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NOTICE RAISONNE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES.

de Normandie. C'eft fur ce principe qu'elle ne laiffe aucune jouiflance perfonnelle de la futaye, à qui n'a que la qualité & les droits d'ufufruitier, tels que les Eccléfiaftiques & les Engagiftes.

Plufieurs Coûtumes ont prononcé fur les terres délaissées aux environ des Forêts. Celles de Bourgogne & de Franche-Comté les adjugent au Haut-Justicier poffeffeur de la Forêt, s'il n'y a foffé, borne ou renfeignement contraires. C'eft ce principe qui a fondé.beaucoup de réunions faites aux Forêts appartenant au Roi, ainsi que les Coûtume de Sens, Troyes & Chaumont, qui ordonnent que les accrues fuivent la condition du Bois. L'expérience apprend que les bois, foit par racine, foit par chute de graine, gagnent toujours autour d'eux; & c'eft une raifon pour les Riverains des Forêts du Roi, de défirer d'être foffoyés pour éviter l'application des Loix fur les réunions. On voit par cet article, la vérité de ce que nous avons dit dans le cours de notre Ouvrage, que le Roi ne s'étoit appliqué pour fes Forêts que ce que les Coûtumes donnent au Seigneur & au Propriétaire.

Selon la Coûtume de Ponthieu, les tiercemens & doublemens ne font point reçus après la chandelle éteinte. Il y a fur cette partie de formalité d'adjudication, des ufages locaux différens. Dans quelques endroits, c'eft à l'extinction de la flamme; dans d'autres, c'est à celle du feu, que les Bois fe vendent & s'adjugent. Cela eft fort égal ce font de ces objets de Police fur lefquels l'uniformité est chose fort indifférente à établir.

La Coûtume du Boulonnois vouloit qu'il fût donné remplage au Marchand, quand il n'avoit pas difertement acheté tant plein que vuide. Cela eft profcrit par nos Loix Foreftieres, & le changement qu'elles ont fait fur cela eft très-fenfé, ainsi que nous l'avons obfervé en la Section des Ventes des Bois.

Selon celle d'Amiens, l'abattage devoit finir au premier Mai, & la vuide à la Magdelaine enfuivant. Il y a fur cela des régles différentes pour les Bois du Roi; & dans l'ordre particulier, chacun peut fe régler différemment & relativement à l'intérêt de la confervation de fon Bois. On vendra quelquefois plus avantageufement, en donnant plus de tems au Marchand pour la vuide de fes marchandifes; mais on ne laiffera point prolonger l'abattage par-delà le tems du repos de la féve. Selon cette même Coûtume, il y avoit confifcation du

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Bois, & cependant le Marchand étoit tenu au payement du total du prix convenu. Ce qui étoit jufte, puifque fans cela le contrevenant n'auroit pas été puni. La même punition a lieu dans les Bois du Roi.

Les anciennes Coûtumes ont prefque toutes fixé les amendes pour prises & délits de Bois, à des fommes qui feroient modiques aujour d'hui: C'eft pourquoi en ce point, ce font les Ordonnances Foreftieres qui font & doivent faire Loi, ainsi que nous l'avons observé dans notre Ouvrage. Et les Particuliers feroient bien mal avisés pour leur propre intérêt, s'ils ne profitoient pas de la liberté que les Ordonnances leur donnent de faire prononcer mêmes peines que le Roi dans fes Bois.

La Coûtume de Bretagne étoit même bien finguliere pour ce qui regardoit le Bois pris, en ne condamnant à des peines que pour le bois fcié, ou pris nuitamment, ou pour arbres fruitiers, ou pour grands arbres fervant à la décoration des maifons. Elle vouloit auffi que l'amende se réglât fur la qualité des perfonnes. C'étoit une façon fort dangereuse d'affurer l'impunité pour les menus délits. Ces condef cendances n'ont plus & ne doivent plus avoir lieu vis-à-vis nos Ordonnances Foreftieres.

La Coûtume de Bordeaux avoit pourvu fort fagement à l'abus des Ouvriers en bois legers, comme les Faifeurs de Paniers, en ordonnant que ceux qui n'avoient Bois à eux, feroient punis par amende & prifon, s'ils ne déclaroient d'où provenoit le bois qu'ils ouvroient. Nous avons, fur ces mêmes objets, des régles correfpondantes, telles que les étiquettes que les Marchands font obligés de donner, & des Réglemens particuliers dirigés fur le même efprit de cette Coûtume. C'est ce qu'on peut voir en notre Commentaire dans la Section de la Police.

Selon la Coûtume du Pays de Labour, la peine contre ceux qui, même malicieusement, allumoient feu dans les Bruyeres, n'étoit que d'indemnifer la Paroiffe, & de payer dix livres d'amende au Roi. Le Roi a prononcé, par une Déclaration qu'on trouve dans notre Ouvrage, des peines beaucoup plus féveres, & cette févérité est un effet de fa juftice & de fa bonté.

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NOTICE RAISON NE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES.

CE QUI, EN MATIERE D'EAUX ET FORESTS, eft Meublé ou non.

Comme les Loix difpofent bien différemment de ce qui tient nature de meuble ou immeuble, elles ont réglé ce qui efst susceptible de l'une ou l'autre qualité.

Selon les Coûtumes, Moulin bâti en Maison, lequel ne se peut défaire fans désassembler, eft tenu pour immeuble; mais s'il est en batteau, il est sensé meuble, felon les Coûtumes de Montargis, Orleans, Nivernois, Bourbonnois, parce qu'ils peuvent être tranfportés d'un lieu à autre. La Coûtume de Berry prononce cependant le contraire. Celle de Tours met une exception, par rapport aux Moulins en batteaux ; c'eft quand entr'autre il eft banal de droit. Et cela paroît jufte; parce que, bien que de fa nature il foit muable, cependant il eft alors fous la loi d'une fervitude qui empêche fon déplacement. Les queftions qui peuvent naître à l'occasion de cet Article, ne pouvant que rarement tomber dans la compétence des Tribunaux d'Eaux & Forêts, nous ne nous y arrêterons pas davantage.

Le Poiffon en Etang, avant la levée de la bonde pour mettre l'Etang en coule, eft réputé immeuble, & faire partie d'héritage, felon les Coûtumes de Paris, Melun, Orleans, Calais, Normandie, Chaulny. Mais il eft meuble, & prend nature de fruits, après la bonde levée; parce qu'alors il représente la futaye abattue, qui, ainfi que nous l'avons dit, devient meuble dès qu'elle n'eft plus fur pied.

C'est par une fuite du même principe, que lorsqu'il eft en Boutique ou en réservoir, il est meuble, felon les mêmes Coûtumes, & celles de Châlons, de Laon & du Nivernois.

Il y a par rapport aux bois taillis des régles différentes de celles qui regardent la futaye; parce que les taillis fe comptent par feuilles, qui chaque année accroiffent au profit du Propriétaire. Aussi s'il eft queftion de partage après diffolution de mariage par mort, les Coûtumes de Laon & Châlons veulent que ce partage fe faffe dans la proportion du tems qu'a duré le mariage. Cela ne met pourtant pas le taillis précisément dans le cas d'être immeuble tant qu'il est fur pied; & les Coûtumes de Laon & Sedan le tiennent pour meuble dès qu'il a atteint l'âge de fa révolution ordinaire ; parce que tou

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tes les feuilles alors font échues : Enforte que, felon la régle établie pour les Bois particuliers, les taillis même fur pied à dix ans feroient réputés meubles. Il n'y a pas de doute ni d'équivoque quand le taillis eft coupé. Les Coutumes de Paris, Calais, Melun, Normandie & autres, font uniformes en ce point.

Les Coutumes d'Artois, Boulonnois & Montreuil, ont encore ftatué différemment fur la qualité du bois blanc, fans distinction d'âge, en le déclarant meuble. C'eft fans doute par cette raison que, malgré les Loix établies généralement par rapport aux Douairieres dans l'ufage de la futaye, quelques Coutumes leur accordent dans le cours de leur vie de viduité, une coupe abfolue de bois blanc fans que l'héritier puiffe en prétendre compenfation ni indemnité.

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Les deniers provenant de vente de futaye font, par la Coutume de Sedan, réputés meubles; & cela eft conforme à l'efprit des Loix, parce qu'ils repréfentent la futaye abattue, qui, ainsi que nous l'avions dit, eft meuble alors.

La même Coutume met au même rang de meuble la glandée, après la mie-Août; ce qui représente le tems où, felon les Réglemens pour les Forêts du Roi, la glandée eft ouverte.

COUTUMES POUR LES CAS DE SAISIE FEODALE ou autre de Douaire ou Retrait.

La fimple Saifie eft fenfée fimplement des fruits, & ne conftitue point le faififfant Propriétaire, tant qu'elle n'eft point, par autorité de Juftice,convertie en adjudication du fond;enforte que les Coutumes n'ont regardé le faififfant que comme un fimple ufufruitier, & ne lui ont donné à exercer que les droits de cette efpece. C'est par cette raison que, felon les Coutumes de Dunois, Anjou, Maine, Orleans & Blois, le faififfant ne peut pas couper des Bois marmentaux, ou fervant à l'embelliffement du Manoir. La Coutume de Poitou défend même toute coupe de gros bois.

Le Seigneur Féodal faisissant peut, felon les Coutumes de Tours, Lodunois, Anjou, Maine, Berry, Poitou, Laon, Auxerre, user en bon pere de famille de chaque efpece de Fruit, Bois, Etangs ou autre, chacun felon fon ordre d'échéance ou de révolution. La Coutume de

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Sens veut même qu'aux exploitations, le Vaffal foit appellé. S'ily a fous la faifie féodale des Bois en Grurie, la Coutume d'Orleans veut que le faififfant n'en jouiffe qu'en acquittant les charges de Grurie. Ĉelle de Berry veut qu'il ne puiffe prendre chauffage dans les Bois, que comme auroit fait le Vaffal, en bon pere de famille, & fans déterrioration du fond des Bois.

Les Coutumes de Sens, Mantes, Clermont, avertiffent, dans les cas de retrait à attendre, de n'ufer qu'en bon de famille, parce

pere

que le poffeffeur, évincé la Loi du retrait, compte de tous les

par

fruits perçus.

Les Douairieres font, par les Coutumes, affujetties à des régles fort ftrictes, pour que leur ufufruit ne préjudicie point à l'héritier naturel. Auffi les Coutumes de Laon & Chaulny veulent qu'elles tiennent les biens grévés de Douaire en bon état. Elles peuvent, pour les réparations des Maifons & Fermes, couper des gros bois : Mais les Coutumes de Tours, Lodunois, Anjou, le Maine, Nivernois, Normandie, veulent que l'héritier y foit appellé, ou que pour la décharge de la Douairiere, ce foit par autorité de Justice. Elles feroient dans tous les cas, felon la Coutume du Boulonnois, refponfables & comptables des baliveaux qu'elles n'auroient pas laiffés.

En aucun cas, elles ne peuvent déterriorer ni aliéner aucune partie du fond; & les Coutumes de Bourbonnois, Nivernois, Anjou, y attachent la peine de perte du Douaire. Ce que l'on vient de rappelfer des Coutumes concernant les Douairieres, peut fuppléer à ce que l'Ordonnance de 1669 ne détaille pas fur cet article, & que par conféquent on n'a pas pu traiter dans le Commentaire fur la Section des Engagiftes.

USAGE S.

En parcourant les différentes Coutumes, fur ce qui regarde les Ufages, on reconnoît diftinctement que prefqu'en tous les points les Rédacteurs de l'Ordonnance de 1669 les ont fuivies littéralement. Selon la Coutume de Sedan, les Ufagers doivent jouir felon leurs titres & privileges. Celles de Sens, Troyes, Chaumont, Meaux, Vitry, veulent titre ou payement de redevance, ou poffeffion franche immémoriale. Mais en Bourgogne, la poffeffion feule n'eft pas admife

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