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HISTOIRE

DE

LA RÉVOLUTION

FRANÇAISE

LIVRE QUATORZIÈME

CHAPITRE PREMIER

LA COALITION DISSOUTE

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La Coalition frappée au cœur. - A qui appartenait l'honneur de l'avoir rendue impuissante. Cette impuissance proclamée par Fox. La Coalition condamnée par le sentiment des peuples. Sacrifices que la guerre avait coûtés aux Anglais. Subsides demandés par l'Autriche. Mauvaise foi de la Prusse, révélée par les débats du parlement anglais. Motifs de la Prusse pour se détacher de la Coalition. Mésintelligence entre la Prusse et l'Autriche. Haugwitz. - Hardenberg. - Impulsion donnée par le premier. Manoeuvres diplomatiques du second. — Politique du Cabinet de Vienne; Thugut; Collorédo. Les trois colléges de l'Empire se déclarent pour la paix, avec le roi de Prusse pour médiateur, Irritation sourde et embarras de l'Autriche. Le comte de Goltz chargé de négocier la paix. Instructions rédigées par Haugwitz. Premières difficultés écartées. Le négociateur français Barthélemy à Bàle. Questions à résoudre. Invasion de la Hollande par les Français. Causes historiques des sympathies. qu'ils y excitent. Le parti anglais et le parti français en Hollande.

- Prépondérance du second. Les Français reçus en Hollande à bras ouverts. Fuite du Stathouder. Retraite des Anglais; leurs souffrances; leur admirable fermeté. Antipathie qui leur est témoignée sur leur passage. Les Français dans Amsterdam. Procla

mation du Comité révolutionnaire de cette ville.

soldats français.

en

Noble attitude des Généreux empressement de la Hollande à pourvoir à leurs besoins. Révolution de Hollande, en conformité avec les principes de la Révolution française. - La Belgique sollicite sa réunion à la France. Influence de ces événements sur la Prusse. Mort du comte de Goltz. Hardenberg, son successeur, reprend les négociations de paix de la Prusse avec la France. - Efforts de l'Angleterre pour empêcher la paix; tentatives de corruption; Henry Spencer et la comtesse de Lichtenau. Paix de Bàle. Intérêts de l'Empire germanique sacrifiés par la Prusse. - Impression produite en France, Prusse, en Allemagne. Déchaînement à Vienne. Rescrit impérial contre le système des paix partielles; mensonges diplomatiques de l'empereur d'Autriche. Il est subventionné par l'Angleterre. Traité de la Haye. Sa signification. Union intime de la France et de la Hollande. Motion du comte Stanhope dans la Chambre des Lords d'Angleterre en faveur de la paix; rejet de cette motion; belle protestation du comte Stanhope. Débats dans la Chambre des Communes sur une motion de Wilberforce en faveur de la paix; rejet de cette motion. A aucune époque la France n'était apparue, au dehors, sous un aspect plus imposant. — Résumé de ses prodiges militaires. Mot profond de Pitt: « L'effet survivait à la cause. »

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Le but héroïque assigné à l'action de la France sur le monde; son génie guerrier mis au service des droits, non du Français, mais de l'homme; - ses ressources immenses, maniées avec une vigueur sans exemple; dans le peuple, une intrépidité, un élan, un mépris de la mort, une aptitude à souffrir, une certitude de vaincre, impossibles à surpasser, presque impossibles à comprendre, et, dans ceux qu'il voulut à sa tête, une foi profonde, une volonté de granit, la faculté de créer des prodiges à force de compter sur des prodiges, une audace enfin, une audace que rien n'étonna, que rien n'arrêta, qui n'hésita devant rien, voilà ce qui avait rendu, dès la fin de 1794, le maintien de la Coalition absolument impossible. Mais, quoique la gloire d'avoir réduit la Coalition à la nécessité de se dissoudre appartînt aux membres

de l'ancien Comité du Salut, public, ce fut le parti thermidorien qui profita du résultat et en eut l'honneur. Il moissonna sans effort ce qu'avaient ensemencé, au prix de leur repos et de leur vie, ceux-là mêmes qu'il assassina. L'Histoire est pleine de ces arrêts moqueurs de la fortune.

Le 21 janvier 1795, Fox disait, dans la Chambre des Communes d'Angleterre : « On a voulu forcer la France à changer le système qu'elle a adopté. L'épreuve s'est terminée en sa faveur, et a certes duré assez longtemps pour convaincre tous les membres de la Coalition, l'Angleterre exceptée, de l'inutilité de toute tentative ulté rieure1. >>

Et, en effet, au moment où Fox tenait ce langage, la France, de nation à conquérir, était devenue nation conquérante; et la République, franchissant les frontières, s'avançait, l'épée à la main, sur le territoire ennemi.

Encore si les gouvernements en guerre avec le peuple français n'avaient eu d'autre sujet de découragement que ses continuelles victoires! Mais ce qui les troublait autant que leurs défaites, c'était l'aversion, hautement avouée, de leurs sujets pour une lutte de laquelle ceux-ci ne recueillaient que honte au dehors et misère au dedans. D'un bout de l'Europe à l'autre, ce n'étaient que plaintes amères sur cet embrasement prolongé du monde, sur l'égoïsme des rois, sur leur acharnement inhumain et aussi sur la folie des peuples, imbéciles troupeaux qui se laissaient traîner à l'abattoir pour le soutien d'une cause qui était celle de leurs tyrans. « C'est contre nous-mêmes que nous allons combattre, » disaient tout haut, en marchant contre la République française, ces milliers de soldats plébéiens que la Coalition envoyait à la

mort 2.

1 Annual Register, vol. XXXVII, p. 170.

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2 Ceci est reconnu par les écrivains anglais eux-mêmes : « The inferior

Et ce n'était pas seulement le peuple qui, partout, maudissait cette affreuse guerre même dans les classes moyennes, même dans les couches les plus hautes de la société, elle faisait horreur à beaucoup. Tant elles étaient contagieuses, ces maximes de liberté politique et religieuse dont la France était l'apôtre armé1!

D'un autre côté, les gouvernements n'étaient pas unanimes contre elle. Si ses voisins, en même temps qu'ils craignaient ses principes, redoutaient sa puissance, il n'y avait pas de raison pour que les États éloignés sacrifiassent à celle double peur leurs intérêts les plus chers. Aussi la Coalition n'avait-elle pu parvenir à entraîner dans son tourbillon nile Danemark, ni la Suède. La Suisse même, quoique à nos portes, avait cherché son salut dans sa neutralité. Quant à la Russie, animée contre la Révolution française d'une haine platonique, elle se tenait à l'écart. Restaient donc, pour faire face à la France, l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, les petits États d'Allemagne, la Hollande, la Sardaigne, l'Espagne. Nous avons déjà raconté comment cette Coalition formidable fut vaincue; nous allons dire comment elle fut dissoute.

Les chiffres suivants donneront une idée de ce que la guerre contre la France avait coûté aux Anglais d'efforts et de sacrifices.

Au commencement de la guerre, le nombre des matelots anglais était de seize mille seulement, et, en janvier 1795, il ne s'élevait pas à moins de quatre-vingt quinze mille2!

Le 21 janvier 1795, une armée de cent cinquante mille hommes, comprenant les troupes régulières, la

ranks, throughout all Europe, reprobated the Coalition against the French Republic, and styled it the war of kings against the people. » Annual Register, vol. XXXVII, p. 146.

1 Annual Register, vol. XXXVII, p. 146, 147.

Déclaration de M. Dundas à la Chambre des Communes, Annual Register, vol. XXXVII, p. 167.

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