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libère pas après chaque affaire, et c'est à la fin de la séance qu'on reprend les affaires qui ont été plaidées.

La délibération s'ouvre sur le décret préparé conformément à l'avis de la section; la rédaction définitive qui sera présentée à la signature de l'Empereur est arrêtée par la majorité des membres qui concourent à cette seconde délibération. L'empereur a le droit nonseulement de refuser sa signature, mais encore de rendre un décret différent; car il est le juge du contentieux, et le Conseil d'État ne fait que donner un avis formulé dans un projet de décret. La loi accorde aux parties cette garantie, qu'elle exige l'insertion au Moniteur et au Bulletin des lois des décrets rendus contrairement aux propositions de la section'. Les décrets se composent de trois parties que nous avons déjà distinguées dans les arrêtés des conseils de préfecture les visa, les considérants et le dispositif. Le procès-verbal dressé par le secrétaire de la section doit énoncer qu'on a rempli les formalités prévues par les art. 17 à 24 de la loi du 26 janvier 1852. Si elles n'avaient pas été remplies ou, ce qui serait la même chose, si la mention n'en était pas faite au procès-verbal, il y aurait ouverture ou recours en révision dont nous parlerons bientôt. Lorsque l'affaire a été portée à l'audience publique, le décret renferme la mention qu'il a été rendu : « Le Conseil d'Etat délibérant au contentieux

En fait, les propositions du Conseil d'État sont toujours adoptées. On cite deux exemples où le chef de l'État s'est écarté du projet préparé par le Conseil d'État. (V. Dufour, t. II, p. 309.)

2 Art. 20 du règlement du 28 janvier 1852.

entendu... » Si l'affaire a seulement été examinée en section, le décret porte : « La section du contentieux entendue » ou le « Conseil d'État (section du contentieux) entendu1. »

Les voies de recours ouvertes contre les décrets rendus au contentieux sont l'opposition, la tierce opposition et la révision. L'opposition peut être formée par toute partie défaillante, dans le délai de trois mois, à partir de la notification du décret rendu par défaut; l'opposition n'est pas suspensive. Lorsque la section est d'avis que l'opposition doit être admise, rapport en est fait à l'assemblée du conseil délibérant au contentieux qui remet, s'il y a lieu, les parties dans le même état où elles étaient avant le décret attaqué. Les règles du profit-joint ne sont pas applicables devant le Conseil d'État, aux parties dont les unes comparaissent et dont les autres font défaut; car aux termes de l'art. 31 du décret du 22 juillet 1806, « l'opposition d'une partie défaillante à une décision rendue contradictoirement avec une autre partie, ayant le même intérêt, ne sera pas recevable. »

La tierce opposition est accordée à toute personne qui, n'ayant pas été appelée dans l'instance, a intérêt à empêcher l'exécution du décret. La loi n'ayant fixé aucun délai, la tierce opposition est recevable pendant trente ans. Elle est formée par une requête signée d'un avocat et déposée au secrétariat, et il est ensuite procédé conformément aux règles ordinaires.

1 Art. 23 du même règlement.

La révision est une sorte de requête civile applicable aux matières administratives; mais elle est ouverte dans des cas moins nombreux que la requête civile du droit commun; ces cas sont au nombre de trois : 1° lorsque la décision a été rendue sur pièces fausses; 2o lorsqu'une partie a été condamnée faute de représenter une pièce qui était retenue par son adversaire; 3o lorsque le procès-verbal n'énonce pas qu'on s'est conformé aux dispositions des art. 17 à 24 de la loi organique du 26 janvier 1852'. Le délai pour se pourvoir en révision est de trois mois qui datent, dans le premier cas, du jour de la notification de la décision. Quant à la procédure à suivre, elle est la même qu'en cas d'opposition à un décret par défaut. Ainsi la section étant d'avis d'admettre la requête en révision, rapport en est fait à l'assemblée du conseil au contentieux qui, s'il y a lieu, remet les parties dans l'état où elles étaient avant le décret attaqué. C'est ce qu'on appelle le rescindant, dans la procédure civile. La décision qui admet la requête doit être signifiée à l'avocat de l'adversaire; mais s'il s'était écoulé plus d'une année depuis le décret attaqué, c'est à la partie elle-même qu'il faudrait faire la notification. La loi présume qu'après un tel délai les relations entre l'avocat et le client ont cessé, et que ce serait un moyen inefficace d'avertir la partie que de signifier à son avocat. Le conseil statue ensuite au fond, et c'est cette décision qui correspond à ce que, dans la procédure civile, on ap

1 Les deux premiers ont été prévus par l'art. 32 du décret réglementaire du 22 juillet 1806, et le troisième par l'art. 20 du règlement du 28 janvier

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pelle le rescisoire. Lorsqu'un décret a été l'objet d'un premier recours en révision, les parties n'ont pas le droit d'en demander un second, même fondé sur une autre cause. Révision sur révision ne vaut.

C'est un principe de justice que toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens. Aussi, quoique le règlement du 22 juillet 1806 ne s'occupe que de la liquidation, le Conseil d'État condamne aux dépens les parties qui succombent. D'après la loi du 3 mars 1849, art. 42, «< étaient applicables à la section du contentieux l'art. 88 du Code de procédure sur la police des audiences et l'art. 130 relatif à la condamnation aux dépens. » Tant que cette loi a été en vigueur, le conseil d'État a condamné aux dépens les parties qui succombaient, même les ministres agissant au nom de l'État. Le décret-loi du 26 janvier 1852 a abrogé la loi du 3 mars 1849, et le règlement du 30 janvier-18 février 1852, art. 19, n'a déclaré applicable à la section du contentieux que l'art. 88 sur la police des audiences; il a gardé le silence en ce qui concerne l'art. 130 relatif à la condamnation aux dépens. Le Conseil d'État a vu, dans ce retranchement, la confirmation de la jurisdence qui, avant la loi de 1849, ne condamnait jamais aux dépens l'État qui succombait. Les raisons de cette doctrine consistent en ce que 1° l'État plaide sans frais, puisqu'il est dispensé d'employer le ministère des avocats au Conseil d'État, et que ce serait lui faire perdre le bénéfice de ce privilége que de le condamner aux dépens faits par l'adversaire; 2° le texte de l'art. 130 n'est pas applicable aux ministres; car, l'art. 130 condamne aux dépens la partie qui succombe; or le ministre

n'est pas une partie, puisque, même quand il agit au contentieux, il fait acte d'administrateur'.

COUR DES COMPTES.

On distingue trois espèces de comptabilité : 1° la comptabilité législative, 2o la comptabilité administrative et 3° la comptabilité judiciaire.

La comptabilité législative comprend l'autorisation du recouvrement de l'impôt, le vote des dépenses et l'approbation de l'emploi des recettes pour les dépenses.

1 Cette doctrine a été réfutée par M. Reverchon, alors maître des requêtes, dans ses conclusions sur l'affaire Niocel, jugée contrairement à son avis sur ce point, par décret du 27 février 1852. Ces conclusions ont été analysées dans le recueil de M. Lebon, volume de 1852, p. 13. — Voici en substance la réponse que fit le commissaire du Gouvernement à ces deux arguments. Sur le premier point, après avoir reconnu que la partie adverse de l'État ne pourrait pas être condamnée aux dépens envers l'Etat qui n'est pas obligé d'en faire, il ajoutait : « Mais si l'État n'a pas souffert de la résistance ou des prétentions mal fondées d'une partie, il est tout simple que cette partie n'ait pas à répondre du dommage qu'elle n'a pas causé; il ne suit nullement de là que, dans le cas inverse, l'État ne doive pas cette réparation. Sur le second argument, il disait : « Si la différence réelle qui existe entre l'État et une partie proprement dite devait faire affranchir l'État des dépens, cela ne serait pas moins vrai devant les tribunaux que devant la juridiction administrative. A l'exception des matières domaniales, l'État devant les tribunaux n'est pas une partie; il y représente les droits de la puissance publique, tout aussi pleinement, tout aussi exclusivement que devant le Conseil d'État. »

M. Lebon rapporte qu'il fit à M. Reverchon l'objection tirée de la différence de rédaction entre la loi du 3 mars 1849, art. 42, et le règlement du 30 janv.-18 févr. 1852, art. 19. M. Lebon demandait s'il ne fallait pas voir dans cette différence l'intention d'abroger le renvoi à l'art. 130 du Code de procédure, qui venait d'être pratiqué pendant trois années. M. Reverchon dit que si l'objection avait été faite, il aurait répondu que la loi du 26 janvier 1852 n'avait eu pour objet que d'abroger, d'une manière générale, le système établi par la loi du 3 mars 1849, et de restaurer celui qu'avait établi la loi de 1845; par conséquent, la question peut être posée et discutée, comme elle l'aurait été sous la loi de 1845. C'est ce qui résulte du texte de la loi nouvelle, et l'on ne peut juger que d'après le texte, puisque ce décret n'a été précédé d'aucun exposé de motifs ni d'aucun rapport.

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