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DIRECTOIRES ET PROCUREURS SYNDICS

que « le directoire de département sera toujours en activité pour l'expédition des affaires, et rendra tous les ans au conseil de département le compte de sa gestion qui sera publié par la voie de l'impression ».

Il ne faut pas croire que l'Assemblée constituante réserve aux procureurs syndics la représentation des intérêts généraux par antithèse aux intérêts locaux réservés à l'action des assemblées administratives. Le procureur général syndic n'a pas plus la gestion des intérêts généraux, des intérêts de l'État dans le département, que celle des intérêts locaux. C'est l'administration de département qui a la gestion des uns et des autres. L'article 1er de la section III de la loi du 22 décembre 1789 charge les administrations de département, « sous l'inspection du corps législatif »>, non seulement de la répartition des contributions directes, mais aussi « d'ordonner et de faire faire les rôles, de régler tout ce qui concerne la perception et le versement du produit, d'ordonner et de faire exécuter le paiement des dépenses ».

L'article 2 dispose aussi que « les administrations de département seront chargées, sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprême de la nation et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties de cette administration ».

En réalité, dans l'ordre des intérêts généraux comme dans l'ordre des intérêts locaux, c'est l'administration collective qui a toute la puissance, soit comme déléguée du pouvoir législatif en matière d'impôts, même au point de vue de ce qui est du ressort de l'administration active, soit comme déléguée du pouvoir exécutif pour toutes les parties de l'administration générale dans le département. Les procureurs généraux syndics n'avaient même pas la correspondance, ni la correspondance avec l'administration centrale, ni la correspondance avec les diverses autorités locales, sauf les procureurs syndics. La loi en forme d'instruction du 12 août 1790, concernant les fonctions des assemblées administratives, sous ce titre « Correspondance », et les Instructions relatives à la franchise postale ne laissent aucun doute sur ce point.

1 Voir notre brochure intitulée a les Procureurs syndics de 1790 et les commissaires du Directoire exécutif de l'an III à l'an VIII, avec l'histoire

COMMISSAIRES DE LA CONVENTION

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Enfin les procureurs syndics élus par les électeurs ne représentent ainsi, ni les administrations de départements, ni l'administration centrale. L'institution était frappée d'impuissance par la nature de ses fonctions, et par son origine élective qui ne permettait pas au pouvoir central d'y trouver des représentants. Nous y voyons l'une des causes qui ont amené de bonne heure la Convention nationale à la pratique des missions des représentants dans les départements. L'État doit choisir ses agents et ses représentants, de même que les populations doivent choisir les leurs.

109. La Convention, mieux éclairée par l'expérience, a reconnu cette vérité. En conséquence, dans la constitution du 5 fructidor de l'an III (art. 191), elle a remplacé les procureurs syndics par des «< commissaires nommés par le directoire exécutif, auprès de chaque administration départementale et municipale, et qu'il révoque lorsqu'il le juge convenable ». Cette assemblée n'avait pas attendu d'ailleurs le vote de la constitution directoriale pour toucher à l'institution des procureurs syndics telle que l'avait créée le législateur de 1790. Les premières missions de représentants dans les départements, par suite de l'absence d'agents du pouvoir central sur les divers points du territoire, fut une première atteinte, bien qu'indirecte, à l'intégrité de l'organisation administrative de 1790. Une seconde atteinte, directe et radicale, fut la suppression même des procureurs généraux syndics prononcée par l'article 6 de la loi du 14 frimaire de l'an II (4 décembre 1793). La loi du 28 germinal de l'an III (17 avril 1795) rétablit les procureurs généraux syndics (art. 4), mais en attribuant leur nomination aux représentants en mission (art. 5): bien que réparateur, cet acte n'en constitue pas moins une troisième et très profonde déviation de l'institution primitive. La vérité est que la Convention a reconnu la nécessité de rattacher

de l'institution dans le département de la Vienne (extrait du Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques, section des sciences économiques et sociales, année 1891); et Souvenirs du Président Thibaudeau

sur les principaux événements de la Révolution dans le département de la Vienne, publiés par nous avec une Introduction (extrait des Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 1595).

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COMMISSAIRES DU DIRECTOIRE EXÉCUTIF

au pouvoir central les procureurs syndics; de sorte que l'on était déjà loin, à ce point de vue, de l'institution élective de 1790, même avant le vote de la constitution de l'an III, qui ne fut que la quatrième étape de cette évolution inévitable, alors même que le régime conventionnel et la Terreur ne seraient pas venus la rendre plus rapide.

L'institution des procureurs syndics de 1790, en outre de leur origine élective, était entachée de l'autre vice signalé, dérivant de l'insuffisance de leurs attributions et de la présence même des administrations collectives. La constitution de l'an III conservait le système, tout en cherchant à y remédier, en réduisant de 8 à 5 le nombre des membres des directoires de départements. Elle ne pouvait songer à le détruire dans l'ordre administratif, au moment où elle l'appliquait dans l'ordre gouvernemental et constitutionnel, en étendant au pouvoir exécutif de la France la dénomination même et l'idée des directoires administratifs de 1790.

Bien que nommés par le gouvernement et révocables par lui, les commissaires du Directoire exécutif près les administrations locales collectives furent aussi faiblement armés que les procureurs syndics. Ce même article 191 de la constitution de l'an III se bornait, en effet, à disposer que « ce commissaire surveille et requiert l'exécution des lois ». Comme le procureur syndic, il a mission de demander aux administrations d'agir, sans avoir aucun moyen de les y contraindre, ni le droit d'agir à leur place, même au cas où elles refusaient ou négligeaient de le faire.

110. Au commencement du XIXe siècle, la grande loi d'administration du 28 pluviôse de l'an VIII a réalisé l'unité adminis

1 LOI DU 28 PLUVIOSE AN VIII (17 FÉVRIER 1800), CONCERNANT LA DIVISION DU TERRITOIRE FRANÇAIS ET L'ADMINISTRATION.

TITRE Ier. DIVISION DU TERRITOIRE.

Art. 1er. Le territoire européen de la République sera divisé en départements et en arrondissements, conformément au tableau annexé à la présente loi.

TITRE II. — ADMINISTRATION. —§I. Administration de département. —Art. 2. Il y aura dans chaque département un préfet, un conseil de préfecture et un conseil général de département, lesquels rempliront les fonctions exercées mamtenant par les administrations et commissions de département. Le conseil de préfecture sera composé de..., et le conseil général de...

LOI DU 28 PLUVIOSE AN VIII

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trative jusque-là péniblement cherchée. Elle a séparé l'action, la délibération et la juridiction administratives. A côté des autorités ou agents chargés de l'administration active, elle a placé des conseils chargés de la délibération; et nous verrons plus loin qu'à cette époque furent aussi créés des tribunaux chargés de la juridiction administrative [nos 413, 454 à 857.

Art. 3. Le préfet sera seul chargé de l'administration. Art. 4. Le conseil de préfecture prononcera sur... (Nota. Ce texte est reproduit nos 159 et 563). Art. 5. Lorsque le préfet assistera au conseil de préfecture, il présidera; en cas de partage, il aura voix prépondérante. —Art, 6. Le conseil général de département s'assemblera chaque année; l'époque de sa réunion sera déterminée par le gouvernement; la durée de la session ne pourra excéder quinze jours. Il nommera un de ses membres pour président, un autre pour secrétaire. Il fera la répartition des contributions directes entre les arrondissements du département. Il statuera sur les demandes en réduction faites par les conseils d'arrondissement, les villes, bourgs et villages. Il déterminera, dans les limites fixées par la loi, le nombre des centimes additionnels, dont l'imposition sera demandée pour les dépenses du département. Il entendra le compte annuel que le préfet rendra de l'emploi des centimes additionnels qui auront été destinés à ces dépenses. Il exprimera son opinion sur l'état et les besoins du département, et l'adressera au ministre de l'intérieur. Art. 7. Uu secrétaire général de préfecture aura la garde des papiers et signera les expéditions. § II. Administration de l'arrondissement. Art. 8. Dans chaque arrondissement, il y aura un sous-préfet et un conseil d'arrondissement composé de onze membres. Art. 9. Le sous-préfet remplira les fonctions exercées maintenant par les administrations municipales et les commissaires de canton, à la réserve de celles qui sont attribuées ci-après aux conseils d'arrondissement et aux municipalités. - Art. 10. Le conseil d'arrondissement s'assemblera chaque année; l'époque de sa réunion sera déterminée par le gouvernement; la durée de sa session ne pourra excéder quinze jours. Il nommera un de ses membres pour président, et un autre pour secrétaire. Il fera la répartition des contributions directes entre les villes, bourgs et villages de l'arrondissement. Il donnera son avis motivé sur les demandes en décharge qui seront formées par les villes, bourgs et villages. Il entendra le compte annuel que le sous-préfet rendra de l'emploi des centimes additionnels destinés aux dépenses de l'arrondissement. Il exprimera une opinion sur l'état et les besoins de l'arrondissement et l'adressera aux préfets. Art. 11. Dans les arrondissements où sera situé le chef-lieu du département, il n'y aura point de sous-préfet.

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§ III. Municipalités. Art. 12 à 17 [Voir n" 255 à 363]. $1V. Des nominations.

Art. 18. Le premier consul nommera les préfets, les conseillers de préfecture, les membres des conseils généraux de département, le secrétaire général de préfecture, les sous-préfets, les membres des conseils d'arrondissement, les maires et adjoints des villes de plus de 5,000 habitants, les commissaires généraux de police et préfets de police dans les villes où il en sera établi. Art. 19. Les membres des conseils généraux de département et ceux des conseils d'arrondissement seront

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HIERARCHIE ADMINISTRATIVE

A la place du système des administrations collectives, sans lien avec le pouvoir central, créé par l'Assemblée constituante, et conservé par la Convention, la constitution du 22 frimaire et la loi du 28 pluviôse de l'an VIII ont introduit le double principe de l'unité d'agent : « agir est le fait d'un seul », et de la hiérarchie administrative fortement rattachée au pouvoir exécutif. Ces principes sont restés la base fondamentale de l'organisation administrative de la France. Ils sont appliqués aux quatre degrés hiérarchiques de l'administration active, occupés: 1o par le chef de l'État, qui préside à l'administration générale de toute la France; 2o les ministres, qui dirigent chaque grand service administratif; 3° les préfets, qui administrent les départements; 4o les maires, qui administrent les communes; tous relevant du chef de l'État par des liens étroits pour les ministres et les préfets, réels, bien qu'affaiblis par la législation relative à leur élection, pour les maires.

La législation consulaire de l'an VIII, qui a fondé l'action sur l'unité, a fondé la délibération sur le nombre, en plaçant près du fonctionnaire unique qui agit, un ou plusieurs conseils chargés de pourvoir à la délibération qui prépare, éclaire, dirige ou contrôle l'action. Près du chef de l'État et des ministres nous avons trouvé le conseil d'État, et, dans chaque ministère, des conseils spéciaux afférents à chaque branche de service; de même nous trouverons, dans le département, le préfet chargé de l'action, et, chargés de la délibération, le conseil général du département et, en son absence et élue par lui, la commission dé

nommés pour trois ans ; ils pourront être continués. Art. 20. Les préfets nommeront et pourront suspendre de leurs fonctions les membres des conseils municipaux. Ils nommeront et pourront suspendre les maires et adjoints dans les villes dont la population est au-dessous de 5,000 habitants. Les membres des conseils municipaux sont nommés pour trois ans, ils pourront être continués.

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§ V. Des traitements.. Art. 21. (Nota. Article qui divise les préfectures en six classes au point de vue du traitement du préfet; abrogé.) — Art. 22. Le traitement des conseillers de préfecture sera, dans chaque département, le dixième de celui du préfet. Art. 23. (Nota. Article relatif au traite. ment des sous-préfets; abrogé.) Art. 24 (et dernier). Le gouvernement fixera, pour chaque département, la somme des frais de bureau qui sera employée pour l'administration.

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