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BOIS DES PARTICULIERS.
Titre XXVI. de l'Ordonnance de 1669.

SECTION

V.

Article V.

Beaucoup de voix s'éleverent dans le tems contre l'Ordonnance de 1669, comme étant une contrainte à la liberté dont chacun doit jouir pour l'administration de fon bien. Ces plaintes frivoles n'eurent qu'un tems; & cependant on peut dire qu'en détail & tacitement, l'efprit qui les a fait naître a prévalu contre la Loi, par la négligence qu'on a apportée à la faire obferver. Hors dans quelques cas graves, on a laiffé chacun administrer ses Bois comme il a voulu, & comme s'il n'y avoit point eu de Loi. Cette obfervation porte principalement fur l'objet des baliveaux : car, à l'égard de la régle de dix ans au moins pour la coupe, on a fenti affez généralement que c'étoit une Loi utile aux propriétaires; parce que, coupant plus prématurément, on ne donnoit pas au taillis le tems de profiter & de devenir un objet. Il faut même convenir qu'il y a eu des gens fenfés qui, après avoir calculé qu'en des terreins qui le peuvent comporter, deux coupes en trente-six ans produifent plus que quatre coupes en quarante ans, ont pris le parti de porter leurs Bois à dix-huit ans au lieu de dix ans, & ont en cela fait leur avantage particulier & l'avantage public.

Mais, par rapport aux baliveaux, il y a des Particuliers qui ne laiffent même pas ceux de l'effence, davantage encore qui ne laiffent point de modernes, & prefque point qui laiffent ceux du troisiéme & quatriéme âges.

Comme on cherche toujours à justifier fa conduite, bien des Particuliers ont allégué que la régle établie par l'Ordonnance de 1669, pouvoit ruiner le fond du taillis, qui, chargé de foixante-quatre baliveaux au moins par arpent, comme cela refulte de l'Ordonnance, ne pouvoit, fous cet ombrage & cet égoût, profiter. Mais cette allégation, à la fuppofer bien fondée dans tous fes points, ne doit ni ne peut conduire à ne laiffer aucun arbre de reffource; parce que l'intention du Législateur a été d'y en conferver, Et l'on eft étonné que beaucoup de Particuliers n'ayent pas fongé à imaginer & à propofer quelqu'aménagement différent qui conciliât l'intérêt particulier avec l'intérêt public, tel que celui de laiffer effectivement un moindre nombre de baliveaux; mais d'y fuppléer en établiffant proportionnément à la quantité du fond du Bois, des réserves plus ou moins grandes. De-là il naîtroit une augmentation de prix des coupes

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ordinaires, par la diminution du nombre des arbres réservés; & par la réferve qu'on feroit en un feul & même canton, on fe prépareroit pour des befoins de famille des reffources confidérables, qui fe trouveroient même à l'abri du dérangement des diffipateurs qui ruinent fouvent leur famille, en ce genre de chofe, jufqu'à la cinquiéme génération; parce que la croiffance d'un arbre de futaye emporte à peu près cette révolution. L'on eft perfuadé que fi les poffeffeurs de quantité fuffifantes de Bois avoient propofé au Confeil d'homologuer & d'autorifer de pareils aménagemens, le Confeil s'y feroit té volontiers. Nous avons même quelques exemples d'homologation du Confeil pour des aménagemens de Bois de Particuliers faits fur un pied différent de ce que prefcrit l'Ordonnance de 1669.

por

Il y a des Provinces dans lesquelles au lieu du nombre des baliveaux, on laiffe des lifieres ou traverfantes ou faifant ceintures autour des Bois.

Peut-être même l'ufage de ces lifieres, au lieu d'une réserve dans les bois de Particuliers, feroit moins à charge aux Particuliers, & rempliroit également l'objet du bien & des befoins publics. Comme cet Ouvrage-ci n'est point destiné à faire des Loix, cette réflexion n'eft que de confeil, & nous nous fommes d'autant plus volontiers laiffé aller à cette digreffion, que nous n'avons pas cru devoir nous borner à faire un simple Commentaire fur les chofes paffées, mais que nous nous fommes propofé auffi de mettre par écrit les réflexions qui nous viendroient à mefure dans l'efprit, tendantes au plus grand bien public fur chaque partie des matieres d'Eaux & Forêts; celle-ci nous a paru une des plus importantes à traiter dans l'ordre du bien public, & une de celles fur lefquelles il pouvoit être le plus aisé de détruire des préjugés perfonnels, qui ne peuvent fubfifter que faute de cal culer & de combiner les différens rapports dans une même chofe; à quoi nous exhortons chacun en droit foi.

Il y a long-tems qu'on a commencé à paffer ainsi sur l'aménagement des bois des Particuliers, puifque nous voyons que par une Ordonnance du mois d'Octobre 1561, rendue à Saint Germain-enLaye, on avoit dit que dans tous les bois taillis du Royaume il feroit réservé un tiers pour croître en futaye. Peut-être on objectera que nous faisons le mal trop grand, & que l'on peut fe remettre du

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foin de la meilleure administration aux peres de famille qu'on ne peut pas supposer vouloir ruiner leurs enfans. Il eft certain que l'on ne doit pas mettre les peres de famille dans la même claffe des Eccléfiaftiques dont le cœur ne doit rien à des fucceffeurs inconnus, mais cela ne détruit pas la néceffité qui nous paroît évidente de ménager des reffources dans ceux des bois de Particuliers qui en peuvent être susceptibles; il nous paroît même que cela fe pourroit faire avec un tel ordre de proportion, qu'il n'en résulteroit aucune fenfible diminution du revenu actuel de ceux dont la fortune en pourroit être refferrée ; fi par exemple on n'établiffoit une réferve qu'à commencer à une certaine continence de bois, & en la proportionnant à la quantité, on pourroit se flatter de faire le bien général, fans faire de préjudice particulier, & l'on rempliroit l'objet de l'Ordonnance de 1561 que nous venons de citer, fans tomber dans l'inconvénient de la généralité de difpofition qu'elle contenoit, paroiffant n'excepter aucune partie de bois.

Or nous avons dit précédemment que dans les tems anciens on coupoit beaucoup au-deffous de dix ans; effectivement on coupoit même depuis deux jufqu'à fept, & cette époque de sept ans étoit l'ufage de ceux eftimés les meilleurs oeconomes. A cela plusieurs inconvéniens attachés. 1°. Le Bois n'avoit point acquis fa maturité : car il y a un tems pour le Bois, ainsi que pour les autres fruits de la terre. 2°. Il ne pouvoit avoir, ni hauteur, ni groffeur fuffifante. 3°. Par une combinaison & un rapport du même vice d'administration, les Bois étoient fenfés en défends beaucoup trop tôt ; enforte qu'ils étoient abroutis , pour ainfi dire, dès leur naiffance jufqu'à leur coupe, fans avoir le tems de fe remettre des abroutiffemens, qu'on ne peut pas toujours empêcher comme on voudroit.

La régle des dix ans au moins prononcée par l'Ordonnance de 1669, n'étoit pas cependant abfolument nouvelle : Nous voyons qu'elle avoit été établie par Ordonnance de Charles IX. du mois de Septembre 1563, & renouvellée par celle de Henry III. du mois d'Avril 1588, & la difpofition de l'Ordonnance de 1669 a été depuis répétée par plufieurs Arrêts du Confeil. Nous avons vu en la Section des Maifons Royales & Bâtimens de Mer, à quoi les Particuliers ont été affujettis, pour pouvoir couper leurs futayes ou baliveaux

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fur taillis; ainfi nous ne le répéterons pas ici.

Les Particuliers font fouvent contrevenus à ces Réglemens; ils ont, pour raison de ce, été condamnés par les Maîtrises aux peines portées par les Ordonnances & Arrêts du Confeil qui les a fouvent déchargés; mais qui fera dans le cas de fe rendre plus difficile fur ces fortes de graces, à mefure que l'on verra la négligence ou la licence des Particuliers rendre les Bois plus rares & plus pré

cieux.

Comme l'intention du Roi n'eft point que les Particuliers foient grévés inutilement, il veut que lorsqu'il accorde des permiffions de couper, fi elles font enregiftrées dans les Maîtrises, ce foit fans aucuns frais.

C'est ce qui donna lieu à l'Arrêt du Confeil du 19 Février 1709, rendu fur la Requête de la Dame du Moulin-neuf, par lequel le Greffier de la Maîtrise de Crecy fut condamné au coût de l'Arrêt, & à restituer quinze livres qu'il avoit exigé, fous prétexte d'enregistre

ment.

Par Arrêt du Confeil du 8 Janvier 1715, rendu pour le Département de Soiffons, la même défense de prendre, exiger ni recevoir aucuns droits fut renouvellée.

La permission portée en l'Article II. a deux objets implicitement : 1°. Que les Particuliers propriétaires fe conforment à l'Ordonnance de 1669 dans tous les points qui ont rapport à la confervation des Bois. 2°. D'empêcher qu'ils ne les laiffent dégrader, & y fouffrent des délits fans les punir, s'ils en ont le droit, par leurs Officiers, ou comme il eft dit en l'Article V. en recourant aux Tribunaux des Eaux & Forêts. Ce font les cas où les Grands-Maîtres & les Officiers font autorisés à exercer ce qu'on appelle la haute Police, & il n'eft aucun état ni condition qui s'en puiffe prétendre exempt. Envain le Roi auroit fait des Loix, fi elles ne font observées ou maintenues par les Particuliers. Et c'eft dans ce fens que doit être entendue l'exception mise en cet Article, en la rapprochant des Articles XI. & XII. du Titre premier de l'Ordonnance des Eaux & Forêts du mois d'Août 1669.

On voit diftinctement par cet Article que le Roi a diftingué ce qui eft de Police générale, ou ce qui peut être objet de Réformation,

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d'avec les attributions des Juges des Hautes-Juftices ou des Gruries Seigneuriales. C'eft ce qu'il nous a paru néceffaire de développer plus particulierement.

Les Officiers des Maîtrises font établis entr'autres pour, par le miniftere & à la Requête du Procureur du Roi, faire observer les Loix Foreftieres dans l'étendue de leur reffort.

Les Grands Maîtres font inftitués veiller à ce que pour dans l'étendue de leur Département, il ne s'établiffe point d'abus au préjudice de la Loi, & ils ont l'autorité de les réprimer.

De-là pour les uns & pour les autres la liberté de vifiter. De cette liberté autorisée par les Ordonnances, notaniment par Arrêt du Confeil du 19 Juillet. 1723, fuit l'obligation de la part des Particuliers qui en font requis, de faire démontrer par leurs Gardes ou autres ce qui peut faire l'objet de la visite, & de répondre aux instances ou interpellations.

L'Ordonnance réserve la connoiffance des ventes, Gardes, Police & délits ordinaires ; c'eft-à-dire, que les Officiers n'ont point à connoître de la quantité d'arpens, ni de l'aménagement des ventes, excepté fi l'on n'y laiffoit pas le nombre de baliveaux, ou fi l'on coupoit les taillis avant l'âge de dix ans, ou fi l'on abattoit de la futaye fans avoir obfervé les Réglemens pour les déclarations. Par rapport aux délits ordinaires, cela veut dire par exemple, fi les Officiers vifitans trouvent quelqu'un en délit, il n'eft point de leur compétence d'en connoître; mais fi l'on trouve des moutons dégradant les Bois, comme cela eft défendu en toutes efpeces de Bois, les Officiers feroient compétens d'en connoître, parce que ce n'eft plus ce que l'Ordonnance appelle délit ordinaire. Si dans une vente ouverte on trouve des adjudicataires ou exploitans, effouchant le bois aulieu de le couper felon les régles de l'Ordonnance, ce n'eft plus un délit ordinaire, c'eft un fait de droit public, & de la compétence des Officiers felon cet Article II. Et pour définir en deux mots fa véritable étendue, tout ce qui eft de Police & de bon ordre général, & ce qui concerne l'exécution des régles qui ont été prononcées communes pour toutes perfonnes fans exception, fait l'objet de ces vifites permises aux GrandsMaîtres & Officiers des Eaux & Forêts.

L'Article IV. eft auffi mal observé que le XI. du Titre des Procu

reurs

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