questions toujours délicates auxquelles se trouvent mêlées la « politique et la religion. Lorsqu'on lui demande d'autoriser « l'extension de la propriété de mainmorte, l'Etat ne peut pas << abdiquer, ne doit pas même déléguer ce droit de contrôle dont « l'ancienne royauté se montra toujours si justement jalouse. » Nous dirons les distinctions résultant des lois nouvelles de 1866, 1867, 1871 et 1884, entre les affaires connexes, d'une part, et, d'autre part, les affaires collectives, mixtes ou complexes, en ce qui concerne les départements et les communes, et non les établissements publics communaux.

147. L'article 5 du décret du 25 mars 1852 a augmenté le nombre des fonctions ou emplois auxquels les préfets pouvaient directement nommer d'après les lois antérieures; cet article donne la nomenclature de vingt-six emplois pour lesquels le droit de nomination appartient au préfet. L'article 5 du décret du 13 avril 1861 en énumère quinze; pour quelques-uns de ces derniers, le décret de 1861 ne fait que confirmer le précédent. Cette reproduction du texte de 1852 indique que l'administration centrale avait déjà repris ce qui lui avait été enlevé. C'est ce qu'elle n'a encore cessé de faire depuis cette époque, comme en témoigne un décret du 24 décembre 1869. Ces diverses nominations sont faites sans l'intervention du gouvernement, mais sur la présentation des divers chefs de service, et conformément aux prescriptions de l'article 45 de la loi du 10 août 1871. Il convient d'observer que ces textes se taisent relativement au droit de révocation, et que le droit de nommer n'emporte pas nécessairement celui de révoquer.

Parfois le préfet, sans avoir le droit de nommer, a le droit

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