Page images
PDF
EPUB

son, les fers aux pieds, jusqu'à ce que l'information soit complétée. Le 18 août 1671, un accusé (civil) est condamné à subir la question ordinaire et extraordinaire, pour après ses dénégations ou confessions, être fait en justice ce que de raison. En septembre 1671, une femme étant accusée d'avoir tué son mari et son enfant, on ne peut lui appliquer la torture vu le manque de bourreau à Montréal; on la condamne à subir la question à Québec, à être pendue et son corps exposé à un gibet sur le cap Diamant. Le 9 juin 1672, un homme et sa femme, convaincus du crime d'empoisonnement, sont menés à la porte de l'église paroissiale, le mari nu tête et en chemise, la femme nue, en chemise depuis les épaules jusqu'à la ceinture, pour demander pardon à Dieu, au roi et à la justice; ensuite conduits à l'échafaud, où le mari sera lié sur une croix de Saint André; l'exécuteur des hautes œuvres, prenant alors une barre de fer lui en appliquera un coup sur le bras droit, brisera l'os de ce membre, puis le patient sera étranglé ; le bourreau, saisissant sa barre, lui rompra l'autre bras et les deux jambes, le tout en présence de sa femme, qui sera pendue à son tour et ensuite exposée sur une roue en haut du cap Diamant. L'année suivante, un meurtrier est rompu vif sur la croix, à coup de barre, puis pendu; le cadavre est exposé durant sept heures sur la roue; finalement on le place sur des fourches patibulaires, pour y rester jusqu'à parfaite consommation. Le 6 mai 1675, le Conseil condamne une femme à payer dix livres d'amende pour avoir présenté au gouverneur une requête en prose et en vers et dans un langage inconnu et ridicule. Les règlements de la police du 11 mai 1676, ordonnent que le domestique qui laisse sans permission le service, soit mis au carcan; a la seconde fois il sera battu de verges; à la troisième fois on le marquera d'une fleur de lys. Le 2 avril 1683, défense à tous mendiants valides de gueuser et mendier dans la ville de Québec; ils doivent aller travailler sur des terres. M. de la Barre, gouverneur général, avait condamné à mort un habitant qui voulait passer chez les Anglais, et comme il n'avait pu se saisir de sa personne, il

l'avait fait pendre en effigie à Montréal; le roi (10 avril 1684) tança vertement le gouverneur et lui enjoignit de faire juger les cas de cette nature par un conseil de guerre où sera présent, l'entendant. Ce dernier écrit (8 juillet 1684) au ministre que François-Marie Perrot, gouverneur de Montréal, interdit par Sa Majesté, et Le Moyne de Sainte-Hélène, se sont battus, il y a quinze jours, sur la place publique de Montréal, et se sont tous deux blessés, et demande de quelle juridiction un pareil cas relève; ces duellistes n'ont pas encore été inquiétés, ajoute-t-il. En 1732, une femme qui avait tué son enfant est appelée, par eri public, au son de la caisse, à comparaître pour répondre à l'accusation; comme elle ne se présente pas, on l'exécute en effigie, La torture est appliquée, en 1752, sur un soldat, accusé d'avoir incendié plusieurs maisons. C'est probablement le dernier cas de ce genre sous le régime français. En énumérant ces curieuses sentences, qui ne sont plus de nos mœurs, nous mettons devant le lecteur un tableau du passé, dont les traits appartiennent au reste de barbarie existant encore à cette époque en Europe. Graduellement, après la conquête, ces horreurs ont disparu, à commencer par la torture: nous avons gardé la corde et le fouet jusqu'à présent."

Quant au droit commercial et au droit maritime, nous croyons avoir suffisamment démontré dans le chapitre précédent que sans être enregistrées, les ordonnance du commerce (1673) et de la marine (1681), étaient suivies au Canada. avant la cession.

Tel est le système judiciaire qui a éxisté dans la NouvelleFrance jusqu'en 1760. "Les tribunaux étaient aussi bien organisés qu'il pouvaient l'être, et notons avec honneur que la justice se rendait avec impartialité et sans frais, excepté ceux des greffiers et des huissiers, lesquels étaient fort minimes. En étendant mes conclusions, au moyen de mes longues et scrupuleuses recherches, je puis dire que j'ai parcouru les régistres judiciaires du pays jusqu'à la fin du XVIIe siècle, et j'ai constaté d'après les procès criminels, en tenant

compte de la population et en comparant avec les statistiques judiciaires de nos jours, que le niveau moral des colons d'alors, était à peu près le même que celui de la population canadienne française actuelle, que l'on reconnait comme étant l'une des plus morales des deux continents."

1 T. P. Bédard.

[blocks in formation]

1. Les deux principaux officiers, détenteurs de l'autorité civile sous l'ancien régime, furent le Gouverneur et l'Intendant.

"Le Gouverneur général de Québec avait la disposition des emplois militaires. Il donnait les compagnies, les lieutenances et les sous-lieutenances à qui bon lui semblait, sous le bon plaisir de Sa Majesté; mais il ne lui était pas permis de disposer des gouvernements particuliers, des lieutenances de roi, ni de majorités des places. Il avait le pouvoir d'accorder aux nobles, comme aux habitants, des terres et des établissements dans toute l'étendue du Canada; mais ces concessions se faisaient conjointement avec l'Intendant. Il pouvait aussi donner vingt-cinq congés ou permissions par an à ceux qu'il jugeait à propos, pour aller en traite chez les nations sauvages. Il avait le droit de suspendre l'exécution de sentences envers les criminels, et par ce sursis il pouvait facilement obtenir leur grâce s'il voulait s'intéresser en faveur de ces malheureux; mais il ne pouvait disposer de l'argent du roi, sans le consentement de l'Intendant, qui seul avait le pouvoir de le faire sortir des coffres du trésorier de la marine. Il avait vingt mille écus d'appointement annuel, etc.'

2. Si l'on veut maintenant savoir quelles étaient les fonc

2 Lahontan.

tions de l'Intendant, on les trouve dans les instructions données par Colbert à Talon, au moment où celui-ci partait pour le Canada en 1665:

[ocr errors]

L'intention du roi est que l'Intendant assiste aux conseils "de guerre et qu'il soit informé de toutes les mesures qui s'y "prendront, pour pouvoir subvenir à tous les besoins des troupes, et quand l'expédition sera finie, il devra encore à fournir les forts qui seront alors construits en pays "ennemi, pour prévenir tout retour des sauvages. Etant à Québec, il devra s'informer de tout ce qui concerne l'administration de la justice, et de ce qui regarde l'état des familles.

"

songer

"Il faut que l'Intendant sache bien que la justice est " établie pour le bonheur des peuples et l'accomplissement des "intentions principales du roi et qu'il veille à ce qu'elle soit 66 rendue par le Conseil avec intégrité, sans cabale et sans " frais.

[ocr errors]
[ocr errors]

"Enfin, bien que l'Intendant ait le pouvoir de juger souve"rainement et en dernier ressort les causes civiles, il est bon "qu'il se serve de ce pouvoir que rarement, laissant leur 'liberté aux juges établis. Il doit établir une bonne police pour contrôler l'administration des deniers publics, la culture des terres, l'organisation des manufactures. Il en disposera "les règlements sur l'exemple de ceux qui sont en vigueur en "France, mais après avoir consulté les principaux du pays. "....Il faut que l'Intendant s'occupe de faire préparer des "terres et des habitations pour celles des nouvelles familles qui n'auraient pas d'autres ressources, au moins trente ou quarante habitations par année.... Il est à propos qu'il " visite toutes les habitations les unes après les autres, pour "voir ce qu'il en est, et de plus, qu'il pourvoie à toutes les nécessités, afin qu'en faisant le devoir d'un bon père de "famille, il puisse leur donner les moyens de subsister et "même d'étendre leur exploitation sur les terres voisines de 'leurs propriétés. Il verra à établir des manufactures, et à "attirer des artisans pour les choses les plus nécessaires, dont

[ocr errors]
[ocr errors]

86

[ocr errors]
« PreviousContinue »