Page images
PDF
EPUB

conservés avec plus d'attention, et parce qu'ils sont plus rares, et parce qu'on y trouve un plus grand nombre de traits qui dépeignent les mœurs des siècles auxquels appartiennent les chartes qui y sont transcrites. Les chartes originales intéressent par leur ancienneté, par la matière sur laquelle elles sont écrites, par les écritures nationales qui y ont été employées, par les dates dont elles sont accompagnées, et qui sont si utiles pour guider l'historien dans le dédale de la chronologie des siècles de confusion et de barbarie.

Les archives les plus célèbres pour leur ancienneté, sont celles des cathédrales et des anciennes abbayes. Les originaux écrits sur le papier d'Egypte sont les plus rares, cependant on en trouvera dans différens départemens. Les archives de quelques églises d'Alsace, celles de Corbie, de Bénigne de Dijon, de Tournus, de la Grasse et d'Arles, ou Arules, près Perpignan, en renferment plusieurs qui, réunis à ce que le département de Paris possède, ne peuvent que former la collection la plus intẻressante de l'Europe en ce genre. Une autre espèce d'originaux moins rares, et qui ne doit pas être négligée, ce sont ceux qui sont écrits dans l'ancienne langue vulgaire, ou en patois; le langage de chaque pays ou de chaque siècle y est conservé avec plus de pureté que dans la plupart des manuscrits. Les originaux de nós anciens historiens, ou autres écrivains qui ont composé des ouvrages en français, ont été plus ou moins altérés dans les copies qui en ont été faites à des temps et dans des pays différens. Les copistes se sont donné la licence d'en accommoder, en tout ou en partie, le style au langage de leur temps ou de leur pays; mais les anciennes chartes originales en langue vulgaire n'étant point sujettes. à ces inconvéniens, représentent dans toute leur pureté le langage du siècle et de la. province où elles ont été écrites. On en doit dire autant des anciens comptes, et même des anciennes procédures originales, où, indépendamment de beaucoup de détails intéressans pour les mœurs et les usages, l'on trouvera un très-grand nombre de mots de notre ancien langage. L'auteur du supplément au Glossaire latin de Ducange, en a tirẻ un parti très-avantageux pour expliquer quantité de termes de la basse latinité, parce que, dans le moyen âge, ceux qui écrivoient les actes en latin ne se faisoient point scrupule de donner une terminaison latine à la plupart des mots de la langue vulgaire ou du patois de leur pays; c'est par cette considération que le Glossaire latin de Ducange et son supplément ne sont pas moins utiles pour l'explication de beaucoup de mots de notre vieux français et de nos patois, que pour celle des termes de la basse latinité.

Je termine ce rapport par la réflexion suivante: Si ce dépouillement, quoiqu'incomplet, puisqu'il ne comprend que la moindre partie des établissemens ecclésiastiques supprimés, ne laisse pas de donner une idée assez

avantageuse des objets d'arts et de sciences dont la République est en possession par cette suppression, cette considération ne doit-elle pas rẻveiller l'attention des autorités constituées des départemens et des districts, et les exciter non-seulement à la surveillance des objets connus, mais encore à la recherche de ceux dont il n'est parlé dans aucun ouvrage imprimé ou manuscrit, et qui existeroient encore dans quelques lieux de leurs arrondissemens?

XVI.

Loi qui recommande à la surveillance de tous les bons citoyens les bibliothèques et tous les autres monuments nationaux de sciences et d'arts.

14 fructidor an II (31 août 1794).

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'instruction publique, décrète ce qui suit :

1o Les bibliothèques et tous les autres monumens de sciences et d'arts appartenant à la nation, sont recommandés à la surveillance de tous les bons citoyens ils sont invités à dénoncer aux autorités constituées les provocateurs et les auteurs de dilapidations et dégradations de ces bibliothèques et monumens.

2o Ceux qui seront convaincus d'avoir, par malveillance, détruit ou dégradé des monumens de sciences et d'arts, subiront la peine de deux années de détention, conformément au décret du 13 avril 1793.

3o Le présent décret sera imprimé dans le bulletin des lois.

4o Il sera affiché dans le local des séances des corps administratifs, dans celui des séances des sociétés populaires, et dans tous les lieux qui renferment des monumens de sciences et d'arts.

Article additionnel.

Tout individu qui a en sa possession des manuscrits, titres, chartres, médailles, antiquités, provenant des maisons ci-devant nationales, sera tenu de les remettre dans le mois, au directoire de district de son domicile, à compter de la promulgation du présent décret, sous peine d'être traité et puni comme suspect. Le rapport sera imprimé et envoyé aux autorités constituées et aux sociétés populaires.

XVII.

Loi qui déclare les agents nationaux et administrateurs de district responsables des destructions et dégradations commises dans leur arrondissement sur les monuments de sciences et arts.

8 brumaire an III (29 octobre 1794).

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'instruction publique, décrète :

Art. 1. Les agens nationaux et les administrateurs de district sont individuellement et collectivement responsables des destructions et dégradations commises dans leur arrondissement respectif sur les livres, les antiques et les autres monumens de sciences et d'arts, à moins qu'ils ne justifient de l'impossibilité réelle où ils ont été de les empêcher.

Art. 2. Dans la décade qui suivra la réception du présent décret, ils rendront compte à la commission d'instruction publique de l'état des bibliothèques et de tous les monumens de sciences et d'arts qui sont dans leur arrondissement, ainsi que des dégradations et dilapidations qu. auroient été commises.

La commission d'instruction publique et la commission temporaire des arts prendront toutes les mesures nécessaires pour l'exécution du présent décret, sous la surveillance du comité d'instruction publique; il dénoncera à la Convention nationale les administrations qui auroient négligé de s'y conformer.

La Convention nationale décrète l'impression du rapport et l'insertion au bulletin.

XVIII.

Loi portant qu'il ne sera établi aucun atelier d'armes, de salpêtre, ou magasin de fourrages et autres matières combustibles dans les bâtiments où il y a des bibliothèques, etc.

9 frimaire an III (29 décembre 1794).

La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, décrète :

Art. 1er.

Il ne sera établi à l'avenir aucun atelier d'armes, de salpêtre, ou magasin de fourrages et autres matières combustibles dans les

bâtimens où il y a des bibliothèques, muséum, cabinets d'histoire naturelle, et autres collections précieuses d'objets de sciences et d'arts.

Art. 2. Dans le cas où des ateliers ou magasins et des dépôts d'objets de sciences et d'arts se trouveroient réunis dans le même local ou dans les bâtimens voisins, les administrations de district prendront les mesures les plus promptes pour éviter les incendies, et pour déplacer même l'établissement dont la translation sera la plus facile et la moins dispendieuse:

[ocr errors]

Art. 3. Les agens nationaux de district rendront compte dans un mois, de l'exécution de la présente loi, à la commission d'instruction publique.

Art. 4. La commission temporaire des arts est chargée de l'exécution du présent décret à Paris.

L'insertion du présent décret et du rapport au bulletin de correspondance, tiendra lieu de publication.

XIX.

Extrait du règlement de la commission temporaire des arts, adjointe au comité d'instruction publique.

1794 ou 1795.

[ocr errors]

Art. 12. Tous les livres et manuscrits déposés dans les collections sur lesquelles la nation a des droits, seront inventories, sans aucune exception, par la section des dépôts littéraires ou par les commissions des districts, suivant la méthode indiquée dans l'instruction rédigée par la commission temporaire des arts, et adoptée par le comité d'instruction publique; et ils seront provisoirement conservés jusqu'à ce que la Convention ait fait connoître les bases de la distribution générale qui devra en être faite dans les départemens de la République.

Art. 13. Lesdits inventaires seront toujours faits sur place en cas d'urgence, la section des dépôts littéraires est autorisée à faire transporter les livres et les manuscrits, en masse, dans des malles, caisses, boëtes, cartons ou porte-feuilles numérotés et scellés, à la charge de les placer et de les inventorier séparément dans les dépôts provisoires, de sorte qu'il soit toujours possible de reconnoître, dans ces dépôts, les livres et les manuscrits de chaque maison d'où ils proviennent et de les représenter au besoin.

[ocr errors]

Art. 14. Les manuscrits seront recueillis et placés dans une section particulière du local destiné aux dépôts littéraires, où il en sera fait un dépouillement et un inventaire général. Tous les manuscrits qui seront jugés propres à donner des renseignemens utiles pour la défense de la République, seront mis à part; il en sera dressé un état, et ils seront remis au comité de salut public, qui les fera déposer dans un lieu à sa convenance, et qui en nommera le gardien.

Art. 15. Lorsqu'il s'agira de faire un choix parmi les livres ou les manuscrits sur lesquels la nation a des droits, ce choix sera fait sur les cartes des inventaires par celle des sections que cet examen devra concerner; c'est-à-dire par la section des dépôts littéraires pour tous les objets de littérature, et en général pour les éditions rares; et par les autres sections pour les livres de leur ressort sur lesquels il est utile qu'elles soient consultées, et qu'elles donnent leur avis.

Art. 16. Le département sera invité à faire parvenir à l'agent de la commission temporaire des arts toutes les annonces des biens appartenant ci-devant aux émigrés, une décade avant que la vente ait lieu, afin que la commission puisse empêcher toute distraction des objets qu'elle jugera propres à l'instruction publique.

Art. 18. Des lieux de dépôts provisoires seront indiqués, où, pour éviter les frais de gardien, les objets d'arts et de sciences, relatifs à l'instruction publique, provenant soit des maisons d'émigrés, soit de celles des conspirateurs, soit des ci-devant églises et des maisons ci-devant religieuses, seront transportés et réunis. Ces dépôts seront divisés en six classes, comme il suit :

Troisième classe : Dépôts pour les livres et les manuscrits.

Articles additionnels concernant les manuscrits.

Art. 1er. Conformément à l'article 14 du règlement de la commission temporaire des arts, tous les manuscrits que la section des dépôts littėraires à trouvés, et tous ceux qu'elle trouvera dans les bibliothèques ou collections qu'elle a été ou qu'elle sera chargée d'inventorier, seront réunis dans un dépôt provisoire.

Art. 2. La direction de ce dépôt sera confiée à un citoyen recommandable par son civisme et par ses lumières acquises dans la connoissance des manuscrits, et plusieurs commis copistes y exécuteront les travaux ordonnés par la commission temporaire des arts.

« PreviousContinue »