Page images
PDF
EPUB

en nombre, abandonnerent les postes qu'ils avoient surpris; en disant qu'ils alloient au-devant d'un secours qui leur venoit du camp de Jalès; cependant on avoit expédié des courriers au directoire du département, séant à Nîmes; et M. d'Albignac, commandant pour le roi dans le département du Gard, fit marcher tout de suite deux cent trentedeux hommes du régiment de Dauphiné, et trente dragons du régiment de Noailles. Les gardes nationales de Nimes, distinguées par la bnone discipline et par l'esprit de subordination qui regne dans cette troupe d'élite de citoyens soldats, déclarerent qu'ils étoient prêts à partir pour voler au secours de la ville d'Uzès, du moment où leurs services seroient légaleme requis. Le directoire arrêta de requérir cent cinquante de ces gardes nationales, pour envoyer, s'il en étoit besoin, au pont de Saint-Nicolas distant d'Uzès d'une lieue en leur prescrivant d'y attendre des ordres pour agir. Les nouvelles qu'on reçut suspendirent le départ des gardes nationales de Nîmes. Le directoire se contenta de prendre tous les renseignemens nécessaires.

[ocr errors]

Nous vous observons, messieurs, que le courier d'Uzès qui a coutume et qui auroit du nous apporter la lettre, n'est point arrivé; que c'est par celui de Nîmes que nous avons reçu les premiers avis. Nous ignorons le nombre des tués la lettre du district d'Uzès fait mention d'un homme tué, il y a tout lieu de croire qu'il y en a davantage.

et

Voici une copie de la lettre écrite par le directoire du district d'Uzès au directoire du département du Gard, et qui confi:me les détails précédens. Elle se termine ainsi :

« Nous avons oublié de vous dire que hier au soir la compagnie n°. 19, qui étoit de garde, tira plusieurs coups de fusils à des passans, et notamment au colonel de la garde nationale, qui heureusement fut manqué. Nous avons écrit aux municipalités qui sont sur la route de Jalès, pour les prévenir des desseins des émigrans, les inviter à les surveiller et à nous instruire de tout ce qui se passera autour d'eux à ce sujet.

Je demande, M. le président, que ces différentes lettres soient renvoyées aux comités des rapports et des recherches, pour en rendre compte demain matin à l'entrée de la séance et que vous vous retiriez devers le roi, pour lui faire voir la lettre du département, afin qu'il y fasse passer des troupes.

M. Regnault: Je vous prie de considérer que dans un moment où les mouvemens sont violens, la seule nouvelle de l'envoi d'une force imposante pent empêcher les funestes

effets des rassemblemens qui ont lieu dans ce pays. Une, heure perdue peut coûter la vie à plusieurs de nos freres et de nos concitoyens; et je demande que M. le président sé retire sur le champ chez le roi, pour lui mettre sous les yeux la lettre du département.

L'assemblée adopte cette motion, et leve sa séance à trois heures et demie.

Décret omis dans la séance du lundi 21 février 1791.

les ec

L'assemblée nationale, sur le rapport de son comité ecclésiastique, décrete, que dans la rédaction de son décret du 27 janvier dernier, concernant l'exécutien de celui du 27 novembre précédent, sur le serment à prêter par clésiastiques fonctionnaires publics, il sera rétabli la disposition suivante, que la consécration de l'évêque élu se fera par un évêque de France, sans être tenu de demander la permission à l'évêque du lieu.

Séance du mercredi 23 février 1791.

Présidence de M. Duport.

Lecture faite du procès-verbal, on lit une adresse des employés des fermes qui viennent prier l'assemblée de prendre leur sort en considération,

M. le président Voici une lettre très-importante relativement à l'encombrement des bouches du Rhône. Il paroît qu'il en résulte de grands inconvéniens. MM. les députés de ce département demandent que l'on renvoie les mémoires ci-joints, qu'ils présentent, au comité d'agriculture et de commerce, et que l'on fasse imprimer le rapport et les pieces qui y sont jointes. Adopté.

M. Bouche La réflexion que vous venez de faire, monsieur le président, me donne lieu d'en faire une autre. En 1722, en vertu de lettres-patentes acceptées par les fermiers généraux, la ferme générale s'engagea d'employer cinq sols par minot de sel à la réparation des bouches du Rhône. Malgré cela les fermiers généraux n'ont pas employé une fois cinq sols. En 1788, après des plaintes répétées, le gou. vernement envoya un ingénieur à l'embouchure du Rhone, qui fit son rapport: c'est ce rapport, monsieur le président, dont vous venez de parler, et dont l'assemblée a ordonné l'impression. Il s'agit de savoir quel est l'emploi que les fermiers généraux ont fait des cinq sols; et je demande que l'assemblée s'occupe de cet objet.

M. Dupont: Les fonds étoient toujours remis au gouvernement qui se chargeoit des dépenses, les faisoit où ne les faisoit pas.

M. Bouche: Mais les fermiers généraux le diront..

L'assemblée renvoie la motion de M. Bouche au comité des finances. Elle renvoie ensuite à celui des rapports une pétition de la municipalité de Saint-Jean-d'Angély, qui se plaint d'avoir été peut-être un peu légèrement inculpée.

M. le président : J'ai reçu un procès-verbal sur le passage de mesdames, tantes du roi, à Moret.

Quelques membres demandent l'ordre du jour. Un plus grand nombre réclame la lecture.

M. Petion: Du 20 février 1791, à sept heures du matin. La municipalité de Moret, instruite par le bruit public du passage de mesdames dans cette ville, instruite par la voix publique de l'opposition qu'avoient apportés à leur départ leurs Freres et concitoyens, les habitans de Paris, instruite encore que leur arrivée dans cette ville avoit plutôt l'air d'une fuite que d'un passage libre, a requis la garde nationale de s'opposer à ce qu'elles ne passent outre sans avoir au préalable fait viser leurs passeports; en vertu de laquelle réquisition un membre de la garde nationale a sur le champ ordonné la clôture des portes de ladite ville. Un particulier, décoré de la croix de l'ordre de Saint-Louis, s'est transporté chez le procureur de la commune, à l'effet de faire viser le passeport de mesdames. De son côté le membre de la garde nationale. qui au préalable avoit obtenu de l'officier commandant un détachement de chasseurs de Lorraine, après avoir déclaré qu'il ne seroit fait aucune violence, le visa de la municipalité seroit attendu, s'est transporté chez le maire, et s'est rendu, accompagné du susdit maire, chez le procureur de la commune, où il a trouvé le particulier ci dessus désigné, qui leur a fait voir les passeports signés du roi et contre-signés de M. de Montmerin, lesquels passeports sont pour mesdames, tantes du roi, pour aller à Rome; et en outre a présenté, ledit particulier, se disant chevalier d'honneur pour accompagner mesdames, un avis de la municipalité de Paris, signé de M. Joly, secrétairegreffiier, qui dit que les loix autorisent les particuliers à voyager dans telle partie du royaume qu'il leur plaît ; qu'en conséquence elle n'a pas cru devoir donner un passeport sur une chose qu'elle n'avoit pas droit d'empêcher. Sur quoi réfléchissant la municipalité de Moret sur l'incohérence frappante de ces denx passe-ports, en ce que les passe-ports étoient pour Rome, et l'avis de la municipalité

que

donné sur la liberté de voyager dans tout le royaume, la conséquence l'avoit déterminée à interrompre le voyage de mesdames, jusqu'à ce qu'elle eût pu faire passer à l'assemblée nationale le présent procès-verbal, et connoître si elle devoit ou non laisser passer mesdames, tantes du roi. Pendant laquelle explication les chasseurs de Lorraine au nombre de 30 ou environ, renforcés des gens de la maison de M. de Montmorin, gouverneur et maire de Fontainebleau, sans pouvoirs et sans avoir même consulté la municipalité, arriverent en courant à toute bride, les armes à la main, pour forcer l'ouverture des portes, ce qui eut lieu par suite de la terreur qu'inspira cette espece d'armée arrivant sans ordre.

Se disposant dans cette circonstance à remplir leur devoir conformément aux loix; d'ailleurs l'heure de l'arrivée de mesdames en cette ville qui étoit entre 6 et 7 heures du matin, donnant lieu de soupçonner qu'elles avoient marché une partie de la nuit et qu'elles fuyoient plutôt qu'elles ne voyageoient; en outre ayant fait usage de la force armée sans réquisitoire de la municipalité, et de ruse pour tromles habitans de cette ville et les officiers municipaux, per ils ont cru devoir rédiger le présent procès-verbal afin de ne pouvoir être inculpés de favoriser le départ de mesdames, lequel sera envoyé sans délai à M. le président de l'assemblée

nationale.

M. Reubell: Je m'arrêterai à deux circonstances trèsessentielles du procès-verbal; la premiere que mesdames ont un passe-port contresigné par le ministre des affaires étrangeres. Le ministre ne pouvoit pas ignorer que la pétition sur le devoir de la dynastie royale avoit été renvoyée au comité de constitution qui devoit vous en faire le port. Par conséquent je soutiens qu'il ne devoit pas contresigner de passe-port jusqu'au rapport de cette pétition. (Applaudissemens à gauche et des tribunes.)

rap

J'observe qu'il est bien extraordinaire que des dames qui dans leur jeunesse n'ont jamais voyagé que de Paris à Versailles et de Versailles à Paris ( on rit).

M. de Clermont-Tonnerre: Si le préopinant et l'assemblée croyent devoir entrer dans la confidence d'u une conversatiou particuliere, je demande à l'entretenir à mon tour.

M. Reubell: Rien n'est si facile que de trouver un orateur ridicule, lorsqu'on l'interrompt au milieu d'une phrase: je veux dire que les dames savoient qu'aucun membre de la dynastie ne pouvoit sortir du royaume sans la permission du roi. Il est surprenant que M. de Clermont-Tonnerre ne

la connoisse pas, cette loi (On répond à gauche, il la connott).

Le second fait est beaucoup plus grave, parce qu'il présente le plus grand danger, c'est que trente dragons, sans réquisition d'aucun pouvoir civil forcent les portes, attaquent les citoyens et font sauver Mesdames. Je vous avertis qne si vous souffrez que des troupes de ligne, sans réquisition, attaquent des citoyens, vous n'avez, messieurs, qu'à déchirer votre constitution; car vous n'êtes plus libres (Applaudi vivemeut du côté gauche, et des tribunes).

Sans donner ni tort ni raison à qui que ce soit, je conclus à ce que le procès-verbal soit renvoyé aux comités des recherches, militaire et de constitution réunis. Il mérite toute l'attention de ces comités, puisque tous les pouvoirs y sont compromis.

M. Regnault: Je demande par addition au projet de décret de M. Reubell, que l'assemblée nationale décrete que le roi sera prié de faire donner ordre au département de Seine et Marne, afin qu'il fasse vérifier par des commissaires, les faits contenus au procès-verbal, pour envoyer lui-même le procès verbal qu'il en dressera à l'assemblée, et être statué ce qu'il appartiendra.

M. a Aiguillon: J'adopte totalement le projet de décret de M. Reubell et l'amendement de M. Regnault, mais je voudrois qu'on y ajoutât ceci; que les comités réunis fussent charges de demander au ministre de la guerre s'il a donné des ordres aux trente chasseurs de Lorraine. Si c'est le ministre de la guerre, il me paroît responsable d'un grand délit (Applaudi). Qui que ce soit, il me paroît également responsable vis-à-vis de la loi du plus grand de tous les dé lits, qui est d'avoir confondu tous les pouvoirs et d'avoir porté une atteinte véritable à la constitution (Applaudi ). L'assemblée adopte le renvoi au trois comités.

M. le Chapellier: Vous avez renvoyé au comité de constitution la pétition de la commune de Paris sur l'état et les obligations de la famille du roi dans le gouvernement francois; vous avez donc voulu une loi constitutionnelle, et non un décret du moment, qui laisseroit en arriere une loi du royaume et n'en seroit que l'ajournement. Nous partageons les vues de votre sagesse ; nous croyons aussi que le corps constituant doit faire le plus rarement possible des décrets de circonstance. Ainsi c'est une loi constitutionnelle que nous vous apportons; nous n'avons point à craindre que les événemens actuels portent leur influence sur votre déci sion. Ce ne sont ni les allarmes qu'on cherche à répandre,

« PreviousContinue »