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principalement, dans les manuscrits, leur ancienneté, la distinction des différentes écritures nationales qui ont eu lieu pendant plusieurs siècles, et dont la naissance, les progrès et la décadence sont de la plus grande utilité pour déterminer l'âge des anciens manuscrits qui précèdent le treizième siècle; les langues anciennes et modernes dans lesquelles ils sont écrits; leurs matières, les liqueurs métalliques et autres que l'on a employées; la beauté de l'écriture, les miniatures, les vignettes et les arabesques qui l'accompagnent, et jusqu'à la couverture qui, par la matière et par les bas-reliefs souvent antiques dont elle est ornée, intéresse également l'antiquaire et l'artiste.

Sous ces différens rapports, les départemens possèdent des trésors, la plupart enfouis, et qui cependant, avec ce que Paris possède, forment une masse de richesses littéraires, du moins équivalente, peut-être supérieure à ce que les autres nations de l'Europe se vanteroient de posséder en ce genre.

Ancienneté des manuscrits.

Les ci-devant cathédrales d'Autun, de Saint-Claude, de Senlis, de Sens, de Soissons, de Tours, etc.; les ci-devant églises ou abbayes de SaintMartin de Tours, de Marmoutiers, de Bertin à Saint-Omer, de Jean de Laon, de Jumiège, de Moyen-Moutiers, et plusieurs autres, conservent des manuscrits de onze à douze cents ans d'antiquité; et la ci-devant abbaye de Corbie en possède un qui remonte au-delà de douze siècles. Il seroit trop long de citer dans ce simple apperçu les églises où il s'en trouve de huit cents, neuf cents et mille ans d'antiquité.

Écritures nationales.

Parmi ces anciens monumens littéraires, il en est d'écrits dans les différens caractères d'écritures nationales qui étoient alors en usage. Les cathédrales de Beauvais, d'Autun, les ci-devant abbayes de Marmoutiers, de Saint-Vanne de Verdun, de Saint-Mihiel, de Moyen-Moutiers, et celle de Morback dans la ci-devant Alsace, en offrent en caractères francogalliques ou mérovingiens; la ci-devant cathédrale de Laon, de visigothiques; celle de Soissons, les ci-devant abbayes de N. D. de Soissons, de Saint-Loup à Troyes, de Morback, et de Saint-Vaast d'Arras, en possèdent de lombardiques. On trouvera des écritures anglo-saxonnes à Tours, à Beauvais, à Bourges, à Rouen. Plusieurs bibliothèques en possèdent de ces différentes espèces d'écriture.

Langues orientales et langue grecque.

Les bibliothèques des établissemens ecclésiastiques supprimés dans les

départemens, ne sont pas si riches en manuscrits grecs ou écrits en langues orientales; cependant la ci-devant abbaye de S. Vincent, à Besançon, en possède d'hébreux, d'arabes et de grecs. Il y a à la ci-devant cathédrale de Soissons un Pentateuque samaritain traduit en arabe; à Saint-Mihiel, en Lorraine, un alcoran arabe en lettres d'or. On doit y trouver aussi un très-beau pseautier grec; et Morback en conserve un autre écrit en lettres onciales, qui dénotent une haute antiquité en ce genre.

Langue latine. Anciens écrivains.

Les manuscrits latins forment sans contredit le plus grand nombre de ceux qui précèdent la naissance de l'art typographique ceux de ces manuscrits, qui contiennent les ouvrages des anciens écrivains de Rome nos maîtres dans tous les genres de littérature, de philosophie, de sciences et d'arts, méritent la plus grande attention. Il n'en est parvenu jusqu'à nous presque aucun, par la voie de l'impression, qui ne soit altérẻ en quelque partie par l'injure du temps et par l'ignorance et la négligence des copistes le seul moyen d'en épurer le texte, et d'en remplir les lacunes, c'est d'avoir recours aux variantes des différens manuscrits. Les bibliothèques des établissemens ecclésiastiques des départemens ont de quoi en fournir aux savans de toute l'Europe une ample moisson, dont la république des lettres ne peut que tirer un très grand avantage.

On trouvera des manuscrits de Plaute à Pontigny; de Térence, avec figures, à Saint-Diez; de Cicéron, à Rouen, Reims, Tiron, Reuil en Brie ; d'Horace, à Beauvais, à Clairvaux un superbe exemplaire du dixième siècle, un autre de plus de huit cents ans à Troyes, et encore au Bec, en Normandie, un autre, optime note; de Virgile, à Metz, à Hautvillers, près Epernay, il a plus de huit cents ans ; à Rouen, à Tours, etc.; d'Ovide, à Rouen; de Sénèque le philosophe, à Reuil, à Tiron, à Saint-Evroul en Normandie; (l'exemplaire de Sénèque, d'Arnoul à Metz, est du neuvième siècle); de Lucain, à Metz, de Juvénal et Perse, à Saint-Mihieb; Prẻmontré en possède un exemplaire qui a plus de sept cents ans; de Stace, à Metz; de Tite-Live, à Tours; de Salluste, à Saint-Évroul; de ValèreMaxime, dans une maison de ci-devant Dominicains, en Auvergne; de Pline le jeune, à Rouen; de Solin, à Saint-Mihiel; de Macrobe, à Metz; (l'exemplaire de Martin de Tours est du neuvième siècle); les cartes de dépouillement et le relevé indiquent les lieux où se trouvent les manuscrits de Palladius sur l'agriculture, et les ouvrages latins ou traduits du grec en latin, concernant la médecine et les autres arts utiles à la société, dont les bornes de cet apperçu ne permettent pas de donner ici les détails.

Ecrivains du moyen âge.

Les écrivains latins du moyen âge ont également droit à l'attention des départemens. Les originaux de nos chroniques, ou leurs plus anciennes copies, plus complètes ou plus exactes que les imprimés, sont de la plus grande utilité pour les corriger ou les compléter.

Le plus ancien manuscrit de Grégoire de Tours, le père de notre histoire, se conservoit à la ci-devant cathédrale de Cambrai. Ce manuscrit est estimé du septième au huitième siècle, et par conséquent très-voisin de l'âge de l'auteur mort à la fin du sixième siècle. Un autre exemplaire de cet historien fait partie de la bibliothèque de Royaumont.

On trouvera les chroniques d'Hariulfe, à St-Riquier, près Abbeville; de Bolderic, à la cathédrale d'Arras; le supplément de la chronique d'Anchin, à Anchin; celle d'Auxerre, à St-Marrien-d'Auxerre; d'Helinan à Froidmont dont l'auteur étoit religieux; de Lambert d'Ardres, au sẻminaire de Boulogne; de Falce de Tournus, à Tournus; de Richer de Senones, à Senones; d'Odoranne, à St-Pierre-le-Vif de Sens, dont il étoit moine; de Bernard-de-la-Guyonnie aux ci-devant Dominicains de Toulouse. Un manuscrit de l'histoire de Bède, plus complet que l'imprimé, se conservoit à St-Martin de Séez; les tables astronomiques d'Alphonse-deCastille sont à Metz et dans plusieurs autres bibliothèques.

Ancienne langue française et patois des provinces.

Si les manuscrits en langues savantes ont droit à la surveillance de la République, ceux qui sont écrits dans notre ancienne langue et dans ses différens dialectes, ne méritent pas moins son attention.

Tours, Bourges, Dijon, Clermont, Metz, Sens, Beauvais, Soissons, Compiègne, Long-Pont, Rouen, Fécamp, Saint-Evroul, Préaux, etc., possèdent des manuscrits en prose et en vers dans notre ancien langage et dans les patois des diverses provinces qui ne diffèrent pas moins entr'eux que d'avec l'ancien idiôme auquel notre langue doit sa nais

sance.

A St-Alire de Clermont en Auvergne, deux manuscrits remarquables renferment des actes depuis l'an 1217 jusqu'à l'an 1222, écrits partie en vieux français, partie en auvergnat de ce temps-là; j'ajoute, de ce tempslà, car les patois ont eux-mêmes éprouvé des changemens et des altéra-. tions. Un manuscrit de Senones contient un monument de notre vieux langage, encore plus ancien, et qui est antérieur au milieu du douzième siècle: c'est une lettre du célèbre Bernard, abbé de Clairvaux, à un chevalier de ses amis, sur l'économie rurale et domestique; mais les plus anciens manuscrits en ce genre remontent au onzième siècle, et on en

trouvera à la ci-devant cathédrale de Sens, et à la ci-devant abbaye de

Benoît-sur-Loire.

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Matière des livres manuscrits et liqueurs métalliques qui out servi à les
écrire. Richesse des couvertures.

La matière des anciens manuscrits la plus rare aujourd'hui, c'est le papier d'Egypte. Quelques savans y joignent le papier d'écorce d'arbre; mais il n'en existe presque plus, et l'on a vérifié que ce qu'ils prenoient pour du papier d'écorce d'arbre, étoit du papier d'Egypte. Le département de Paris en possède quelques-uns de cette dernière espèce; mais les cartes de dépouillemens n'en indiquent aucun dans les départemens, il ne sera pas cependant inutile de réveiller l'attention sur cet objet, parce qu'il peut s'en trouver dans quelque coin de bibliothèque ignorée. Mais les départemens possèdent un certain nombre de manuscrits en lettres d'or et d'argent sur le vélin pourpré, et qui, à ce mérite, réunissent la beauté de l'écriture des neuvième et dixième siècles.

Je n'entrerai dans aucun détail sur la richesse des couvertures d'or et d'argent enrichies de pierreries. Depuis l'époque où l'on a travaillé à ce dépouillement, les circonstances ont exigé le sacrifice de ces ornemens superflus aux nécessités de la République. Mais on ne doit pas négliger les couvertures qui consistent dans des tables d'ivoire chargées de figures en relief, quelquefois bien plus anciennes que les anciens manuscrits qu'elles couvrent.

On trouvera 'des manuscrits à lettres d'or et d'argent sur vélin pourprẻ, ou sur simple vélin, à Compiègne, à Soissons, à Reims, à HautVilliers, à Troyes, à Metz, à Toul, à Verdun, à Breteuil, à Corbie, à St-Riquier près Abbeville, à Arras, à Hasnon en Hainaut, et dans d'autres ci-devant cathédrales et anciennes abbayes, et jusques dans un village du département du Jura nommé St-Lupicin.

Vignettes, miniatures, peintures.

Mais la richesse des anciens manuscrits qui intéresse le plus l'histoire, les sciences et les arts, ce sont les vignettes et les figures dont plusieurs sont ornés. Les monumens de peinture, sculpture et architecture du moyen âge, ne subsistent plus pour la plupart, ou n'offrent que des objets défigurés dont on ne peut guères tirer d'inductions bien sûres pour la connoissance des costumes ou pour la science de l'art; les vignettes et les figures des manuscrits y suppléent. Un grand nombre ont conservé leur première fraîcheur; elles sont de la plus grande utilité, non-seulement par rapport à l'histoire, aux costumes et aux arts que je viens de nommer,

mais encore relativement à tous les arts utiles à la société ; à la musique dont elles ont conservé la forme des instrumens; à l'art militaire dont elles représentent les machines de guerre, la manière d'attaquer et de défendre les villes; à la marine dont elles figurent les diverses espèces de bâtimens et la manœuvre ; à l'agriculture et aux arts mechaniques dont elles représentent les procédés et les outils.

Les historiens et les autres écrivains nous apprennent bien les noms des instrumens, des machines et des outils des différens arts en usage de leur temps, mais ils ne les décrivent pas ; les vignettes, les peintures des manuscrits parlent aux yeux, et se font entendre d'une manière plus sensible que n'auroient pu le faire des écrivains par leurs descriptions.

Peut-être seroit-il digne de la typographie de la République, de joindre aux éditions futures de nos historiens du moyen âge, tels que Froissart, Monstrelet, Commines, etc., des vignettes choisies dans les manuscrits de leur temps; ce seroit le meilleur commentaire pour l'éclaircissement du texte de ces historiens inintelligibles dans beaucoup d'endroits.

Tous, ou presque tous les départemens possèdent des manuscrits à vignettes. Les cartes de dépouillement font mention de ceux de Corbie, de Douai, de Flines, de Soissons, de Compiègne, de Sens, de FontaineJean, dans le Maine; de Joigny, de Tonnerre, d'Autun, de Tours, de Fontevrault, de Bourges, de la Réole, département du Bec-d'Ambez, de Jumiéges, de Savigny et d'Autun. Les vignettes du manuscrit d'Autun sont peut-être les plus anciennes qui existent en France, ce manuscrit étant en lettres franco-galliques ou mérovingiennes, qui ont cessé d'être en usage dans les commencemens du neuvième siècle.

Monumens littéraires des archives.

Les archives des anciens établissemens ecclésiastiques supprimés, si l'on en excepte ce qui concerne l'administration, la partie contentieuse, et ce qu'on appelle ordinairement titres actifs, renferment un grand nombre d'objets relatifs à l'histoire, aux lettres, aux.sciences, au commerce et aux arts. Les cartulaires qui y sont ordinairement conservés, les martyrologes et les nécrologes que l'on y rencontre souvent, et qui sont communément remplis de notes et d'anecdotes utiles à l'histoire particulière des départemens, ne font point une classe séparée de celles des manuscrits. Les cartulaires les plus anciens et les plus intéressans cités dans les cartes de dépouillemens, sont ceux de Guillem du désert, près de Lodève, écrits sur la fin du dixième siècle; de Folcuin, à Bertin de Saint-Omer; du Monastier Saint-Chaffre, près du Puy-en-Velay; de Cluni, de Gorze, de Vanne de Verdun tous du onzième siècle au moins. En général les cartulaires qui précèdent le treizième siècle doivent être

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