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des désordres où, oubliant le nom de l'auteur, on ne cesse d'en invoquer les préceptes,

On a dit que cette morale était épuisée. Mais les prescriptions les plus claires et les plus simples de celles qui y sont contenues, sont loin d'être socialement réalisées. Elle commande entre autres aux hommes de se traiter en frères : où est la fraternité? elle dit que les hommes sont égaux: où est l'égalité? elle ordonne que le pouvoir appartienne au plus dévoué: est-il un lieu où cette loi soit réalisée? il est cent autres préceptes moraux qui ne sont pas encore sur le terrain de la politique; il en est enfin qui ne le seront qu'à la condition d'une perfection individuelle qu'il ne nous est pas encore donné de prévoir.

La morale chrétienne est la seule universelle, et la seule, disons-le, qui soit d'institution divine parmi les lois diverses qui règnent encore aujourd'hui sur le monde. Elle est universelle, parce qu'elle comprend tous les temps, tous les lieux, tous les hommes; parce qu'elle renferme en elle toutes les révelations antérieures, et les complète en les expliquant. Les réglemens moraux qui règnent ailleurs, n'ont d'autre valeur que celle qu'ils doivent à des emprunts ou des imitations plus ou moins imparfaites. Elle est la seule qui soit proclamée, par une majorité immense, être d'institution divine, car les réglemens divers qui gouvernent ailleurs sont aujourd'hui en réalité avoués être humains. Il serait facile de le prouver si l'on voulait pénétrer dans les dogmes panthéistiques qui immobilisent la civilisation dans les Indes, en Chine et chez les Mahométans. Aussi est-elle la seule qui ait fait une société progressive.

Trois espèces de religions reconnaissent aujourd'hui la loi chrétienne pour leur loi morale; les Protestans, les Grecs et les Catholiques. Les premiers ont proclamé la souveraineté de la raison individuelle en matière d'interprétation biblique. Ils ont

ainsi donné à chacun le droit de commenter le devoir et de choisir. Qui n'aperçoit en effet dans cette doctrine les vices que nous reprochions au système des Droits de l'Homme, savoir, un principe qui, loin d'unir les hommes, les sépare; un principe qui, loin de tendre à l'association, tend à la dissociation. Le protestantisme a donné naissance à une philosophie qui peut servir à le juger; il a engendré l'éclectisme moderne. Celui-ci donne comme principe premier, que le moi se pose avant tout; c'est-à-dire que l'individu doit se poser avant la société. Ce système a été et devait être une doctrine de désorganisation. Aussi ce n'est point là qu'il faut aller chercher les fondemens d'une réédification sociale.

La religion grecque est celle de l'empire russe. Le czar est le primat des Grecs. Or, outre que par une erreur de dogme ils séparent les temps passés des siècles appartenant à la civilisation moderne, ces peuples se sont soumis à un système politique complétement opposé à l'esprit chrétien. Le christianisme pose en principe que l'esprit est incessamment en lutte avec la matière, qu'il doit incessamment tendre à la subalterniser et ne jamais s'y soumettre; ou, en d'autres termes, que rien de chrétien ne peut se faire que par un sacrifice temporel. Au contraire de ce précepte fondamental, les Grecs ont consenti que le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel fussent réunis dans la même main; en sorte que ce fût un intérêt temporel qui décidât des choses spirituelles; en sorte que les sacrifices matériels nécessaires pour accomplir l'avancement spirituel devinssent à jamais impossibles. Ils ont confondu deux puissances contradictoires et les ont ainsi annihilées l'une par l'autre. Par l'effet de cette erreur, la Russie est entrée dans une voie fatale. Le sort qui lui est réservé est celui qu'a subi l'empire ottoman.

Le catholicisme seul offre le complet de l'intelligence chrétienne. S'il s'agit de l'interprétation, il dit que c'est à l'Église tout entière qu'il appartient de décider. S'il s'agit de pouvoir, il

dit que l'esprit et la matière sont séparés, et qu'ils doivent avoir chacun leur gouvernement; en sorte que l'esprit reste toujours libre de l'influence temporelle, et agit incessamment pour faire opérer la progression qui est fixée comme but.

La nation française est d'origine catholique. C'est par un acte catholique qu'elle a commencé; c'est elle qui a constitué le catholicisme en Europe; elle est la mère de la civilisation moderne. Aussi a-t-elle été appelée la fille aînée de l'Église.

Lors même que dans la révolution dernière, elle ne nommait pas l'auteur des principes qu'elle proclamait, elle agissait d'une manière catholique. Sa doctrine de la souveraineté du peuple est une traduction de celle de la souveraineté de l'Église. A ses yeux comme dans l'Église, la liberté fut le droit de choisir entre le bien et le mal; l'égalité, la négation de tous les obstacles matériels de position, d'éducation et de naissance qui peuvent empêcher un homme de mériter ou de démériter librement; la fraternité fut le libre dévouement de chacun pour les autres; le pouvoir dut être un fardeau réservé au plus dévoué.

Les crimes qui souillèrent la révolution furent l'effet du matérialisme du dix-huitième siècle, et du philosophisme que la noblesse avait protégé et propagé. Les révolutionnaires eurent le tort, involontaire sans doute, de ne point accuser hautement l'origine chrétienne des principes que l'on proclamait. Ils les eussent ainsi rendus obligatoires pour tous et en même temps complétés. On se borna, au contraire, à poser des doctrines individuelles, ou des conclusions prétendues scientifiques, qui n'étaient que des occasions de discussion et non de croyance. A cause de cela, pendant la révolution il fut émis un grand nombre de principes, et rien ne fut édifié, les négations mêmes qui tendaient à l'égalité furent si peu assurées, que Napoléon put impunément en effacer un grand nombre, entre autres celle de la noblesse héréditaire.

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Pour réédifier la société française, il faut se placer sur le terrain catholique. La doctrine chrétienne n'admet, en fait d'institutions sociales, rien de ce que la révolution a nié; elle pose de plus des principes d'organisation que celle-là était hors d'état d'établir, parce qu'elle avait perdu de vue son origine.

Selon nous, pour se placer à la tête des nations modernes, comme elle y a été si long-temps, il faut que la France, reprenant la gloire de tout son passé, déclare que :

Son but est de réaliser socialement la morale de Jésus-Christ;

Que vis-à-vis de cette morale, les devoirs sont la source des droits; et que, pour les nations comme pour les individus, tout droit émane d'un devoir accompli ;

Qu'en conséquence, ses premiers efforts auront pour but l'établissement de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, afin que chacun, homme ou nation, puisse librement conquérir le droit. par le devoir, et puisse mériter ou démériter;

Qu'enfin le premier signe de la capacité pour le pouvoir est la complète et volontaire abnégation de soi-même; car Jésus-Christ a dit que celui qui voudrait être le premier parmi nous devait se faire notre serviteur.

Nous finirons par cette conclusion générale, l'abrégé logique dans lequel nous avons essayé de résumer les questions traitées dans nos préfaces. Nous nous sommes appliqués dans ce petit travail plutôt à saisir l'attention et à exciter la curiosité de ceux qui ne les ont pas lues, plutôt à présenter le lien rationnel qui unit ces articles détachés, qu'à en donner une exposition complète. Il est des choses que nous ne pouvions répéter et qui supposent la lecture du livre même de notre histoire,

dans lequel nous les avons comprises. On nous excusera donc si nous n'avons pu éviter aux lecteurs la peine de lire quelques pages de plus. Il ne nous reste plus maintenant, en terminant, qu'à nous féliciter d'avoir mis à fin une si longue et si difficile entreprise, qu'à remercier les personnes dont la bienveillance nous a livré les matériaux et les pièces dont nous nous sommes servis, et enfin les nombreux souscripteurs dont la confiance et la persévérance nous ont mis à même d'achever notre travail.

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