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comme dans la Bretagne, dans l'Anjou, dans la Touraine, dans la Normandie & même à Rome; & qu'il y en a maintenant tant de copies dans Paris & ailleurs, que cette Lettre n'eft plus une chofe fecrete, mais publique, & connue de la plupart des curieux. Et comme j'aime la fincérité, & qu'il n'eft pas raisonnable d'impofer aucune chofe à perfonne, je la préJente ici telle qu'elle eft, pour en laiffer le jugement aux habiles. Que fi ceux dont elle porte le nom, la défavouent, je ne prétends pas de les en rendre coupables, quelque fortes conjectures qui me pussent perJuader le contraire, fi elles ne font d'une évidence certaine & affurée ; quoique d'ailleurs j'aie appris par une lettre, qui eft entre mes mains, que la Lettre circulaire dont je donne ici la copie, vient originairement d'un janfénifte converti après avoir vu la Bulle, & perfonne de condition,

La raifon principale, qui m'a mu à la faire imprimer, eft que fa publication ne peut produire qu'un bon effet; car fi ces meffieurs la dénient, ils feront obligés de changer leur ancienne pratique, fi conforme aux regles de cette Lettre, pour montrer qu'ils n'en font pas les auteurs ; & s'ils la reconnoiffent & l'avouent, fans doute qu'ils feront fuppliés de s'abstenir à l'avenir de la pratique de ces belles inftructions.

Après tout, fi l'on defire approfondir davantage la vérité de cette Lettre circulaire, & favoir ce qui en eft, cela fe peut

faire fans peine par la voie des monitoi res, qui fe fulmineront dans Paris, & dans les autres diocefes de la France, pour obliger tous ceux qui en ont quelque copie, de déclarer la perfonne de laquelle ils l'ont reçue; & en remontant ainfi jufques à la fource & à la premiere origine, on en découvrira facilement les auteurs. Car, de même qu'on ne doit pas tolérer une calomnie de cette qualité, en cas que cette Lettre foit une piece fuppofée; auffi ne doit on pas fouffrir dans un état chrétien, qu'on y introduife une nouvelle politique, qui ne tend qu'au trouble de l'état, & au fchifme évident de la Religion.

Lettre circulaire à Meffieurs les difciples de
St.-Auguftin.
Meffieurs,

Nous apprenons avec de grands fentimens de joie, les nouveaux progrès de la » doctrine de St.-Auguftin, & la fermeté de » votre courage contre la rage de fes adver→

faires; mais comme ils font trop intéreffés à vous perfécuter pour efpérer qu'ils s'en laf » fent, nous avons jugé qu'il étoit à propos de vous encourager, de ne vous point laffer de combattre, & de fouffrir perfécution pour » la juftice. La charité qui nous unit avec vous

nous a portés il y a long-tems à nous prof "terner devant Dieu, pour lui demander pour " vous cette grace: & comme après des prie

res continuelles il nous a communiqué quel»ques lumieres, par lefquelles nous nous fom

mes affez heureusement conduits jusques ici » pour l'établiffement de notre doctrine dans » le lieu de notre réfidence; nous avons cru que vous feriez bien aises que nous vous en fiffions part. C'eft pourquoi nous avons mis » par ordre les principaux réglemens que nous » avons fuivis, auxquels nous ne doutons pas » que vous n'ajoutiez, quand vous les aurez " reçus, beaucoup d'excellentes pratiques par

les lumieres de votre efprit & par votre prudence. Pour vous en fervir avantageufement, nil fera néceffaire que les principaux & les plus zélés d'entre vous, s'uniffent d'une al»liance fpirituelle en Jefus-Chrift, s'appuyant

les uns les autres, & n'agiffant que par un » même efprit; car, par ce moyen vous vous » affermirez de plus en plus dans les bons fentimens que vous avez embraffés, & vous agirez bien plus fortement à les établir & à » renverser ceux qui s'y oppofent; & d'autant que parmi ces inftructions que nous vous dreffons ici par forme d'avis, il y en aura peut-être quelques-unes qui pourront choquer les fimples; vous vous représenterez, » s'il vous plaît, que comme Dieu fe fert ordinairement pour nous fauver, de moyens qui paroiffent injuftes, parce que fes deffeins & les raifons qui le font agir, ne font con»nus aux hommes nous prenons une conduite qui pourra fembler illégitime à ceux » qui ne connoîtront pas tout-à-fait le zele dont elle part. Secondement, comme Dieu nous mene ordinairement par des routes in» connues pour nous fauver malgré nous, nous

devons travailler au falut des hommes mal99 gré eux, & fans leur faire connoître les fe»crets de notre conduite. Ce font de pauvres » malades qui aiment leur mal, & ne le con"noiffent pas; il les faut tromper pour les guérir, & ne fe point laffer de travailler à leur fanté, quoiqu'ils en foient ennemis. Au furplus, fi nous imitons en quelque chofe la conduite de meffieurs de la religion prétendue réformée, ce n'eft pas que nous ne dé» teftions leur héréfie; mais comme il n'y a » point d'héréfie fi mauvaise dont on ne puiffe tirer quelque utilité, il nous eft permis de prendre les moyens innocens qu'ils ont pris » pour s'établir en l'eftime du peuple, quoiqu'ils les aient corrompus par une mauvaise fin. C'eft pourquoi, comme fi leur instituteur n'eût abattu l'orgueil des moines, & attaqué la doctrine gênante des œuvres de furérogations & des mérites, qui fait leur pain quotidien, il ne fe fût jamais établi comme il a fait fi heureufement: nous pouvons innocemment prendre la même route non pas pour autorifer fes erreurs, mais rétablir l'Eglife, comme il a feint vouloir faire dans fes premieres pratiques, & les eccléfiaftiques féculiers dans l'état & l'eftime dont ils font déchus. Enfin, nous fommes obligés d'avouer que les calviniftes font encore très-prudemment pour l'établiffement de leurs erreurs, notamment en ce qui regarde le très-faint Sacrement de l'autel, de ne point dire ou» vertement leur opinion fur ce sujet; mais d'en parler en termes obfcurs & ambigus,

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» pour la pouvoir accommoder aux différentes difpofitions des efprits qu'ils rencontrent; » ainfi, c'est avec grande raison que nous difons qu'il fe faut tenir cachés quelque tems, » faire myftere des articles fondamentaux de » notre doctrine, & ne les pas découvrir à tous, ni en tout tems, puifque nous vivons en un fiecle fi malheureux, que la plupart » des peuples ne font pas capables de la rece» voir. Voilà, Meffieurs, les principales chofes » que nous avions à vous dire de la part de Dieu; vous fuppliant de nous faire part en vos faintes prieres, & nous recevoir en vo tre fainte union, comme,

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Meffieurs,

Vos très-humbles & très-honorés
& très-affectionnés confreres &
ferviteurs en Jefus-Chrift, les
P. P. D. P. R. D. de Saint-
Auguftin *.

C'est-à-dire, les Prêtres du Port-Royal, disciples de Saint-
Auguftin.

Compendium Theologiæ univerfæ, quod ad ufum examinandorum collegit R. P. Thomas, in Provinciâ Lotharingiæ Capucinorum definitor, cuftos generalis, olim S. Theologiæ profeffor. Editio quinta. Leodii, apud J. F. Baffompierre. 1791. 1 vol, in-8vo, de plus de 500 pag. prix 2 liv. 10 /.

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ETTE théologie abrégée du P. Thomas de Charmes eft très-connue. Elle a les honneurs de plufieurs éditions, & elle les a

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