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règlements, les procédés qui peuvent compromettre l'honneur des citoyens et dégénérer en oppression, injure ou scandale public.

Pour le culte israélite, la matière du recours pour abus est toujours régie par les art. 54, 55, 56 de l'ord. du 25 mai 1844. Le décret des 29 août-14 novembre 1862, qui a modifié l'organisation du culte israélite sur plusieurs points, n'a pas innové dans la matière de l'appel comme d'abus.

Quant aux cultes non reconnus, ils sont régis par la loi commune. Le Conseil d'État n'a pas de pouvoir disciplinaire sur les ministres, qui peuvent être poursuivis directement devant les tribunaux.

6° Liberté de la presse. Il faut distinguer entre les publications ordinaires et les publications périodiques. Celles-ci, en raison de leur action continue sur l'opinion publique, ont été soumises à un plus grand nombre de restrictions que les premières, dont l'effet accidentel, quelque grand qu'il soit, est de courte durée. Pour les ouvrages non périodiques, la loi n'a pris aucune mesure préventive directe; elle exige seulement, pour préparer la répression dans les cas où il y aurait lieu : 1o la déclaration de l'imprimeur à la direction générale de la librairie à Paris, ou, dans les départements, au secrétariat de la préfecture, des ouvrages qu'il se propose d'imprimer. L'imprimeur doit inscrire le titre des ouvrages et le nombre des feuilles sur un registre coté et parafé par le maire. 2° Le dépôt aux mêmes endroits de deux exemplaires de l'ouvrage imprimé; la loi veut, en outre, que si le livre

traite de matières d'économie sociale ou de politique, on remette un exemplaire au parquet des brochures ayant moins de dix feuilles d'impression'.

S'il n'existe aucune restriction préventive directe à la liberté d'imprimer des ouvrages non périodiques, il y en a une qui atteint indirectement cette faculté: c'est la responsabilité des imprimeurs et libraires. Muniş de brevets révocables qui ordinairement constituent toute leur fortune, ils sont les premiers censeurs des livres qu'ils impriment, et ce contrôle est d'autant plus sévère qu'ils l'exercent à leurs risques et périls".

Parmi les journaux, il faut distinguer entre ceux qui traitent de matières politiques ou d'économie sociale et ceux qui s'occupent de sciences, lettres, arts et agriculture. Ces derniers sont à peu près assimilés aux publications non périodiques, et, par conséquent, ne sont soumis qu'à la déclaration et au dépôt préalables. Les premiers, au contraire, sont sujets à deux mesures préventives: 1° le timbre qui, à la vérité, peut s'expliquer comme impôt, mais qui a été établi aussi en vue de restreindre la faculté d'écrire sur les matières politiques3; 2o le cautionnement qui a été exigé dans le double but d'assurer la répression et l'exécution des condamnations, et, en outre, d'empêcher que l'arme de la presse ne tombât aux mains d'écrivains sans respon

1 Art. 7 de la loi du 27 juillet 1849.- L'art. 9 de la loi du 17 février 1852 a soumis à un droit de timbre les publications non périodiques qui traitent de matières d'économie sociale ou de politique, lorsqu'elles ont moins de dix feuilles d'impression.

Loi du 21 octobre 1814, art. 12.

• Loi du 17 février 1852, et décret du 28 mars 1852 qui exempte du timbre les publications périodiques relatives aux sciences, lettres, arts, et à l'agriculture.

sabilité ni pécuniaire, ni morale '. Mais la mesure préventive la plus grave est celle qui oblige les écrivains, qui veulent fonder un nouveau journal politique, à obtenir une autorisation du ministre de l'intérieur3. C'est surtout cette disposition que les publicistes libéraux considèrent comme incompatible avec la liberté de la presse; car, quelle que soit la bienveillance avec laquelle ce pouvoir soit exercé, le droit n'existe pas là où il dépend de la puissance discrétionnaire de l'autorité et là où la liberté n'est pas un droit, il n'y a pas de liberté.

Les journaux qui existaient au 17 février 1852 ont été maintenus par un article formel, et l'autorisation n'a été exigée que pour l'avenir. Les journaux antérieurs à la loi du 17 février 1852 sont d'ailleurs, comme les journaux qui ont été autorisés postérieurement, soumis à une double répression, la répression administrative et la répression judiciaire; celle-ci est étrangère à notre sujet. La répression administrative consiste dans le droit qu'a le ministre ou le préfet d'avertir un journal pour des motifs non déterminés, et dont le ministre ou le préfet a la souveraine appréciation. Après deux avertissements, le journal peut être suspendu pour deux mois par un simple arrêté *. Une loi des 2-9 juillet 1861 a disposé qu'après deux ans les avertissements seront périmés, de sorte que, ce délai passé, le ministre ne pourrait plus suspendre le

1 Art. 4 de la loi du 17 février 1852.

Art. 1er de la même loi.

Lorsque le ministère de la police existait, c'était au ministre de la police que devaient être adressées les demandes d'autorisation. (V. circulaire du 30 mars 1852.)

Art. 32 de la loi du 17 février 1852.

journal qu'après deux nouveaux avertissements. La même loi a abrogé l'art. 32, 2° § de la loi du 17 février 1852, qui permettait au ministre de supprimer ou de suspendre un journal lorsqu'il avait été condamné une seule fois pour crime ou délit. Si le gérant avait été condamné pour crime une seule fois, ou deux fois pour délits et contraventions, dans l'espace de deux années, la suppression aurait lieu, de plein droit, et serait prononcée judiciairement avec la condamnation.

Enfin, tout journal, qu'il ait été suspendu, condamé ou non, est sujet à la suppression, par mesure de sûreté générale; seulement, en ce dernier cas, un arrêté ministériel ne serait pas suffisant, et la loi veut que la décision soit prononcée par décret impérial.

7° Liberté du travail et de l'industrie. - Avant la révolution, le travail et l'industrie, comme tous les éléments de la société, étaient, par les corporations, jurandes et maitrises, soumis au régime du privilége. Depuis la publication du livre des métiers et marchandises' d'Étienne Boileau, divers actes émanés de l'autorité royale avaient modifié le régime des corporations, et, à la fin du xvi° siècle, il y avait une tendance visible à supprimer certaines restrictions; mais la cause du privilége était soutenue par les uns, au point de vue du droit de propriété, et même par quelques philosophes au point de vue de la liberté 2. De bonne heure, cet ordre de choses avait excité de

1 En 1260.

C'est le point de vue qui est développé dans l'Encyclopédie, v Police et Municipalités.

vives réclamations; elles s'élevèrent au sein des États généraux de 1614, et, par intervalles, elles se firent entendre, jusqu'à l'époque où la suppression des jurandes fut prononcée, sous le ministère de Turgot, par l'un des édits de 1776. Les jurandes se relevèrent, un peu modifiées, à la chute du contrôleur général, et durèrent jusqu'à la révolution. La loi des 2-17 mars 1791 proclama la liberté du travail, de l'industrie et du commerce, sans autre condition que l'obligation de prendre une patente. Mais la patente ne devant être refusée à aucun de ceux qui acquitteraient le droit, c'était plutôt un impôt qu'une restriction préventive. Quant aux conditions d'aptitude, la loi n'en exigeait aucune, et s'en remettait entièrement à la confiance et au discernement des chalands, pour le choix des ouvriers ou commerçants. Cette indifférence de la loi, en matière d'aptitude professionnelle, ne pouvait cependant pas être absolue; l'intérêt général voulait qu'on exigeât, pour certains états, des garanties spéciales sans lesquelles le public aurait été à la merci de l'ignorance et du charlatanisme; c'est pour ce motif qu'on a demandé des épreuves aux sujets qui embrassent les professions d'avocat', de médecin 2, de notaire d'avoué, de pharmacien, d'huissier, d'herboriste",

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1 Pour l'exercice de la profession d'avocat, ordonnance du 20 novembre 1822, ordonnance du 17 août 1830 et décret du 22 mars 1852.- Junge, Loi du 22 ventôse an XII sur les écoles de droit, et décret du 22 août 1854 sur les droits d'examen dans les écoles de droit.

Loi du 19 ventôse an XI et décret du 22 août 1854.

3 Loi du 25 ventôse an XI et ordonnance du 4 janvier 1843.

• Loi du 27 ventôse an VIII.-Arr. du 13 frimaire an XI et 2 thermidor an X. Loi du 21 germinal an XI.

• Décret du 14 juin 1813 et ordonnance du 26 août 1822.

Décret du 22 août 1854.

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