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vernement et les ministres sont représentés au Corps législatif par le ministre d'État, par le ministre présidant le Conseil d'État et par les autres commissaires pris dans le Conseil d'État; c'est par eux, et principalement par les premiers, que la politique du Gouvernement et l'administration de chaque ministre sont défendues devant le Corps législatif.

Les ministres sans portefeuille, tels qu'ils avaient été institués par le décret du 24 novembre 1860, n'avaient pas d'analogue dans les anciennes Constitutions, quoique le titre soit fort ancien. Les ministres sans portefeuille étaient, sous le régime parlementaire, des personnages politiques importants, dont la présence au cabinet avait une grande utilité, mais que leur âge ou tout autre obstacle empêchait d'accepter la charge d'un département ministériel. Le ministre sans portefeuille faisait partie du cabinet et parlait dans les chambres; mais son intervention était rare, parce que ses collègues pouvant défendre leur politique et leur administration, il était naturel que le rôle militant appartint surtout aux plus jeunes et aux plus actifs. Aujourd'hui, le ministre d'État, le ministre présidant le Conseil d'État et les conseillers d'État sont les orateurs du cabinet; c'est par eux que sont données les explications nécessaires, soit sur la politique générale à laquelle ils prennent part, soit sur l'administration à laquelle ils demeurent étrangers. On peut dire que c'est l'inverse de ce qui avait lieu sous le régime parlementaire. Les ministres, obligés de se consacrer aux débats de la chambre, avaient alors des sous-secrétaires d'Etat qu'ils chargeaient d'expédier un grand nombre

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d'affaires; mais ils répondaient de tous les actes de leur administration, soit qu'ils fussent revêtus de leur propre signature, soit qu'ils portassent celle du sous-secrétaire d'État investi de leur confiance. Aujourd'hui, le ministre à portefeuille se consacre à l'expédition des affaires administratives, comme le faisait autrefois le sous-secrétaire d'État; s'il est attaqué devant la chambre, les explications sont données par le ministre d'État, le ministre présidant le Conseil d'État et les conseillers d'État.

Aucun lien de solidarité n'existe entre les membres du même ministère, et chacun d'eux n'est responsable que des actes faits par lui ou par les agents placés sous ses ordres. Quant à leur responsabilité, l'art. 13 de la Constitution dispose que « les ministres ne dépendent que du chef de l'État. » Cela signifie que les ministres ne sont obligés de se retirer que devant la volonté de l'Empereur, et qu'ils n'ont plus à répondre de leurs actes devant le Corps législatif. Mais, si un ministre prévariquait, il pourrait être décrété d'accusation par le Sénat '. La Constitution nous dit par qui serait décrétée la mise en accusation, sans ajouter devant quel tribunal l'accusation serait portée. Le Sénat n'a pas été constitué en cour de justice, comme l'ancienne chambre des pairs, et d'après un sénatus-consulte du 4 juin 1858, c'est devant la haute Cour que l'accusation devrait être suivie. Mais la mise en accusation prononcée par le Sénat pourrait être paralysée par le chef de

1 Art. 13 de la Constitution du 14 janvier 1852.

l'État, puisque la haute Cour ne se réunit qu'autant qu'elle est saisie par un décret impérial '.

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Haute cour de justice. La haute Cour de justice est régie, quant à son organisation, par le sénatusconsulte du 10 juillet 1852 et, quant à ses attributions, par le sénatus-consulte du 4 juin 1858. C'est un tribunal politique, qui a été placé dans l'ordre constitutionnel par l'art. 54 de la Constitution du 14 janvier 1852. Sa compétence est déterminée, tantôt par la dignité des personnes (ratione dignitatis ou personæ), tantôt par la nature des faits répressibles (ratione delicti). Au premier point de vue, le sénatus-consulte du 4 juin 1858 dispose que la haute Cour connaîtra des crimes et délits commis par les princes français, les ministres, les grands-croix de la Légion d'honneur, les ambassadeurs, les sénateurs et les conseillers d'État. En second lieu, la haute Cour est compétente, à l'égard de toutes personnes, pour certains crimes qu'énumère l'art. 54 de la Constitution : ce sont les attentats contre l'Empereur et les complots contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État. Dans tous les cas, elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret impérial; mais il Y a cette différence entre la compétence ratione dignitatis et la compétence ratione delicti que, dans le premier cas, la haute Cour est le seul tribunal compétent,

1 Art. 54 de la Constitution du 14 janvier 1852 et art. 3 du sénatusconsulte du 4 juin 1858.

* Il a été reconnu, dans la discussion et dans le rapport, que la juridiction privilégiée de la haute Cour ne s'appliquait pas aux ministres plénipotentiaires, mais seulement aux ambassadeurs.

de telle sorte que si l'Empereur ne juge pas opportun de la réunir, toute poursuite est paralysée. Dans le second, au contraire, si le chef de l'État ne convoque pas la haute Cour, les tribunaux de droit commun sont saisis, conformément aux règles ordinaires'.

D'après le sénatus-consulte organique du 10 juillet 1852, la haute Cour se compose: 1° d'une chambre d'accusation et d'une chambre de jugement, formées toutes les deux avec des membres de la Cour de cassation; 2° d'un haut jury pris parmi les membres des conseils généraux des départements. Chaque chambre est composée de cinq juges et de deux suppléants, qui sont désignés, chaque année, par décret impérial, dans la première quinzaine de novembre. Les présidents des deux chambres, de même que le procureur général et les autres magistrats du ministère public, sont nommés, pour chaque affaire, par le décret qui saisit la haute Cour.

Le haut jury se compose de trente-six jurés titulaires et de quatre jurés suppléants. Cette qualité est incompatible avec les fonctions ou dignités de ministre, de sénateur, de député au Corps législatif et de membre du Conseil d'État; en outre, toutes les incapacités ou incompatibilités applicables au jury ordinaire, le sont aussi au haut jury. Nul ne peut être haut juré qui en a exercé les fonctions, depuis moins de deux ans.

Lorsque la haute Cour a été saisie par décret impérial, la chambre d'accusation procède conformément

1 Les affaires Pianori et Orsini ont été jugées par la Cour d'assises quoiqu'elles eussent pu être portées devant la haute Cour en vertu de l'art. 54 de la Constitutiun combiné avec la loi du 10 juillet 1852.

aux dispositions du Code d'instruction criminelle sur les mises en accusation; si le fait ne rentre pas dans la compétence de la haute Cour, la chambre d'accusation renvoie devant le tribunal compétent et sa décision est attributive de juridiction. Cela veut dire qu'au lieu de renvoyer à se pourvoir devant qui de droit, la haute Cour désigne expressément le tribunal où l'affaire sera portée. Une conséquence qui découle de cette disposition, c'est que l'attribution est irrévocable, alors même que le tribunal de renvoi serait incompétent; car, le pourvoi en cassation n'étant pas recevable contre les arrêts de la haute Cour, il n'existe aucun moyen de faire réformer l'arrêt de renvoi. Remarquons qu'en général, les tribunaux qui se déclarent incompétents se bornent à renvoyer les parties devant qui de droit, tandis que la haute Cour doit désigner le tribunal de renvoi auquel la juridiction est attribuée souverainement; de telle sorte que le tribunal de renvoi ne pourrait pas se déclarer incompétent'. Cette exception a été établie parce que s'il venait à se produire un conflit négatif d'attributions, le règlement de juges ne pourrait pas être vidé, puisque la haute Cour est le tribunal le plus élevé et que la juridiction chargée de faire le règlement de juges doit être supérieure aux deux tribunaux en conflit.

Lorsque le renvoi de l'accusé devant la chambre de jugement a été prononcé, un nouveau décret impérial convoque cette chambre et fixe le lieu où elle se réunira, ainsi que le jour de l'ouverture des débats. S'il

1 Art. 12 in fine et 13 du sénatns-consulte du 10 juillet 1852.

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