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PESCHE.

SECTION XIII.

Titre XXXI. de l'Ordonnance de 1669.

Article XXVI.

les Juges, en cas de prévention, en pourront prendre connoiffance, conformé ment aux Edits, Déclarations, Ordonnances, Réglemens & Arrêts rendus en conféquence. Fait Sa Majesté défenses à tous autres Juges de les troubler, & de connoître à l'avenir en premiere Inftance d'aucunes caufes civiles ou criminelles concernant le fait des Chaffes, à peine d'interdiction, & de tous dépens, dommages & intérêts. Et fera le préfent Arrêt exécuté nonobftant oppofitions ou ap→ pellations quelconques, & enregistré où befoin fera à la diligence des Procureurs de Sa Majefté ès Siéges & Jurifdictions des Tables de Marbre, qui feront tenus d'en envoyer au Confeil les Actes d'enregistremens un mois après. Enjoint aux Grands-Maîtres des Eaux & Forêts de France, chacun dans fon Département, de tenir foigneufement la main à l'exécution de l'Ordonnance fur le fait des Eaux & Forêts du mois d'Août 1669. & du préfent Arrêt. Fait au Confeil d'Etat du Roi, Sa Majefté y étant, tenu à Versailles le dix-feptiéme jour de Février mil fix cens quatre-vingt-cinq. Signé, COLBERT.

Il est bien rare que l'on faffe des Loix, fans en avoir mûrement confidéré & balancé les avantages & les inconvéniens, parce que toutes les choses du monde ont deux faces. Ceux qui prennent le parti de critiquer les Réglemens, ne fe donnent pas ordinairement la peine d'en approfondir les principes, & par conféquent critiquent fans difcernement; cela arrive encore plus lorfqu'il s'agit de chose que l'on ne regarde que comme des amusemens, fans confidérer le rapport, quelques fois très-immédiat, qu'elles ont avec les objets d'utilité publique, La Pêche eft dans ce cas-là peut-être plus qu'aucune

autre chofe.

Nous avons dit que la Pêche pouvoit être affermée; de-là il fuit qu'elle peut être exercée par toutes fortes de personnes fans diftinc tion de qualité, pourvû qu'elles ayent Titres ou permiffion de ceux qui ont Titres; c'est ce qui résulte d'un Arrêt du Conseil du 30 Septembre 1722.

Nous verrons dans la fuite de cet Ouvrage que la Pêche peut être un droit indivis de Communautés Laïques, & qu'elle peut faire partie des droits d'usage, enforte qu'il peut y avoir des Ufagers de Péche comme il y a des Ufagers de Bois; nous verrons en même tems, lorfqu'il en fera queftion, que l'étendue de ce droit ufager fe partage & fe limite, & qu'il y a, dans la maniere d'en ufer, des regles établies aufquelles les Ufagers font obligés de fe conformer.

La Pêche n'est point interdite aux Eccléfiaftiques. Nous voyons.

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que dans les tems reculés, une des occupations ou un des paffe-tems des Religieux étoit de conftruire des filets pour pêcher. Cet exercice n'eft point fujet aux mêmes occasions d'irrégularité que la Chasse. Les principes généraux que nous avons établis au commencement de cette Section, font fondés fur des autorités précises & formelles. Selon les Ordonnances de 1226 & 1291, les Officiers des Eaux & Forêts devoient fe tranfporter dans les Marchés pour la vifitation du Poiffon. Ce droit a été contefté depuis dans les Villes efquelles il a été créé des Officiers de Police, lefquels ont prétendu cette infpection dans les Marchés.

Les anciennes Instructions fur le fait de la Pêche portoient, qu'en Riviere navigable les amendes appartiendroient au Roi.

L'Ordonnance de 1318 portoit, que les Eaux du Roi feroient gouvernées par les Gruyers de Champagne. Celles de 1544, 1545 & 1554 ordonnoient que les Baux à ferme des Pêcheries Royales feroient faits par le Grand-Maître ou fon Lieutenant, & cela fe pratiqua ainfi pour le fermage des Etangs de la Forêt de Gauré en Bretagne.

Il fut ordonné dans le même tems, pour la Pêche de la Loire, que nul ne pourroit pêcher fans permiffion judiciairement accor

dée.

Au mois de Juillet 1704, ce furent les Commiffaires du Roi qui adjugerent au fieur Bourvalais le droit de Pêche & d'Attériffement fur la Marne, près la Terre de Champs.

La Déclaration du 11 Juin 1709, a permis aux Gouverneurs & Etats-Majors de pêcher ès Foffés des Villes, mais ils ne peuvent, -fans permiffion du Roi, pêcher dans fes Domaines; nous voyons -que dès 1346, il étoit défendu à tous Baillifs & Châtelains pêcher.

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Quelques fois nos Rois faifoient don du Poiffon de leurs Etangs, -mais en réservant ce qui étoit néceffaire pour leur repeuplement, & comme on le voit par Ordonnance de 13.18, à prix d'argent, & à la charge que les frais de la Pêche feroient fur le compte du Particu lier. Nous avons déja remarqué combien nos Rois étoient foigneux de leurs Pêcheries.

Les anciennes Inftructions pour la Pêche ordonnoient, pour la

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maille du filet, la mesure du gros Tournois ou Parifis, felon les faifons différentes; elles condamnoient à l'amende les Ouvriers & Faifeurs d'engins défendus; elles ordonnoient que dans les cas de délits les Nobles feroient punis par le meuble, c'eft-à-dire, confifcation du filet, & les autres par amende arbitraire; elles vouloient auffi que lorfqu'il y auroit des filets brûlés, les plombs en appartînffent à celui qui auroit fait la prife; elles défendoient la Pêche en tems de fray, avec injonction fi le Poiffon étoit vif, de le rejetter à l'eau, finon permettoient aux Officiers d'en retenir pour une réfection d'une heure, foit de dîner ou fouper; elles profcrivoient le Poif fon qui n'auroit pas la longueur d'un doigt à mains d'hommes entre queue & tête,

Selon ces mêmes Inftructions, il n'étoit permis à personne de pêcher chez un Seigneur fans fon congé ni licence.

Toutes les Ordonnances ont été uniformes à défendre la Pêche en tems de fray, comme auffi la prife du Poiffon au-deffous d'une valeur marquée; toutes nos plus anciennes Ordonnances, notamment celle de 1326, la fixoient à un denier pour Barbeaux, Carpes, Tanches & Brêmes.Précédemment la valeur du Brochet permis avoit été mise à deux deniers; enfuite elle a été portée en 1388 à quatre deniers. En 1402, la même a été répétée pour regle, & le Luce fixé à la valeur de huit deniers pour être permis. Le même taux fervoit de régle en 1515; cela nous peut donner une idée de la valeur & de l'abondance de cette marchandise dans des tems où cependant plus de gens en faifoient ufage que dans les tems plus rapprochés de

nous.

L'Ordonnance de 1291 portoit, que le Poiffon pris en contrebande feroit donné pour Dieu, c'est-à-dire, aux Pauvres ou aux Hôpitaux.

Cette même Ordonnance, ainfi que celles de 1326, 1388, 1402 & 1515, le Réglement de Saint Germain-en-Laye de 1598, dé fendoient de rendre les filets à ceux fur qui ils feroient faifis, & ordonnoient de les brûler. Il se trouve dans cette Ordonnance de 1291 une claufe finguliere. Il y eft dit que les Maîtres prendront ou feront prendre fagement les engins défendus ; il faut fe rappeller, pour sentir le fens de ce mot fous-ligné, ce que nous avons dit au Titre de la

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Jurifdiction fur le progrès fucceffif de la Jutisdiction des Officiers du Roi fur les Eaux & Bois des Particuliers qui étoient encore alors dans l'ufage de ne connoître que leurs propres Juges. Ainfi, ce mot étoit une recommandation d'en ufer difcretement & avec modération.

Le même mot fe trouve dans l'Ordonnance de 1326 & de 1388. Celle-ci ordonnoit de faire, tant de jour que de nuit, la recherche des engins défendus.

L'Ordonnance de 1326 permettoit la maille du fimple Parifis, depuis Saint Remy jusquà Pâques; elle ne défendoit, ainsi que celle de 1402, la Pêche de nuit, que pendant deux mois, depuis la miMars jufqu'à la mi-Mai.

Par les Ordonnances de 1388, 1402 & 1515, il étoit défendu de battre aux arches des ponts & aux gords,

Celle de 1476 défendoit de mener par navée plus de cinq douzaines de verveux, comme auffi d'en placer les Samedis après midi, depuis la mi-Mai jusqu'à la Mi-Août, s'il n'étoit vigile.

Par les Ordonnances de 1453 & 1476, les Pêcheurs en Riviere font obligés de garder le run, ou autrement leurs limites de Pêche, à peine de cent fols Parifiş d'amende. Elles défendoient auffi de pêcher les Fêtes ni Dimanches,

Plusieurs Arrêts rendus en 1557, défendent de rouir des Chan

vres.

L'Ordonnance de 1597, défend de fe fervir de filets qui ne foient marqués de plomb aux Armes du Roi, & d'en faire ou mettre en vente aucuns de l'efpece défendue.

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Comme les Etangs ont un tems de Pêche marqué, ainsi que pour les Bois, il y a un tems de coupes, il n'eft pas permis d'y pêcher avec engins. En 1684, des Pêcheurs furent condamnés pour cela. Nous voyons par un Jugement de la Table de Marbre du 14 Décembre 1715, rendu en faveur de M. de Bragelogne, qu'il n'eft permis de mettre d'Etang en Pêche depuis le premier Mai jusqu'au dernier de Septembre.

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Les épaves d'hommes ou effets noyés étant une espece de Pêche, c'eft avec raifon que l'Ordonnance y a ftatué dans ce Titre. La Jurif diation ou la compétence doit être la même fur l'un & fur l'autre,

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auffi l'Ordonnance y eft-elle formelle pour les Rivieres navigables; & fur les Rivieres Hottables l'Arrêt du Confeil de 1736 rapporté dans le cours de cet Ouvrage. Notamment pour les Rivieres navigables, dès qu'elles font partie du Domaine, tout ce qui y excroît ou ce qui s'y trouve, au défaut de reclamation de quelque Tirre particulier, appartient au Roi ; & de-là il fuit, que la connoiffance des épaves appartient exclufivement aux Officiers des Eaux & Forêts. Nous n'avons pas besoin ici de nous étendre davantage fur cette ma

tiere.

La Pêche et une de celles fur lesquelles on peut dire que l'Ordonnance de 1669 a le plus perfectionné les anciennes Ordonnances; & fi nous en avons rapporté les principales difpofitions, ç'a été principalement pour remplir plus exactement le plan que nous nous fommes fait de prouver & d'établir la parfaite analogie & l'harmonie, pour ainfi dire, qui fe trouve entre l'Ordonnance de 1669 & les Réglemens antérieurs.

Le Lecteur fera vraisemblablement ici une réflexion ; c'eft qu'on y voit beaucoup moins de décifions & de Réglemens poftérieurs à l'Ordonnance de 1669 qu'en toutes les autres matieres que cette Ordonnance a embraffées; peut-être y a-t-on donné dans le détail moins d'attention qu'aux autres parties; peut-être eft-ce que les délits en ce genre font plus faciles à commettre & à cacher , qu'il n'en refte ordinairement point de veftiges, qu'on les ignore néceffairement fi l'on ne prend point les délinquans fur le fait. Il n'y a, pour ainfi dire, point de Grand-Maître, qui dans fon Département n'ait rendu des Ordonnances pour faire obferver celle de 1669. Peut-être les Officiers des Maîtrifes n'ont-ils pas donné une attention affez fuivie à la qualité des filets, & de-là eft né effectivement l'épuisement & le dépeuplement de la plupart des grandes Rivieres.

Ce Titre de l'Ordonnance de 1669 n'a pour objet que la Pêche dans les Rivieres, c'est-à-dire, dans les Eaux douces par elles-mêmes. Il y a des Réglemens particuliers pour les Pêches Maritimes qui ne font pas de notre fujet ; celles-ci font du reffort des Amirautés, & nous n'avons eu en vûe ici, ainsi que dans l'Ordonnance de 1669, que ce qui eft de la compétence des Grands-Maîtres & Officiers des Eaux & Forêts.

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