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NOTICE RAISONNE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES.

pour titre quelqu'ancienne qu'elle puisse être. Selon celle du Nivernois, l'Ufage, quand il n'est pas autrement exprimé, se réduit au bois mort & mort-bois. La même Coutume veut que le bois à bâtir soit donné par montrée ou coupe réglée. Celle de Lorraine assujettit à la même formalité, même les Usages du bois blanc.

Les Usagers font toujours obligés de s'adresser aux Officiers du Seigneur, pour être delivrés; mais après sommation & huitaine d'attente, la Coutume de Nivernois les autorise à se pourvoir, & à prendre leur droit d'Usage. Par les Coutumes de Meaux, Lorraine & Pays de Labour, ils ne peuvent revendre aucune portion de leur droit d'Usage. La Coutume de Troyes prononce la peine de confiscation contre les contrevenans; & celle du Pays de Labour permet aux Co-ufagers de revendiquer, & reprendre par tout où ce soit, la marchandise ainsi distraite.

La Coutume de Nivernois veut que des Usagers par indivis ne se préjudicient point réciproquement, & qu'ils en usent en bons peres de famille. Celle de Lorraine les assujettit à consommer d'abord le bois mort & blanc. Selon cette même Coutume; les Communautés étoient maîtresses d'aliéner sans consentement du Seigneur; l'Ordonnance a établi fur ce point des régles générales qui paroissent gênantes pour les Communautés, mais qui, dans le vrai, leur font essentiellement utiles, & remplissent les vues du bien public.

La Coutume de Labour autorisoit les Communautés à vendre de gros arbres, pourvu que ce fût de commun accord. C'est une liberté qui leur eft generalement interdite par toutes les Ordonnances Forestieres, & elles ne le peuvent point aujourd'hui sans une permifsion expresse du Conseil.

Les Coutumes de Troyes & Chaumont condamnoient à la confifcation des voitures & outils, ceux qui étoient trouvés coupant sans droit dans des Bois de Communautés. Celle de Lorraine infligeoit la même peine dans les cas de délit de nuit. Cette même Coutume avoit fixé à cinq livres l'amende pour un arbre fauvage coupé sans la permission du Seigneur Haut-Justicier; & elle défendoit de prendre bois, gland ni feine, sans la permission du Seigneur Foncier, sous peine de vingt sols pour la premiere fois, foixante fols en cas de récidive, & d'être puni la troisfiéme fois comme pour larcin,

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PAISSON ET PATURAGE.

Cette partie des Coutumes doit être combinée avec les Titres XIX. & XX. de l'Ordonnance de 1669, qui a dérogé à quelquesunes, & qui en a suivi beaucoup; c'est-à-dire, l'esprit général est le même. Mais pour les Parties sur lesquelles les Coutumes ont donné des termes différens, l'Ordonnance a pris un point milieu qui peut être applicable par tout, tel que le tems de l'ouverture & de la clôture de la glandée, sur lequel les Coutumes font toutes différentes. Le terme que le Roi a fixé à cet égard par fon Ordonnance, eft commun à toutes ses Forêts, en quelque Province que ce foit; & il n'y a gueres de Provinces où le Roi n'ait des Bois.

La nécessité du concours des Officiers d'Eaux & Forêts en cette partie, eft conforme à l'esprit & à la lettre de toutes les Coutumes par lesquelles on voit que ce droit ne peut être exercé sans titre & privilege exprès, comme le disent les Coutumes de Montargis & d'Orleans, & fans le consentement du Seigneur Propriétaire, & feulement dans les endroits où il peut avoir lieu, sans qu'il en advienne dommage. Aussi voyons-nous, par les Coutumes de Sens, Auxerre, Lorraine, Nivernois, que ce consentement est nécessaire; & qu'à ceux qui ne le prennent pas, la Coutume de Troyes inflige la peine d'amende, & celle de Chaumont la confiscation du bétail.

La Coutume de Nivernois, fuivie en cela par l'Ordonnance de 1669, veut que les Ufagers donnent déclaration du nombre de leurs bêtes, & qu'ils ne puiffent envoyer à la glandée que des bêtes de leur nourri. La Coutume d'Auvergne alloit plus loin pour empêcher l'abus de la multiplication, en ne permettant le pâturage l'Eté que pour autant de bêtes qu'on avoit nourries pendant l'Hiver.

A l'égard des Bois défensables, il y en a qui, selon les Coutumes, le font toujours, ainsi que les Garennes dans la Coutume de Poitou; d'autres qui ne le font que dans certains tems & à certaines époques : & ceux de cette espece, selon les Coutumes de Sens, d'Auxerre & de Bar, ne le font que quand ils ont été déclarés dûement tels. Ce qui détermine le tems où les Bois sont défensables, est ordinairement l'âge & l'érat du recru; parce qu'ainsi que nous l'avons observé dans le cours de notre Ouvrage, l'intention de la Loi n'est pas que les droits

des

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des Usagers puissent préjudicier au propriétaire. C'est sur quoi les Coutumes ont varié à l'infini, & elles ont dû nécessairement varier selon la nature du fol, & le dégré plus ou moins avancé des révolutions de saisons. Nous voyons, par exemple, que selon les Coutumes de Nivernois, Berry, Auvergne, la Marche, Bourbonnois, les bêtes usageres ne pouvoient être envoyées en pâturage avant trois ans de recrû, & que le même terme étoit donné pour le recrû de Bois brûlé. Les Coutumes de Montreuil & de Bourgogne mettoient le terme à quatre ans. L'Ordonnance de 1669, plus sagement, n'a point déterminé de terme fixe; le Législateur en a fenti l'impoffibilité dans une Ordonnance générale, & se reposant sur la fidélité & les lumieres des Officiers du Roi, elle leur a laissé la détermination de ce point de police & d'administration. Nous avons raisonné amplement dans notre Commentaire sur cette matiere fort importante, & nous avons fait voir qu'il étoit essentiel d'être très-circonfpect en ce point.

Les Coutumes n'ont pas été aussi rigides que l'Ordonnance de 1669, sur l'espece des bêtes qu'il peut être permis d'envoyer en pâturage. Les Coutumes de Saintonge & Poitou permettoient l'envoi des chévres après cinq ans de recru. Nous avons rapporté dans notre Commentaire des exemples de condescendance pareille pour les bêtes à laine, & nous en avons dit notre sentiment. Il faut s'en tenir sur ce point aux interdictions sagement prononcées par l'Ordonnance de 1669, très-favorable en cela à l'objet de la conservation des Bois, qui rarement peuvent être défensables à cinq ans; mais qui ne le doivent jamais être pour chevres ni bêtes à laine.

Selon la Coutume de Meaux & beaucoup d'autres, il y a des peines plus grandes pour les bêtes trouvées à garde faite que pour celles trouvées en échappée, elle fixoit l'amende des premieres à soixante fols, & celle des autres à cinq fols. Les Ordonnances Forestieres ont suivi & adopté les mêmes différences.

La Coutume de Hainault ne permettoit pas de couper herbe en Forêts, en quoi elle étoit fort sage dans la vûe de la conservation du petit plan. L'Ordonnance y est conforme.

Par rapport aux Usagers indivis les Coutumes ont encore établi des régles comme d'égalité, ensorte qu'un Co-Ufager ne puisse en

Tome II.

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voyer paître un plus grand nombre de bêtes qu'un autre; auquel cas selon la Coutume d'Acqs, il étoit tenu de donner compenfation aux autres. Les Coutumes de Poitou, Hedin, & plusieurs autres, ont déterminé le nombre selon la quantité de terre, & ce qu'il falloit de bestiaux pour l'exploitation. En ce qui regarde les Forêts du Roi, les quantités de bêtes pâturantes ont été fixées par des Arrêtés du Conseil dressés après productions des Titres de chacun.

Lorsqu'il y a des Co-Seigneurs indivis, la Coutume d'Orleans, veut qu'ils évitent de se nuire réciproquement, mais quelque précaution que les Coutumes ayent pu prendre à cet égard, la méchanceté ou l'esprit d'intérêt dans les hommes a presque toujours prévalu, & rien n'est plus sujet à inconvénient & à procès que les Seigneuries ou possessions indivises.

PRISES ET AMENDES.

Personne dans l'ordre des Loix & en Pays policé n'a droit de se faire justice à lui-même, mais il lui est permis de se mettre en état de l'obtenir & de se la faire rendre dans tous les cas de lésion. C'est ce que les Coutumes ont autorisé en prenant en même tems des précautions pour que ces moyens de se procurer justice ne pussent point dégénérer en tirannie: nous avons notré, dans le cours de notre Commentaire, comment une portion d'exercice de la justice avoit été dévolue à des Seigneurs Particuliers, & nous partirons delà dans ce que nous avons à dire fur ce point.

Selon toutes les Coutumes on est en droit de saisir & arrêter toutes bêtes qui font dommage de quelqu'endroit qu'elles foient & à qui que ce soit qu'elles appartiennent. Le Seigneur Haut-Jufticier selon la Coutume de Troyes, est compétent d'en connoître & l'amende lui en peut être adjugée par ses Juges. Il peut saisir par lui-même ou faire saisir par ses Sergens selon la Coutume de Reims.

La Coutume de Poitou, ordonne qu'à ceux qui n'ont Justice n'appartient que le dédommagement, & qu'ils ne peuvent rien prétendre à l'amende ce qui est juste, puisqu'elle ne peut résulter que d'un Jugement dont ils ne font pas compétens.

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Selon la Coutume de Blois, dela Marche & de Bordeaux, les bêtes prises doivent être mises en Justice après vingt-quatre heures, pendant lesquelles seulement le saisisant peut les garder, soit pour se faire rendre justice à l'amiable, foit pour rendre les bêtes saisies en consignant l'amende de la part de celui qui les répete, ainsi que le prononce la Coutume de Bayonne.

La Coutume de Montargis ne permet pas l'emprisonnement des personnes, & en effet nul Particulier n'a par lui-même aucun droit personnel sur la liberté d'un autre Citoyen, voilà pourquoi il faut toujours saisir la justice publique dans l'esprit comme nous venons de l'observer de prevenir tout exercice de tirannie.

Nous n'entrerons pas ici dans le détail de ce que les Coutumes ont prononcé de différent sur le taux des dédommagemens. L'Ordonnance a fixé les peines en ce qui peut regarder le Roi, c'est tout ce qu'il est essentiel que les Officiers d'Eaux & Forêts connoissent pour en faire usage dans l'occasion.

DES RAPPORTS DES SERGENS GARDES &c.

Quelque hazardeux qu'il soit de s'en rapporter à la fidélité des Gardes ou Sergens, quoiqu'avec ferment sur leurs rapports, ainsi que l'expérience nous l'apprend, l'Ordonnance de 1669. n'a cependant pas pu en ce point adopter le langage des différentes Coutumes à cause des inconvéniens d'une autre espéce qui en auroient pu résulter au détriment des Forêts du Roi; elle a seulement adopté celles des précautions les plus essentielles, que quelques Coutumes fuggeroient pour laisser sur cela le moins qu'il se pourroit au hazard. Le langage en ce point des Ordonnances antérieures à celle de 1669. fait affez connoître que le Législateur fentoit les inconvéniens de cette confiance, & qu'il y mettoit toutes les bornes que pouvoit comporter l'administration de ses Eaux & Forêts. Il est aise de confronter ce que nous allons dire des Coutumes, avec ce que statue l'Ordonnance de 1669. Titre des Huissiers

Gardes.

Dans la Coutume du Hainault, le Messier ainsi que le Sergent Forestier affermenté à Justice, n'étoit cru de ses rapports qu'au cas

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