NOTICE RAISONNÉE DE DIFFÉRENTES fur les principaux points concernant les matieres d'Eaux & Forêts. COUTUMES No Ous avons établi en quelques endroits de notre Ouvrage, que l'Ordonnance de 1669. s'étoit en plufieurs points écartée des Coutumes. Elles étoient fondées fur les maximes générales d'équité, & fur le principe de tendre au meilleur ordre de la fociété publique, & à l'utilité réciproque de fes membres; c'eft ce dont on refte pleinement convaincu pour peu qu'on les étudie avec quelqu'attention; on ne peut donc pas dire que l'Ordonnance de 1669. les ait détruites ou anéanties en ce point, mais il efst seulement vrai qu'elle les à réferrées & perfectionnées pour le plus grand bien, ainsi qu'il est aisé d'en juger en les comparant avec le texte de cette Ordonnance. Saint Yon a fait de ces Coutumes le fujet de fon fecond Livre, mais cela ne forme dans fon Ouvrage qu'une efpéce de Catalogue d'Articles fur lefquels il n'a point raifonné, ni cherché à faire aucune combinaison avec les Ordonnances antérieures qui depuis lui, ont fervi de cannevas pour la confection de l'Ordonnance de 1669. Comme il eft affez indifférent quel ordre on fuive en cette partie, , pour ainfi dire isolée, nous fuivrons le même qui eft dans ce second Livre de S. Yon, & nous commencerons par ce qui regarde les Rivieres EAUX ET RIVIERES. fur Les Coutumes qui y font rapportées fur cette matiere, portent la propriété des Rivieres, fur leur confervation, fur l'ufage légitime qu'on peut faire de leurs Eaux, fur la Pêche qu'on y peut exercer & fur la maniere d'en user. Selon la Coutume de Meaux, les Rivieres navigables appartiennent au Roi, mais elle n'en fait pas un principe général & absolu puifqu'elle y met des exceptions; fçavoir, s'il n'y a titre exprès au contraire ou poffeffion immémoriale. L'Ordonnance de 1669. a en NOTICE RAISONNE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES. ce point revendiqué les droits du Domaine de la Couronne, qui felon nos Loix eft de fa nature imprefcriptible & inaliénable; & dès que cette Ordonnance déclare ces Rivieres faire partie du Domaine, toutes exceptions telles que celles faites par cette Coutume tombent & ne peuvent avoir lieu. On peut voir dans le cours de notre Commentaire de quelle efpéce font les droits que peuvent exercer ceux à qui le Roi a fait des conceffions de parties de Rivieres navigables, nous avons représenté ces Donataires comme de fimples ufufruitiers en ce point, & quoiqu'ayent pu à cet égard prononcer d'anciennes Coutumes, c'eft l'Ordonnance de 1669. fuivie de beaucoup de décifions uniformes qui nous doit fervir de régle. " C'étoit apparamment fur ce même principe rectifié par l'Ordonnance de 1669. que la Coutumé de Bourbonnois & celle de Sens, entr'autres adjugeoient la poffeffion des Ifles croiffant dans les Rivieres navigables au Seigneur Haut-Jufticier, le plus prochain eu égard au fil de l'Eau. Par une fuite néceffaire de l'Ordonnance de 1669. elles doivent appartenir au Roi, aussi le Roi en a-t-il dispofé comme de choses à lui appartenantes comme on le peut voir par les Edits de 1713. & 1714. qui en ont cédé la poffeffion au moyen d'un premier prix & d'une redevance annuelle au Domaine. La Coutume de Haynault, défendoit fous l'amende de foixante fols blancs de faire aucun foffé pour détourner l'Eau des Rivieres, & obligeoit de rétablir les chofes dans leur premier état aux dépens de celui qui avoit fait l'entreprise. Celle de Normandie ne permettoit de détourner l'Eau qu'au Poffeffeur des deux rives, pourvu que ce fut fans dommage d'autrui, & qu'il remît ( apparemment à la fortie de fon Fief, quoique cela ne foit point expliqué) l'Eau dans fon cours ordinaire; & dans un autre endroit elle défendoit en général de retenir l'Eau la nuit & d'empêcher qu'elle ne courût pour la commodité de ceux qui font au-deffous. 7 La Coutume de Montargis, celle de Blois & celle du Bearn; veulent que tout Seigneur ayant droit de conftruire Moulins tienne le cours de l'Eau libre, qu'il n'empêche point la navigation publique & qu'il ne noye point les héritages des autres. Ces différentes dif NOTICE RAISONNÉE SUR DIFFERENTES COUTUMES. pofitions dont l'Ordonnance de 1669. ne s'eft point écartée étoient fondées fur deux principes, l'un que les Eaux auxquelles la nature a donné une pente doivent courrir toujours, & en même tems pour tout le monde, en quoi l'on peut dire fauf les droits particuliers de propriété ou d'usage; qu'en général les Eaux font de droit public. Le fecond que tout ufage eft profcrit qui tend à nuire à un tiers ou à établir fur lui une fervitude, quand elle n'est pas établie & fondée fur un titre formel, ou avoué par la partie intéressée, où homologué par le miniftere public. i 1 La Coûtume de Normandie autorife ceux qui poffedent les deux rives, à conftruire des Moulins ou Pêcheries; mais pour les Rivieres navigables, cette autorifation trouve fa reftriction dans l'Ordonnance de 1669 car il y faut encore une permiffion par Lettres Patentes du Roi, en deux qualités. La premiere, comme Proprietaire, ainsi que nous avons dit, fans le confentement duquel il ne peut être usé ni emprunté aucune partie de fon Domaine. La feconde, comme celui à qui feul il appartient de connoître de tout ce qui peut être relatif à l'intérêt public, & de juger fi un établissement y peut nuire "ou préjudicier. Enforte qu'un homme qui, malgré l'autorisation de la Coûtume, obmettroit ces formalités, feroit dans le cas de contravention aux Ordonnances, & expofé à voir détruire fon ouvrage, ainsi élevé & conftruit à l'infçu des Officiers du Roi. Nous avons déja remarqué dans le cours de notre Ouvrage, que l'Autorité Sou-veraine peut légitimement gêner l'ufage & les droits de propriété, en ce qu'ils pourroient avoir de nuifible à la chofe publique, La Coûtume de Hainault ne prononçoit point d'autre peine contre ceux qui entreprendroient fur la largeur des Rivieres & Chemins (car l'un peut être regardé comme l'autre), que celle de remettre les chofes en leur premier état. Mais elle prononçoit trente fols tour-nois d'amende contre quiconque jetteroit aucuns immondices ès Rivieres. L'intérêt de la navigation & celui de la confervation du poiffon, ont été la raifon de ces difpofitions. Ces motifs ont également occupé le Législateur en 1669. fY 肇 Selon la Coûtume du Boulonnois, les Eaux & Rivieres doivent, près de leur naiffance, être tenues fur fix à fept pieds de Roi de latgeur de lit; & plus bas vers leur décharge, fur dix à douze pieds de NOTICE RAISON NE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES. Roi. Il y a bien des Ruiffeaux qui n'ont pas cette largeur, & ausquels même, à moins de quelque raifon particuliere, on ne la donne pas dans les Curemens qui doivent fe faire par le miniftere des Officiers d'Eaux & Forêts, dont la régle ordinaire & la plus fage, pour éviter aux Communautés des frais inutiles, doit être de faire curer ce qu'on appelle les terres mortes; c'est-à-dire, ce qui a nature de vaze, sans prendre fur le terrein franc. Comme pour l'intérêt de la confervation du poiffon, il est défendu, comme on le voit dans les Coûtumes du Hainault & du Bourbonnois, de faire rouïr chanvre ni lin en Eau publique, la Coûtume de Normandie a fagement ordonné que l'eau qui auroit été tirée pour les foffes à rouïr, ne pourroit retourner en Riviere; mais auroit fon écoulement d'ailleurs. L'Ordonnance de 1669 est entrée dans les mêmes vues; & il y a eu nombre de Réglemens faits dans le même efprit & dans le même objet. A l'égard de la Pêche, felon la Coûtume du Nivernois & celle du Duché de Bourgogne, l'usage n'en donne point droit s'il n'y a titre ou payement de redevance; parce que la redevance payée reçue eft une preuve du confentement de celui de qui il dépendoit de s'y oppofer. A quoi se peut appliquer la maxime générale, volenti non fit injuria. & Selon la même Coûtume du Nivernois, il faut à un Seigneur titre pour tenir Riviere en garenne ou défense; moyennant quoi il ne lui fuffit pas qu'il y ait pêché, s'il n'a preuve qu'il ait empêché d'y pêcher, cette preuve établiffant qu'il y a eu une action de droit de laquelle a réfulté, ou un Jugement qui devient titre, ou un désistement volontaire de la Partie contendante. Comme les fruits de la Pêche, à la différence de la Chaffe, font partie du Domaine utile, il n'eft permis à perfonne de pêcher fur autrui fans fa permiffion; & il ne faut pas s'étonner fi toutes les Coûtumes, entr'autres celles du Nivernois, de Vitry, de Troyes, du Maine, d'Anjou, de Bordeaux, de Bretagne, d'Etampes, font uniformes à condamner, dans ces cas-là, les contrevenans à l'amende & reftitution du poiffon, & à la confifcation des engins de Pêche, dans les cas de flagrant-délit ; & fi pour la troifiéme fois, fur tout pour Pêche de nuit, elles s'accordent à punir comme pour vol. L'Ordon nance NOTICE RAISONNE'E SUR DIFFERENTES COUTUMES. nance de 1669 a prononcé fur les mêmes principes; mais elle a fait une Loi générale & uniforme, au milieu des difpofitions que nous trouvons varier dans toutes les Coûtumes, fur l'échantillon du Poiffon permis de pêcher, & fur les différentes efpeces de filets prohibés. Sur quoi nous pouvons renvoyer à la réflexion que nous avons faite dans notre Ouvrage, à l'occasion des engins défendus; sur le principe que toute nouvelle invention d'engins, même non dénom més dans l'Ordonnance, eft dans le cas de profcription, dès qu'elle tendra réellement à la deftruction de l'efpece, tant en matiere de Chaffe que de Pêche. Le détail dans lequel nous venons d'entrer, fait preuve de ce que nous avons dit au commencement de ce Mémoire, fur la combinaison de l'Ordonnance de 1669 avec les différentes Coûtumes. La fuite fera une confirmation de cette vérité. BOIS ET FORESTS, COUPES ET DELITS. Les Bois & Forêts ont bien des objets différens de détails. Les Coûtumes n'ont pas défini ou déterminé uniformement ce qui conftitue futaye. Selon celle de Troyes, arbre portant gland. & paiffon, en lieu où n'a pas été coupé de mémoire d'homme, est arbre de futaye. Selon celle de Blois, quand il a paffé trente ans fans être coupé; & felon celle du Grand-Perche, quand il a paffé trois coupes ce qui revient à-peu-près au même, en fuppofant la coupe des taillis à dix ans. Sur quoi les anciennes Coûtumes n'étoient pas uniformes, les unes en ayant fixé le terme à cinq ans, d'autres à fept. Nous ne trouvons point fur cela de définition précise dans nos Órdonnances, dont quelques-unes difent bien que la futaye ne fe coupera qu'à cent vingt ans, mais non quand un arbre commence à devenir arbre de futaye, y ayant une dénomination & un état milieu entre le taillis & la futaye. Il femble qu'un arbre qui a paffé l'âge.or dinaire de l'homme, doit être regardé comme arbre de futaye.. Selon la Coûtume de Normandie, la futaye même vendue, tant qu'elle n'eft pas coupée, eft fujette à retrait; c'eft-à-dire, qu'elle eft regardée comme ayant nature de fond & d'immeuble. La Coûtume de Sens n'y admet pas le droit de retrait... La Jurifprudence des Eaux & Forêts eft conforme à la Coûtume |