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INTRODUCTION.

Les grandes bibliothèques de Paris ont et auront toujours un fonctionnement régulier, perfectible assurément, mais qui satisfait aux besoins du public admis à les fréquenter. Ce fonctionnement est assuré par la force même des choses; le nombre des lecteurs augmentant de jour en jour, le personnel, familiarisé avec les travaux bibliographiques, est sans cesse tenu en éveil, et les traditions, pas plus que le service, ne subissent d'interruption. D'autre part le voisinage de l'Administration centrale est une garantie de bon ordre; les exigences d'un public avec lequel il faut compter, sont un excellent stimulant qui provoque les réformes et suscite le progrès. Aussi, sauf les mesures d'ordre intérieur indispensables à tout établissement important, n'est-il pas besoin, pour réglementer le service, des

instructions et des circulaires sans lesquelles la plupart des bibliothèques des départements seraient fatalement vouées à la décadence. C'est que pour beaucoup de celles-ci, la situation est tout autre. En général, même toujours dans les villes de deuxième ou troisième ordre, le personnel ne se compose que du bibliothécaire; l'état de la bibliothèque dépend surtout de lui seul. S'il est actif et soigneux, s'il aime les livres, son dépôt sera bien ordonné; les volumes seront rangés méthodiquement, parfaitement entretenus et les catalogues constamment tenus à jour. Si, au contraire, il est affaibli par l'âge, s'il a accepté ses fonctions plutôt à cause du traitement et de l'honneur qui y sont attachés que par goût pour les livres, le désordre s'introduira sur les rayons, les catalogues resteront en souffrance; les lecteurs, fatigués de ne pas obtenir communication d'ouvrages qu'il est devenu impossible de trouver, finiront par déserter les bibliothèques. Que cette situation se prolonge pendant un certain temps, il ne restera plus de ces bibliothèques que le nom et un amas confus de livres. Il en existe plus d'un en France, de ces dépôts qui ont été autrefois prospères, grâce à une sage administration, qui sont maintenant délaissés, si ce n'est par des amateurs peu scrupuleux.

Ce qui manque surtout aux bibliothèques, ce sont les bibliothécaires, je veux dire des hommes aimant et connaissant les livres, des administrateurs en même temps que des bibliographes. La faute en est aux municipalités qui ont pour les livres une complète indifférence et ne veulent, sauf de rares exceptions, consentir pour leurs collections qu'à des sacrifices d'argent dérisoires. Là est le mal, le véritable mal; il ne faut pas songer

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y remédier. Il est aussi dans l'absence de traditions et, à défaut de traditions, de règlements et d'instructions qui servent de guide aux bibliothécaires. La législation des bibliothèques est partout ignorée; par suite les droits les plus essentiels et

les intérêts les plus graves sont méconnus. C'est ce qui explique, sans les justifier, ces ventes et ces aliénations, qui ont lieu plus souvent qu'on le pense, en dépit des décrets et des ordonnances. Les règles les plus élémentaires de l'administration ne sont pas appliquées; il en résulte des abus monstrueux que les comités d'inspection et d'achats ne veulent pas ou ne peuvent pas empêcher. Que dire des sages prescriptions relatives au service des bibliothèques, aux devoirs des bibliothécaires, aux mesures d'ordre et de conservation qui leur sont imposées ? Elles aussi sont ou méconnues ou ignorées; l'expérience ne le prouve malheureusement que trop.

Il m'a semblé que je ferais œuvre utile en codifiant, surtout à l'usage des conservateurs des bibliothèques départementales, les lois, les décrets, les ordonnances et les arrêtés qui régissent leurs dépôts et qui ont été promulgués à différentes époques. Les droits respectifs de l'État et des municipalités étant rigoureusement établis par ces actes, il n'y aura de ce côté ni confusion, ni erreur possible. S'il subsistait quelque part des préventions ou des malentendus regrettables, la clarté et la précision des textes ne sauraient manquer de les dissiper.

A côté de ces droits, il y a des responsabilités et des devoirs professionnels auxquels les bibliothécaires ne peuvent pas se soustraire. Généralement ces devoirs sont plus ou moins nettement déterminés par les règlements propres à chaque bibliothèque; il en est qui sont définis dans les instructions et les circulaires ministérielles. Il suffira de les parcourir pour se convaincre que si l'on s'en tenait strictement à celles qui concernent les bibliothèques municipales, elles seraient tout-àfait insuffisantes. Pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'apprécier ici, l'État a cru devoir pendant trop longtemps se désintéresser de ces bibliothèques; il en est résulté dans les

rapports un relâchement qui a été aussi préjudiciable à ses droits qu'aux intérêts des bibliothèques. De là l'interruption des prescriptions qui entretenaient les bibliothécaires dans la connaissance de leurs devoirs. Heureusement il est facile de combler cette lacune. La création et le développement considérable des bibliothèques universitaires, populaires, voire même scolaires, ont provoqué une série de règlements, d'instructions et de circulaires qui peuvent être considérés comme un code et un manuel à l'usage des bibliothécaires. Dans tous ces actes, émanés des différentes directions du Ministère, selon la catégorie à laquelle appartiennent les bibliothèques, il y a à prendre des renseignements utiles, des indications précieuses, car ils se complètent l'un par l'autre autant au point de vue administratif qu'au point de vue bibliographique'. Je n'en veux citer comme exemples que l'excellente instruction générale relative au service des bibliothèques universitaires, qui comprend les devoirs du bibliothécaire, le détail des opérations du classement et les mesures d'ordre et de conservation; le règlement de ces mêmes bibliothèques; l'instruction du 25 août 1861 sur la rédaction et la tenue des catalogues des bibliothèques des lycées; enfin celle du 30 décembre 1876 sur le classement des bibliothèques populaires, sur le prèt, les récolements, les catalogues, etc. La législation étant fixée en ce qui concerne les bibliothèques qui dépendent de l'État, les bibliothécaires ont pour devoir de s'y conformer scrupuleusement; les conservateurs des bibliothèques municipales ont plus de latitude; en attendant une réorganisation et des réformes qui s'imposent, ils pourront emprunter à ces instructions et à ces règlements ce qui leur paraîtra convenir le mieux aux besoins de leurs bibliothèques,

1. Dans plusieurs villes, les bibliothèques populaires et même scolaires ont été annexées aux bibliothèques municipales et ont le même conservateur.

à l'état de choses existant et aux habitudes des localités. Il importe avant tout que ces emprunts soient judicieux.

L'utilité du recueil que je livre au public n'a pas besoin d'être démontrée ; elle sera évidente pour ceux qui ont été à même de juger de la triste situation de certaines de nos bibliothèques départementales. Tous les bibliothécaires consciencieux feront, j'en suis sûr, le meilleur accueil à un guide qui leur permettra de résoudre les difficultés multiples que soulèvent l'administration et l'économie d'une bibliothèque. Ils n'avaient pas jusqu'ici, pour la plupart, sous la main les éléments qui m'ont servi à le former, les grandes collections de lois et de décrets des assemblées révolutionnaires, des brochures du temps, aussi rares qu'importantes', le Bulletin des lois, le Journal général et le Bulletin administratif du Ministère de l'instruction publique, le Recueil des circulaires, en sept volumes, publié par les soins du même Ministère. D'ailleurs les documents de ce genre gagnent à être groupés. M. Jules Cousin l'avait aussi compris, quand il avait donné, à la suite de son livre sur l'organisation et l'administration des bibliothèques, un Appendice consacré aux arrêtés, règlements, circulaires et instructions ministériels relatifs aux bibliothèques universitaires et populaires; il eût été bien inspiré en ne se renfermant pas dans un cadre aussi étroit.

J'encourrai sans doute le même reproche en ce qui concerne les bibliothèques de Paris. Je les ai volontairement laissées en dehors de ce recueil, sauf pour l'ordonnance de 1839 qui est la base constitutive, essentielle de leur organisation actuelle; tout ce qui a été fait depuis doit être considéré surtout comme mesures d'ordre intérieur. Il existe d'ailleurs pour la Bibliothèque nationale un recueil imprimé de décrets, ordonnances,

1. M. Delisle a bien voulu mettre à ma disposition sa précieuse collection de brochures bibliographiques de l'époque révolutionnaire.

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